Face à la conjoncture économique mondiale et des réglementations internes contraignant le fonctionnement des banques, ces dernières se sont engagées à maximiser leur efficacité. Au cours de la semaine du banquier organisée du 4 au 8 décembre 2023, les Établissements de crédit se vouent de conjuguer les efforts afin de contribuer à l’atteinte de la vision Burundi pays émergent en 2040, pays développé en 2060.
Organisée pour la première fois au Burundi, l’Association des Banques et des établissements financiers se réjouit que la semaine du banquier arrive au moment où les institutions financières jouent pleinement leur rôle dans le développement économique du pays. « Nous comptons plus de 4 mille milliards de crédits accordés au secteur privé et plus de deux mille milliards de crédit accordés à l’Etat », a indiqué Roger Guy Ghislain Ntwenguye, président de l’ABEF.
Malgré ces avancées salutaires, les défis dans le secteur sont multiples, déplore-t-il. Et parmi ces défis, M. Ntwenguye a principalement soulevé l’inflation galopante ainsi que la récente mesure de la banque centrale de voir à la hausse le taux directeur qui est passé de 5 % à 10 %. « C’est toute l’activité qui sera impactée. Les banques seront obligées d’ajuster les taux d’intérêt, vous comprenez que cela engendrera des hausses additionnelles sur les crédits », a-t-il expliqué ; et la hausse du taux directeur a une incidence directe sur le financement de l’économie. « Si les crédits deviennent chers, l’activité économique sera touchée, car les banques n’auront pas les capacités de financer les grands projets parce que les bénéficiaires de ces crédits auront du mal à rembourser », regrette Roger Guy Ntwenguye.
À côté de ces mesures contraignantes, le président de l’ABEF a également évoqué l’inscription hypothécaire et la taxe sur les activités financières (TAF) de 8 % instituée par la loi budgétaire 2023-2024 et qui n’est malheureusement pas déductible.
Néanmoins, le Président de l’ABEF n’a pas manqué de rassurer l’opinion publique. Selon lui, ce taux directeur proposé reste encore temporaire et d’ajouter que ladite mesure est toutefois bonne pour aider les banques à se renforcer afin de faire face à des éventuelles crises. « Le taux proposé, je dirais qu’il a été discuté. La banque centrale nous a rassurés qu’avec le temps, des mesures d’atténuation seront prises », tranquillise le président de l’ABEF.
Il a également encouragé les autorités publiques à prendre des mesures fiscales tenant compte des réalités économiques dans le pays et d’adopter aussi des mesures d’accompagnement pour mettre à niveau l’économie nationale.
Le secteur bancaire voué à lutter contre une autre dévaluation de la monnaie
Lors des échanges tenus au cours de cette semaine du banquier, les participants ont manifesté leurs appréhensions sur les écarts des taux de change entre le marché parallèle et le marché officiel. « Nous sommes conscients que les écarts sur le marché officiel et sur le marché parallèle créent des distorsions dans le fonctionnement économique », révèle Roger Guy Ghislain Ntwenguye, président de l’ABEF.
Selon lui, il faut des préalables pour atténuer ces écarts, dont la disponibilité des devises passant par des apports et les appuis des partenaires, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. « Il faut aussi des investissements directs étrangers et cela sera possible tant que le climat courant des affaires sera sain », renforce le président de l’ABEF.
Toutefois, il apprécie les réformes déjà énoncées par la banque centrale pour réduire ces écarts de change entre le marché officiel et marché parallèle, dont la libéralisation du marché de change et la révision du code minier pouvant selon lui, permettre au Burundi d’exporter plus de minerais. « Nous pensons qu’au niveau du secteur bancaire, on se doit d’accompagner ces réformes pour atténuer ces écarts des taux de change et éviter éventuellement une seconde décision d’alignement des taux par la banque centrale ».
Quant au blanchiment des capitaux, autre mal d’actualité, les banques et les établissements financiers ont également réitéré leur engagement de travailler en étroite collaboration avec la Cellule nationale de renseignement financier (CNRF) pour lutter contre le blanchiment des capitaux. Ils ont également fait appel à l’indépendance de cette cellule afin de mener pleinement sa mission.
La CNRF, a à son tour encouragé les banques à se renseigner toujours sur la finalité des montants colossaux décaissés. Innocent Bano, Secrétaire Permanent de cette cellule, ira loin en faisant appel à une plateforme d’alerte collective. « On a beau avoir des textes, mais il faut une volonté collective pour lutter contre le blanchiment des capitaux », a -t-il insisté.
» La volonté des banques cadre avec la vision de l’Etat «
Au-delà de ces multiples défis, l’association des banques et établissements financiers se dit fière d’avoir atteint un niveau de digitalisation des services bancaires jusqu’ici satisfaisant. Toutefois, M. Ntwenguye n’hésite pas de déplorer quelques lacunes qui posent encore problème. Il a cité en outre le déficit énergétique et la couverture internet encore insuffisante.
« Nous sommes parfaitement conscients qu’il y a des défis, mais nous ne pouvons pas ne pas s’aligner sur la digitalisation », a indiqué le président de l’ABEF, en renforçant que la digitalisation reste une alternative sûre pour lutter contre la manipulation de billets de banque. D’où l’engagement des institutions
financières de poursuivre leurs investissements afin de digitaliser leurs produits, qui en plus est un moyen de rapprocher leurs services aux populations vivant dans les coins les plus éloignés. Le coût de la digitalisation étant élevé, l’option de leur mutualisation n’est pas à écarter.
Malgré les défis évoqués, le Ministre en charge des Finances, a félicité les banques pour leurs innovations de digitaliser leurs produits. « Ce thème est aligné avec les objectifs du gouvernement de digitaliser tous les services publics pour améliorer son efficacité dans tous les services publics », a annoncé Audace Niyonzima, ministre en charge des Finances.
Pour lui, cette digitalisation permettra non seulement de contrôler la manipulation de la monnaie, mais aussi de lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. D’où son encouragement aux établissements de crédit à mutualiser leurs efforts afin de juguler tous ces défis et de leur demander d’élaborer des politiques de protection des usagers des services numériques.
À l’occasion, M. Niyonzima a interpellé la Banque centrale à emboîter le pas les établissements de crédit dans la digitalisation de ses services. « On n’aura pas des services financiers de qualité si la banque centrale elle-même n’est pas digitalisée », a-t-il insisté, en l’exhortant à se concentrer beaucoup plus sur le système d’information, le système bancaire monétaire, le renforcement des services techniques d’identification ainsi que le Switch national.
Célébrée pour la première fois au Burundi, la semaine du banquier a vu la participation de différents dirigeants et cadres des 15 banques agrées au Burundi, les cadres de différents ministères techniques, de l’OBR et de la BRB ainsi que les représentants de la Banque mondiale et de la société financière internationale, principaux partenaires du pays en matière de renforcement de la stabilité de l’économie nationale.
Pour un Burundi en manque d’investissements stratégiques, lourds et structurants, vaut mieux avoir peu de Banques fortes au lieu de beaucoup de Banques faibles. D’où je trouve salutaire la décision de porter le capital des Banques à BIF 50 Milliards.