Au centre neuropsychiatrique de Kamenge, des patients souffrant des maladies mentales arrivent sans être accompagnés et sont abandonnés à eux mêmes par leurs proches qui ne reviennent jamais les revoir. Non seulement, ils tardent à guérir mais aussi, cela cause un manque à gagner au centre.
« Des gens amènent les malades et ne reviennent plus », déplore Hyppolite Manirakiza, directeur du centre neuropsychiatrique de Kamenge (CNPK), communément appelé « Chez le gentil ».
Souvent, ce sont les employés du centre qui les retrouvent ligotés en train d’errer dans la cour du centre. Preuve que quelqu’un les a amenés jusque là mais n’a pas voulu se faire connaître de peur de devoir payer la caution de 40 mille. Peut-être aussi, estime le directeur, de peur d’acheter les médicaments, payer les frais de séjour, charges trop difficiles pour les familles. De plus, explique Hyppolite Manirakiza, quand les malades sont internés, un proche doit faire le garde-malade pendant tout le séjour du patient.
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Depuis le début de cette année, 15 personnes souffrant de troubles psychiatriques ont été abandonnées par leurs proches et n’ont reçu aucune visite. L’année passée (2010), le centre neuropsychiatrique avait accueilli 18 patients.
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Selon Hyppolite Manirakiza, ce phénomène d’abandon s’explique par deux raisons. Premièrement, précise-t-il, lorsqu’une personne attrape une maladie mentale, directement on pense à la sorcellerie « ibisigo, abaganza » et la plupart commencent à les faire soigner chez les féticheurs et se retrouvent ruiner alors que le malade ne s’est pas remis. De ce fait, la famille n’a plus les moyens pour le faire interner. D’autres, continue-t-il, le font par égoïsme ou ignorance : « Pour guérir d’une maladie mentale, la thérapie peut prend plus de temps, voir plus de six mois. Ils ne peuvent pas se sacrifier pour eux. »
Une longue thérapie…
Aristote Ndagijimana, assistant social a fait le même constat. Il affirme que les femmes qui ont pour la plupart de gardes-malades guérissent plus vite que les hommes. Car, ceux-ci sont souvent seuls, personne pour s’occuper d’eux. De plus, renchérit l’assistant social, ceux qui ont des proches qui s’occupent d’eux (nourriture, lessive, toilette…) ne tardent pas au centre : « C’est une dimension très importante dans le processus de guérison. » Un autre avantage des patients qui sont entourés c’est que le médecin traitant obtient vite et avec précision des informations sur le patient notamment quand et comment il est tombé malade.
Pour le cas à ceux qui n’ont personne pour veiller sur eux, les médecins attendent que l’état de santé des patients se stabilise afin d’être en mesure de répondre clairement aux questions posées. À ce stade, ils se rendent compte qu’ils souffrent de maladies mentales et que les leurs ne viennent jamais leur rendre visite. Souvent, certains rechutent, ne supportant pas ce rejet. D’autres, précise-t-il, dépassent le stade d’être internés et le centre paye les frais de déplacement jusque chez eux. Leurs familles qui ne les accueillent à bras ouvert et ne supportant d’être toujours traités comme « des fou », rechutent.
L’assistant social déplore qu’ils prennent la place aux nouveaux patients : « C’est le seul établissement psychiatrique, nous accueillons des malades venant des quatre coins du pays. Les places sont limités.»
Pour palier à ce phénomène, le directeur estime qu’il faut sensibiliser et faire le plaidoyer sur la problématique de la santé mentale : « Il faut une politique claire du pays. Malheureusement, c’est un domaine très négligé. Les droits des malades mentaux ne sont pas respectés et aucune loi ne les protège. »