Moïse Ntiburuburyo, président de l’Association pour la Défense des Droits des Malades, révèle que la rupture de stock était connue depuis le mois d’avril. Pourtant, il regrette qu’aucune précaution n’ait été prise pour sauver des vies. Il rappelle que le CNTS est un service des urgences : il n’a pas le droit de fermer.
D’après vos enquêtes, quelles seraient les causes de cette rupture de stock au CNTS ?
La paralysie de ce centre ne date pas d’aujourd’hui. Un problème de passation de marché dû aux spéculations individuelles est à l’origine. Depuis les mois de mars et avril, le ministère de la Santé était informé. La commande des poches sera faite en mai. Cependant, à notre plus grande surprise, nous apprenons qu’il n’y a pas un mois que le ministre des Finances l’a approuvée. En outre, contrairement aux déclarations de ce dernier, le budget alloué aux activités du CNTS s’est épuisé en mars. A partir de cette période, tous les fournisseurs de biens et de services ont suspendu leurs activités : des garagistes ont saisi quelques véhicules en réparation pour le non paiement de la facture, les pétroliers ont carrément arrêté de servir le carburant. Le CNTS a dû faire recours aux véhicules de l’intérieur du pays.
Estimez-vous normal le silence du ministère de la Santé durant toute cette période ?
Quand la vie des gens est en jeu, il ne faut pas jouer aux spéculations. C’est pourquoi je doute de sa compétence. De toutes les façons, les conséquences étaient prévisibles. Le ministère avançait sur un terrain glissant. Il fallait donc anticiper.
Comment ?
Nul n’ignore que le pays connaît un déficit budgétaire, mais il fallait oser le dire aux partenaires financiers. Il y a des cas où il s’avère nécessaire de tirer la sonnette d’alarme. D’ailleurs, le 29 août, des partenaires techniques financiers du Burundi dans le secteur de la santé se sont réunis pour voir comment secourir d’urgence ce secteur. Que le ministre des Finances monte au créneau pour dire que les moyens sont disponibles alors que ce n’est pas le cas est impensable. Normalement, dans un pays où les droits des malades sont reconnus, des responsabilités devraient être établies. Les familles des victimes devraient être indemnisées.
Comment expliquez-vous cette situation au centre géré au ministère de la Santé, dit « bien portant » financièrement ?
Ce ne sont que des contradictions. Avec le système de charroi zéro, c’est la catastrophe. Le ministère de la Santé a privilégié ses cadres au détriment de la population qui les a élus, mandatés et placés à leurs postes actuels. C’est de l’ingratitude au moment où à l’intérieur du pays le CNTS va quémander des véhicules dans d’autres services de l’administration. J’insiste : le CNTS est un service chargé des urgences. Il ne peut en aucun cas dépendre des autres. Le charroi zéro n’est pas applicable partout.
Que proposez-vous pour l’avenir ?
La santé humaine constitue un domaine très sensible. Dans la déclaration de Maputo, le Burundi s’est engagé à accorder 15% de son budget national au secteur de la santé. Cependant, c’est à peine s’il arrive à débloquer les 13% chaque année. Arriver au stade où des poches de sang manquent est incompréhensible quand on sait que plus de 90% du budget du ministère de la Santé provient de l’extérieur. C’est dommage que la grande part de l’enveloppe se volatilise dans les séminaires et ateliers de formation au détriment de la population à qui elle est destinée.
Puisqu’on parle de la carence de sang dans le stock du CNTS, il doit penser à l’automatisation de la collecte de sang. Pour le moment, il faut 10 à 15 minutes pour un donneur alors qu’ailleurs où les techniques sont avancées, les prélèvements se font en moins d’une minute.
En outre, d’après un rapport de 2013, le Burundi n’a que 6,2 donneurs sur mille habitants au lieu de 10. Des réformes dans ce secteur s’imposent.