La préservation de la biodiversité, des hippopotames qui envahissent les quartiers, des crocodiles ‘’emprisonnés’’, etc. Des signes qui renseignent sur l’état environnemental. Rencontre avec Dr Samuel Ndayiragije, directeur général de l’Office burundais pour la protection de l’Environnement (OBPE).
Pourrions-nous avoir plus de détails sur le prix que le Burundi a récemment reçu en Egypte ?
Le Burundi a décroché, le 25 novembre, à Sharm El Cheikh, en Egypte, la médaille d’or attribuée aux meilleurs CHM (Clearing House Mechanism). Ce prix a été décerné par le secrétariat de la Convention sur la biodiversité Biologique (CBD). C’était lors de la 14ème conférence des parties sur la biodiversité (COP14). Plusieurs pays qui font partie de la Convention sur la biodiversité biologique ont leurs sites d’information. Et le Burundi a été classé le premier. Nous avons un site de publication sur tout ce que nous faisons en matière de biodiversité. Il est consulté par le monde entier en ce qui concerne la biodiversité au Burundi.
En quoi le Burundi s’est-il distingué?
C’est surtout la protection, la conservation de la faune et de la flore sauvage. Un travail fait avec les populations riveraines grâce notamment à feu Benoît Nzigidahera, chef de service recherche sur la biodiversité à l’OBPE, et son équipe.
Et cela nous montre que nos efforts n’ont pas été vains. Le constat est qu’on néglige la biodiversité. On en parle de façon superficielle. Ce qui est à la mode, c’est l’environnement. Mais la biodiversité est une partie de l’environnement. Nous avons fourni beaucoup d’efforts en la matière indépendamment des difficultés rencontrées sur le terrain.
Par exemple ?
Beaucoup d’efforts ont été fournis pour lutter contre les feux de brousse. Mais de grands défis persistent encore. Les braconniers qui tuent des animaux dans les parcs et aires protégés. La pollution, surtout des eaux du lac Tanganyika. Et les cas des hippopotames et autres animaux sauvages en difficulté au bord du lac Tanganyika et dans d’autres parcs.
Des hippopotames sortent des eaux du lac et envahissent les quartiers. Qu’est-ce que cela signifie ?
C’est un cri d’alarme qu’ils lancent envers la population burundaise et surtout les autorités. C’est un fait inhabituel. Jadis, les pâturages étaient suffisants. Aujourd’hui, la zone tampon est quasiment occupée par des constructions, des champs. C’est pourquoi vous les voyez un peu partout à la recherche de pâturage.
Comment protéger ces pâturages ?
La question incombe aux plus hautes autorités de l’Etat. On peut citer les cabinets des ministres ayant l’environnement et les constructions dans leurs attributions. Le maire de la ville et l’administration locale devraient également s’impliquer pour que de telles constructions soient bannies.
Quid de la protection de ces animaux sauvages ?
On y travaille. Nous avons commandé un fusil hypodermique pour pouvoir sauver ces animaux. S’il y a un animal qui est malade, nous pourrons le capturer et le soigner. On peut aussi les amener dans des endroits encore disponibles pour un repeuplement.
Nous allons aussi faire un inventaire des hippopotames au niveau du lac Tanganyika et du parc de la Rusizi. Ce qui nous permettra de faire un parallélisme entre le nombre de bêtes et le pâturage disponible. On pourra aussi décider de faire une régulation ou pas.
L’effectif des crocodiles a sensiblement diminué dans le lac et le parc de la Rusizi. Néanmoins, un nombre important est élevé par des privés. Comptez-vous les ramener dans leur biotope ?
C’est une question aussi d’administration. Normalement, le cas du crocodile est évoqué dans l’annexe I de la convention CITES protégeant les animaux en voie d’extinction. Les crocodiles sont des animaux à protéger. Nous allons engager une véritable discussion plus constructive avec ces éleveurs clandestins. Ce sont des braconniers, mais, on ne va pas enclencher un mécanisme de récupération forcée. Nous aimerions que ces animaux soient relâchés et remis dans leur milieu naturel. Ceux qui les gardent, c’est pour leur bon plaisir. Ce n’est ni rentable pour l’Etat, ni pour eux.
On entend souvent parler des chimpanzés qui ont été amenés au Kenya. De quoi s’agit-il?
C’est une vingtaine de chimpanzés qui sont partis dans les années 1990 au Kenya. Ils étaient en difficulté, la plupart se trouvait dans des ménages dans la capitale. A cette époque, Jane Goodall Institut, une association américaine, a eu pitié d’eux. Il s’en est suivi la signature d’une convention avec le Burundi, laquelle autorisait ce dernier à leur rendre visite annuellement pour voir leur évolution. Malheureusement, il n’y a pas eu un suivi régulier. Ils sont toujours là.
Est-ce encore possible de les rapatrier ?
Aujourd’hui, le dossier revêt un caractère plus politique que technique. Mais ce n’est pas une raison de le fuir. L’Institut Jane Goodall est revenu au Burundi pour travailler avec nous, surtout dans la réserve forestière de Bururi et la Kibira. On va donc ramener sur la table ce dossier pour que nous sachions ce qu’est devenu ce patrimoine national.
Votre message aux destructeurs de l’environnement ?
Comme disait Chateaubriand : « Les forêts précédent les peuples, les déserts les suivent ». Autrement dit, sans sauvegarder l’environnement, nous allons aussi disparaître. Je demande aux Burundais d’être des amis de l’environnement, de la biodiversité. Notre vie en dépend.