Vendredi 22 novembre 2024

Société

Sans guérison des traumas, point de réconciliation

30/09/2021 5
Sans guérison des traumas, point de réconciliation
Rongée de l’intérieur

Pour soulager les mémoires blessées et panser les plaies laissées par différentes crises qui ont endeuillé le Burundi, un processus de justice transitionnelle a été initié pour la restauration du vouloir vivre ensemble. Une tâche difficile sans traitement des traumas.

Une Commission Vérité et Réconciliation est à pied d’œuvre dans sa mission ultime de découvrir la vérité afin d’amener les Burundais à cheminer ensemble vers la réconciliation, un vaste chantier qui demande de faire preuve de tact et de délicatesse.

Face à la détresse et autres traumas qui se sont emparés et pris en otage des milliers de Burundais, victimes de ce passé sombre, avec tous leurs corollaires comme le manque de confiance, l’intolérance, la hantise du passé, des réminiscences obscures, la peur de l’autre, le mal-être, … des voix s’élèvent pour appeler la CVR à tenir en compte la prise en charge psychosociale de ces personnes affectées par les tristes événements ou bouleversements qui ont jalonné l’histoire mouvementée de ce pays meurtri.

Pour la Commission Vérité et Réconciliation, la recherche de la vérité sur ce passé sombre est primordiale comme le stipule son président, Pierre-Claver Ndayicariye.

« Il nous faut tout d’abord connaître la vérité, exhumer la vérité, c’est cela le premier chemin pour détraumatiser les familles éplorées, qui ont perdu les leurs », insiste le président de la CVR.

Au Burundi, confie-t-il, il y a des familles des victimes à qui on a dit que leur papa est parti en Zambie, en Tanzanie, au Malawi, en Ouganda mais lorsque nous avons commencé les travaux d’exhumation, ces familles ont alors découvert que leur papa n’était pas en Zambie, ni en Tanzanie, encre moins au Malawi ou en Ouganda. « Leur papa a été arrêté, tué puis jeté dans une fausse commune ».

Révéler la vérité et laisser les gens pleurer

CVR : « Il faut d’abord connaître la vérité.»

Pour Pierre-Claver Ndayicariye, le premier remède du traumatisme, c’est la révélation de la vérité et la deuxième recette, c’est de donner à ces familles éprouvées l’occasion de pleurer.

Lors des auditions des veuves et des orphelins, révèle le président de la CVR, nous les gardons pendant une heure et demie et pendant le temps que nous passons ensemble, une bonne moitié, c’est pour verser des larmes, c’est pour pleurer et après, ils nous disent que c’est pour la première fois qu’ils témoignent depuis la disparition ou la perte d’un être cher, le mari, le fils aîné.

« Pleurer participe à la détraumatisation parce que ces familles qui ont perdu les leurs, ne les ont pas pleurés, elles n’ont pas organisé le deuil encore moins la levée de deuil définitive », indique le président de la CVR.
Une autre étape pour détraumatiser les victimes, confie-t-il, c’est au niveau de la loi. « C’est l’indemnisation, la réparation morale, psychologique, matérielle, il y a également la réparation financière quand c’est possible ».
Selon Alexis Nibigira, chargé du programme de prise en charge psychosociale au sein de THARS (Trauma Healing and Reconciliation Services), la gestion et le traitement des traumas doit accompagner toutes les actions de la Commission Vérité et Réconciliation. « En recherchant la vérité, en procédant aux exhumations, cela réveille les mémoires enfouies dans l’inconscient de chaque personne ».

Eviter à tout prix la transmission violente des mémoires

Même si la recherche de la vérité est primordiale pour réconcilier les gens et pour ressouder le tissu social déchiré, fait-il remarquer, la démarche ou le processus retraumatise les victimes et c’est pourquoi, la réparation psychologique doit aller de pair avec la recherche de la vérité.

Pour ce psychologue, le traitement des traumas et leurs séquelles est le parent pauvre de la Justice transitionnelle. D’après lui, ce volet doit avoir sa place dans tout le processus de traitement du passé.
Quand il est question de réparation, explique Alexis Nibigira, les gens ont tendance à voir les réparation symboliques, matérielle, mémorielles et souvent la réparation psychologique, pourtant primordiale est oubliée, négligée alors qu’elle constitue la garantie de non-répétition des crimes.

Alexis Nibigira : « Il faut traiter les traumas pour atténuer la transmission violente des mémoires.»

Au niveau communautaire, note Alexis Nibigira, quand il y a eu stabilisation, quand les victimes ont bénéficié d’un accompagnement psychosocial, chaque membre a confiance en soi et il est facile de se réconcilier avec l’autre.
Même au niveau de la justice, fait-t-il remarquer, quand les gens se rendent compte que c’est tel qui a commis un crime, cela réveille la mémoire.

« Le soutien psychosocial doit être transversal sur tous les piliers de la Justice transitionnelle, souvent cela manque et il y a des conséquences sur la jeunesse », indique ce psychologue.

Selon lui, il y a le trauma individuel, il y a le trauma collectif et il y a le trauma intergénérationnel. « Si l’on n’y prend pas garde, il y a cette transmission violente des mémoires suite aux traumas non traités d’où la nécessité de réserver une place de choix au soutien et à l’accompagnement psychosocial ».

La plupart des observateurs insistent sur ce danger de la transmission violente des mémoires, des traumas. Au Burundi, toutes les crises, même la toute récente, portent des stigmates des crises antérieures non traitées ou mal traitées.

CVR

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Bellum

    @Sakubu
    Je veux bien comparaître, hélas je comparaîtrais devant la justice des vainqueurs : celle qui viole le secret du délibéré et vend la nation pour quelques euros à la Brarudi d’après le journaliste néerlandais Olivier van Beem, celle qui jette dans les geôles nauséabondes des journalistes d’Iwacu pour avoir fait leur travail de journaliste, celle qui d’après le président de la République se vend au plus offrant, celle qui condamne le juste parmi les justes, Fabien Baciryanino, en dépit de son immunité parlementaire, celle qui laisse mourir en prison les militants MSD et FNL Rwasa pour le crime d’avoir une opinion différente et d’exercer le droit constitutionnel d’association, celle qui demande : « Mon Général, qu’est-ce que je fais ? », celle qui pratique le deux poids deux mesures selon qu’on est Umusoso ou Umutigu, celle qui confirme des élections tronquées, celle qui fait pleurer le chef d’Etat par sa gabegie et vénalité, etc.
    L’idéologue au service de la justice des vainqueurs se répand partout pour colporter le mensonge de Mulélistes auteurs du génocide des populations tutsies en 1972 alors que nos familles de Muhuta et Kabezi ont été massacrés par les locaux sous la houlette des petits fonctionnaires du lieu comme exactement en 1993. Certains sont installés aux USA et en Australie suite à l’accueil des réfugiés burundais de 1972 depuis la Tanzanie. Il occulte complètement le génocide contre les Tutsi préalable au contre-génocide des Hutus comme s’il y a des morts qui ne comptent pas. Et pourtant, la fameuse lettre de Museveni avait mis les points sur les i puisqu’il connaissait les organisateurs ( Sélius Mbasha, Buname et Biyorero) qu’il avait prévenu que l’on ne libère pas un pays en massacrant des innocents, femmes et enfants. Face à une justice juste, les millions de victimes occultées viendraient me soutenir, hélas je ne peux avoir aucune justice devant la justice des vainqueurs pour laquelle seuls certains morts comptent. Ce qui confirme l’affirmation de Bagaza.

    • SAKUBU

      Les traumas et psycho traumatismes de notre société ont été trop profonds, les thérapies seront longues et sans la guérison de ces blessures profondes encore saignantes comme le dit si bien l’auteur de l’article, la réconciliation véritable sera difficile et dure à atteindre étant donné qu’il y a même une transmission consciente et inconsciente intergénérationnelle de ces traumas et psycho traumatismes. Ce sera un travail de longue haleine des experts professionnels et plusieurs autres acteurs clés avec beaucoup de doigté, de maturité cognitive et affective et de sagesse pour traiter, accompagner, panser et guérir ces blessures encore béantes et arriver à une réconciliation véritable.

    • SAKUBU

      La société burundaise est profondément traumatisée et très blessée depuis belle lurette et ces psychotraumatismes se transmettent consciemment et inconsciemment de génération en génération.

  2. Bellum

    Tous les problèmes consécutifs aux crimes et atrocités historiques auraient dû être abordés par une Commission Vérité, Réconciliation et Justice établie aux termes des Accords de paix et de réconciliation d’Arusha et accompagnée par les Nations Unies. Hélas, tout le processus a été kidnappé par la justice des vainqueurs qui n’apportera ni vérité ni réconciliation. Elle s’emploie plutôt à renforcer les divisions, les haines et les rancœurs. Le dirigeant de la CVR est un homme remarquable, une forte personnalité mais malheureusement un idéologue au service de la justice des vainqueurs qui est en train de creuser le fossé entre les communautés exactement comme l’a fait le fameux prélat à la tête de la Commission Terres et autres Biens. C’est l’ancien président Bagaza qui disait que le pays est divisé en deux peuples : Ceux qui ont le droit de vivre sur terre et ceux qui n’ont pas le droit à la vie et qui sont condamnés à demeurer sous terre. Les deux Commissions confortent parfaitement cette assertion.

    • SAKUBU

      « Le dirigeant de la CVR est homme remarquable, une forte personnalité »…. »un idéologue au service de la justice des vainqueurs »…. »entrain de creuser le fossé entre les communautés comme l’a fait le fameux prélat à la tête de la Commission Terres et autres Biens « : les mêmes stratégies/stratagèmes/tactiques qui ont « bien » fonctionné chez le « fameux prélat » sont mis en avant pour lyncher « l’idéologue en train de creuser le fossé entre les composantes »: une affirmation plutôt une accusation très grave sans aucune preuve matérielle, une insulte/diffamation punissable selon le code pénal burundais à l’endroit d’une « forte personnalité », un « homme remarquable ». Quant à l’affirmation attribuée à l’ancien Président Bagaza: juste une interprétation déformée de son idée qui n’était pas moins divisionniste!

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