Le Burundi a célébré la journée mondiale de la sage-femme le 17 mai dernier. Une célébration sous de fâcheux auspices : une grande partie des « donneurs de vie » restent sans emploi.
Sur 1.319 sages-femmes diplômées au niveau national, seulement 197 sont en exercice, soit 15%. C’est Juma Ndereye, directeur du Programme national de la santé de la reproduction (PNSR), qui l’a déclaré, vendredi 17 mai. Le Burundi célébrait la journée mondiale de la sage-femme, à l’Institut national de santé publique (INSP), normalement célébrée au monde entier chaque 5 mai.
Stress total, risque d’attraper de graves maladies… Quelques « donneurs de vie » rencontrés, en train de célébrer « l’un des plus beaux métiers » livrent leur quotidien.
Espérance Baziza, sage-femme depuis 15 ans, aujourd’hui affectée à l’hôpital Roi Khaled parle d’un métier des plus stressants, fatigants, qui exige d’être debout 24h/24.
Accueillir en urgence des femmes sans matériel de protection, jaillissement du sang ou autre liquide sur notre corps… des risques d’hépatite, Ebola, VIH sida ou tout autre maladie transmissible. « Malgré ces épreuves interminables, ce sont deux vies que nous sauvons. Rien de plus formidable ». La passion et le sacrifice, des leitmotivs d’une sage-femme, soutient-elle.
L’insuffisance de matériel et de certains médicaments, la carence de gynécologues (24 au niveau national) sont les principaux défis auxquels font face les sages-femmes, d’après Bernadette Nkanira, représentante légale de l’association burundaise des sages-femmes (Abusafe). « Il ne suffit pas d’une formation pour bien accomplir notre mission. Il faut qu’on nous donne tout le matériel nécessaire ». Les appareils de monitorage et échographie pour surveiller l’état du bébé font défaut dans la plupart d’hôpitaux, alors qu’ils sont nécessaires pour un meilleur accouchement, assure la sage-femme Espérance Baziza.
Une « corvée » adoucie par une naissance
Evariste Ndikumasabo est un maïeuticien (homme qui exerce le métier de sage-femme) depuis 8 ans. Il exerce à l’hôpital de Muramvya. Auparavant infirmier, il a choisi la carrière de sage-femme pour fuir le « calvaire » qu’il vivait dans un centre de santé. Le matériel était insuffisant. Pas d’ambulance parfois. « S’il survenait un cas qui nous dépasse, nous devions emmener la mère sur un brancard vers un autre hôpital ». C’est ainsi qu’il s’est lancé dans la formation de sage-femme à l’INSP pour améliorer ses compétences.
Ce « sage-femme » passionné parle aussi d’un métier pénible, qui exige d’être débout 24h/24. « Mais toute cette peine devient insignifiante quant tu vois un bébé naître grâce à tes efforts ».
Le directeur du PNSR n’a pas manqué de louer le travail des sages-femmes qui contribuent dans la réduction des mortalités maternelles. Il fait savoir que le ratio de mortalité maternelle est passé de 500 décès sur 100 mille naissances vivantes en 2010 à 334 décès sur 100 mille naissances, selon l’étude démographique de santé(EDS) de 2016-2017. En 1994, la mortalité maternelle était de 1.950 décès sur 100 mille naissances.
Malgré tous ces efforts, déplore Dr Ndereye, le chiffre de décès maternels dans les hôpitaux reste assez élevé. Aujourd’hui, le Burundi enregistre 372 décès maternels dans les structures de santé, selon le bilan annuel 2017 du PNSR. « Théoriquement, il devrait y avoir zéro décès dans les structures de santé ».
L’Unicef estime que 80% des décès maternels pourraient être évités si les femmes qui accouchent étaient assistées et suivies par du personnel de santé qualifié, souligne Dr Ndereye.