Fabriquée à base d’ananas, de sucre et de la levure, la boisson est une menace pour la santé et la sécurité. Pourtant, elle est vendue au su et au vu des autorités administratives et policières, certaines communes allant jusqu’à en taxer la vente.
Il est 9 heures du matin dans un des cabarets d’Umuraha dans le quartier Gasanda en commune Ruyigi, province Ruyigi. Des hommes, mais aussi des femmes, dégustent tranquillement leur « vin ». Certains sont déjà légèrement ivres. «C’est bon et moins cher.», marmonne un d’entre eux. C’est son prix, 500Fbu par litre, qui fait que cette boisson ait la cote auprès des consommateurs. «Avec la pauvreté qui sévit au Burundi, on n’a pas les moyens de s’acheter une Primus », précise D.K., la langue pâteuse.
Pour fabriquer cette boisson, selon un vendeur, on coupe des ananas en petits morceaux puis on les met dans de gros fûts. Par après, on ajoute du sucre chauffé, de la levure ainsi que du sorgho pour provoquer la fermentation. Cette dernière dure quatre à cinq jours. «Lorsqu’il y a pénurie, on peut commencer à la vendre à deux jours car cette boisson est très prisée.»
Les conséquences de la consommation de cette boisson sur la santé de la population sont catastrophiques : enflure des jambes et des yeux, décoloration des cheveux, perte d’appétit, etc. Ceux qui sont devenus accros abandonnent même le travail car n’ayant plus de forces. Les femmes s’adonnent à la débauche pour pouvoir se payer un litre. Les ménages sont délaissés, et l’éducation des enfants en pâtit. En ce qui concerne la sécurité, les bagarres éclatent tous les jours dans les cabarets. «La plupart des cas d’insécurité sont causés par ces boissons prohibées», précise le porte-parole du commissariat de police à Ruyigi, OPP1Benjamin Nduwayo.
La population trépasse, l’administration se remplit les poches
Ce qui étonne les habitants de la ville de Ruyigi, c’est que les communes continuent de percevoir des taxes et amendes, alors que cette boisson fait des ravages au sein de la population. D’après des quittances délivrées par la commune de Ruyigi, il est mentionné que c’est une amende du mois pour la vente des boissons prohibées. Et cette amende s’élève à 10.000 Fbu. La population se demande alors pourquoi la commune, au lieu d’éradiquer ce « poison », se presse de faire payer des amendes. «La vente de cette boisson génère beaucoup d’argent. 10.000 Fbu, c’est rien pour les vendeurs », indique un habitant. Pour lui, les autorités devraient prendre des mesures plus drastiques. L’administrateur de la commune Ruyigi, Yasmin Ntakarutimana, n’a pas voulu s’exprimer.
Appel à des mesures administratives
«Ce n’est que des mesures administratives, car il y a aucune loi écrite qui punit la vente de ces boissons », fait savoir Cyriaque Nshimirimana, gouverneur de la province Ruyigi. D’après lui, ils ont tout essayé, mais impossible d’éradiquer ce fléau. Et de reconnaitre que cette boisson occasionne beaucoup de dégâts. «Mettre en prison les vendeurs sur base de quelle loi? », s’interroge le gouverneur. Ils ont alors pris les mesures de renverser les fûts remplis d’Umuraha, de saisir le matériel qui sert à sa fabrication et de pénaliser les vendeurs par des amendes.
Le seul bémol, déplore Cyriaque Nshimirimana, c’est que certains administratifs de base et quelques policiers sont vendeurs ou consommateurs de cette boisson. «Au moment des rafles, les vendeurs sont déjà avertis.»
Du côté de la police, Benjamin Nduwayo fait remarquer que la police a saisi 5000 litres d’Umuraha. «Les policiers ont des ordres clairs de toujours saisir ces boissons. L’administration devait être plus stricte », conclut-il.
Où est la logique dans tout ça? Il n’y a pas de loi qui interdit la vente de boissons comme l’umuraha. Conséquemment, sans loi, il ne peut pas y avoir de réglementation en la matière. Sans règlement, il ne peut pas y avoir d’amende à payer. Dans le même ordre d’idée, il ne peut y avoir saisie de l’umuraha par la police. Ivyo mu Burundi biragoye. Subiza abo badandaji amahera yabo n’urukanywa que l’administration a saisis illégalement.