Loin de leurs familles, souvent sans beaucoup de moyens, les mineurs détenus à Ruyigi se sentent abandonnés. Les parents et la société civile tirent la sonnette d’alarme.
«Nos enfants sont hébergés loin de nous et ne reçoivent pas de visites régulières », se lamente un des parents des enfants gardés dans le Centre de rééducation des mineurs en conflit avec la loi (Crmcl) de Ruyigi. Cet habitant de Karusi signale qu’il parcourt plus de 100 km pour visiter son enfant détenu. « Je dépense plus de 20 mille BIF par visite, ce qui limite mes déplacements », confie-t-il, avec une voix douloureuse.
Les défenseurs des droits de l’enfant font le même constat. David Ninganza, directeur du centre de protection de l’enfance au sein de la Sojepae-Burundi, indique que le manque de visites affecte psychologiquement ces enfants : « Ils se sentent abandonnés.» Il propose qu’il y ait un psychologue pour aider dans leur encadrement.
Ce défenseur déplore, en outre, le manque d’une structure de soins : « Ces mineurs se rendent à l’hôpital à pied. Ils sont donc exposés à une tentative d’évasion avec toutes les conséquences que cela peut entraîner. »
Ces mineurs sont également privés du droit à l’éducation. « Imaginez-vous un enfant qui est arrêté au moment où il fréquentait la 7ème année. S’il est élargi après cinq ans, il lui sera difficile de réintégrer l’école », s’indigne M. Ninganza. Et d’évoquer aussi le manque d’outils et de terrains de jeux adéquats. Selon lui, ces mineurs ont besoin d’un encadrement spécial. « Ce qui aiderait à changer leurs mentalités et les préparer à une bonne réinsertion socio-professionnelle ».
Ce défenseur des droits de l’enfant estime qu’il faut prévoir un jour de communication entre les parents et leurs enfants. Et de suggérer aux responsables du centre de prévoir des frais de communication, un jour de visite et la prise en charge du déplacement des parents.
Le directeur du centre se justifie, mais…
« Des activités socio-culturelles et sportives existent dans notre centre », assure Jean Bosco Hitimana, responsable dudit centre. Côté assistance judiciaire, chaque enfant est assisté par un avocat. Et la prise en charge de ces avocats est supportée par l’association des femmes juristes, précise-t-il.
En cas de maladie, M. Hitimana indique que le concerné marche à pied jusqu’à l’hôpital sous escorte policière. Les mineurs qui fréquentaient l’école au moment de leur arrestation ne regagnent pas le banc de l’école. « Nous ne pouvons pas avoir des policiers qui assureraient la garde de ces enfants ».
Malgré ces avancées, le responsable de ce centre reconnaît que quelques défis persistent. C’est le cas de la distance qui ne permet pas des visites régulières. « Le déplacement est couteux pour les parents qui, pour la plupart, ont de maigres ressources ». Idem pour les soins de santé. Selon lui, le centre de santé où se font soigner ces mineurs se trouve à 4 kilomètres de la ville de Ruyigi.
Côté encadrement, il reconnaît que les activités restent insuffisantes : « Dès sa création, les mineurs étaient occupés à faire la couture, la mécanique auto et la mécanique vélo. ». Et de regretter la fermeture de la Maison Shalom qui s’occupait de telles activités.
Actuellement, souligne M. Hitimana, ces mineurs pratiquent l’agriculture (culture des légumes, fruits), l’élevage des porcs et l’apiculture. « Ils possèdent des jardins personnels qu’ils exploitent et ils sont associés à la gestion des ressources provenant des travaux auxquels ils ont pris part ».Ils bénéficient de la totalité du produit du travail.
Ce responsable évoque quelques solutions dans l’immédiat, comme la redynamisation des anciens métiers telle la couture, la mécanique, etc. Et il invite la population à emboîter le pas au diocèse catholique de Ruyigi. « Ce dernier a institué ce qu’il appelle « amis des détenus » où chaque détenu a un parrain parmi les chrétiens ».