Depuis un mois, dix militants du Fnl de Jacques Bigirimana croupissent dans la prison de Ruyigi, suite à un accrochage avec des Imbonerakure. Accusés de vouloir perturber la sécurité des citoyens, ils ont fait appel.
Au terme d’un procès jugé en flagrance, la sentence a été prononcée, le 16 mai pour les 10 militants. Parmi eux, un seul a écopé d’une peine plus lourde que les autres. Nathanaël Ndizeye va purger une peine de trois ans. Les neuf restants ont, quant à eux, été condamnés à passer 18 mois derrière les barreaux. Il s’agit de Vincent Nibaruta, Elyse Misago, Serges Bakundukize, Valentin Nibitanga, Audace Ndihokubwayo, Bienvenu Bizimana, James Ndizeye, Léopold Niyonkuru et Fabien Ngendakumana.
Insatisfaite de l’issue du procès, la direction provinciale du parti a décidé de faire appel près la Cour d’appel de Gitega. Mais apparemment, cette démarche piétine. Selon Me Fulgence Ndayizeye, l’avocat engagé par le parti pour défendre les détenus, la copie de jugement et le dossier sont toujours au Tribunal de Grande Instance de Ruyigi. En principe, il fait savoir que ces pièces devraient être à la Cour d’appel, tout au plus 15 jours après le pourvoi en appel. Une action déjà introduite, depuis le 21 mai.
Tout remonte au 9 mai. Ce jour, Nathanaël Ndizeye se rend sur la colline Biyogwa, chez son beau-père, pour soigner ses vaches. Après avoir terminé son travail, le vétérinaire est invité à prendre un verre. Aux environs de 21h, des individus, identifiés comme des Imbonerakure, débarquent et emmènent son beau-père. Pris de panique, il commence à alerter tout le monde. Pour rappel, le mois précédent deux individus avaient été tabassés par des Imbonerakure.
Arrêtés dans les mêmes conditions, Etienne Nzorijana et Edouard Nkeshimana, tous du Fnl, avaient reçu des coups de couteau au niveau des oreilles. « En appelant ces amis, M. Ndizeye a voulu prévenir pour que ce drame ne se réédite », indique Shabani Gatoto, responsable provincial du parti Fnl. Alerté, un groupe de « Banamarimwe » des collines Mihama et Burenza prennent la route pour « venir en aide » au beau-père « kidnappé ». Cependant, ce dernier est vite relâché. Pendant ce temps, une partie de ceux appelés à l’aide va tomber nez à nez, en cours de chemin, avec une patrouille d’Imbonerakure. Ils sont à leur tour arrêtés. L’autre partie va aussi dévier pour s’enquérir de la situation des nouveaux « capturés ». Arrivés sur les lieux, ils vont subir le même sort que les premiers. En cet instant, des Imbonerakure vont téléphoner à l’administrateur de Butangazwa. « S’ils n’ont commis aucune infraction, relâchez-les », leur a-t-il répondu. Cependant, Félix Ndaruhekeye, chef des Imbonerakure, refuse de suivre la consigne : « Attendons le lever du jour, nous allons nous adresser à d’autres autorités.» Pourtant, rapporte M. Gatoto, l’administrateur leur avait bel et bien signifié de les relâcher et de ne prendre que des contacts de l’une des personnes arrêtées au cas où l’administration voudrait de plus amples explications.
Victimes d’un acharnement
Par la suite, M. Gatoto affirme que des Imbonerakure sont allés chercher des machettes, des gourdins, des barres de fer et des haches pour incriminer tout le groupe. « Ils ont menacé de les passer à tabac s’ils ne prenaient pas ces armes. Certains se sont exécutés, d’autres non. D’ailleurs, c’est sur cette base qu’ils ont été inculpés. Ils ont été accusés de perturber la sécurité de la population ».
Le lendemain, les policiers sont venus et les ont escortés vers le chef-lieu de la province de Ruyigi. Deux jours plus tard, le Tribunal de Grande Instance donnera son jugement pour les dix militants du Fnl. Egide Nibizi, membre du Fnl, estime que la justice n’a pas été rendue car les dix « Banamarimwe » sont innocents. Au lieu de s’acharner sur eux, poursuit-il, les autorités auraient mieux fait d’appréhender les vrais fauteurs de trouble. Il fait allusion à ceux qui ont poignardé Etienne Nzorijana et Edouard Nkeshimana, le 10 avril. Ils circulent librement.
Sur ce cas, il assure que le parti a porté plainte. Mais, déplore-t-il, le dossier n’avance pas. Il soupçonne que l’officier de la police judiciaire l’a conservé dans les tiroirs. Pire, Etienne Nzorijana est actuellement incarcéré dans le cachot de la zone Biyogwa, depuis 11 jours. « Nous ne savons pas encore les mobiles de son arrestation, mais c’est sûr qu’ils veulent l’intimider pour qu’il abandonne les poursuites judiciaires », juge le responsable provincial du parti. Contacté par téléphone, l’administrateur de Butanganzwa dit ignorer ces évènements qui se sont passés dans sa commune.
Shabani Gatoto déplore l’attitude de certains administratifs à la base qui leur refusent la tenue d’une réunion. Et ce, en dépit des promesses des autorités qui ne cessent de les rassurer que l’espace politique est ouvert pour tous ceux qui respectent la loi. « Nous nous conformons toujours à la loi, mais il est très fréquent de voir un chef de colline nous interdire de tenir une réunion.»
Jacques Bigirimana, président du parti Fnl, se dit confiant quant à l’issue du procès en appel.