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Société

Ruyigi/Abandons scolaires : des chiffres éloquents

03/05/2021 Commentaires fermés sur Ruyigi/Abandons scolaires : des chiffres éloquents
Ruyigi/Abandons scolaires : des chiffres éloquents
L’Ecofo Muriza a déjà enregistré 49 cas d’abandon scolaire, depuis le début de cette année scolaire.

Près de 5.000 cas d’abandon scolaire ont été enregistrés par la province Ruyigi, durant le trimestre dernier. L’ignorance des parents, la pauvreté et la démotivation comme principaux défis.

Plus de 4.800 cas d’abandon scolaire à l’école fondamentale et post-fondamentale dans 7 communes de la province Ruyigi, durant le trimestre précédent, d’après la Direction provinciale de l’enseignement (DPE) à Ruyigi.
Durant l’année scolaire 2019-2020, 12,7% des élèves sur le total des inscrits ont abandonné l’école. Pendant l’année 2018-2019, le taux d’abandon s’élevait à 13 %.

Les abandons s’observent beaucoup plus dans les premières années d’école, d’après le DPE, Onesphore Nsabiyumva.
Il estime que la cause principale de ces abandons est l’ignorance des parents qui n’ont pas encore compris l’importance de la scolarisation. Leur sensibilisation s’avère très difficile car ils ne se présentent pas dans les réunions des parents sur les établissements. « Les directeurs sont parfois obligés de renvoyer les enfants à la maison pour qu’ils reviennent avec les parents».

L’autre cause d’abandon, selon le DPE, est la pauvreté des parents qui ne sont pas capables de nourrir leurs enfants avant ou après l’école ou de payer le matériel scolaire. Mais également des enfants qui vont à la recherche du travail.
Pour les filles, les grossesses constituent aussi une barrière. Onesphore Nsabiyumva parle de 7 cas de grossesse en milieu scolaire au premier trimestre dans la province Ruyigi.

Quid de la réalité en milieu scolaire?

Le Lycée communal Dutwe se trouve à quelques kilomètres du chef-lieu de la province Ruyigi. Il compte 193 élèves. Il donne l’air d’un lycée bien organisé. Les classes sont loin d’être pléthoriques. Un élève par pupitre. Pourtant, ce lycée n’est pas épargné par le phénomène des abandons scolaires.

Herménégilde Nibigira, directeur de ce lycée, affirme que les abandons scolaires sont une réalité sur son lycée. Il parle de 19 cas d’abandon depuis cette année scolaire. Pour l’année dernière, il y en avait cinq.

Les motifs d’abandon sont divers, assure ce directeur. Il avance la pauvreté des familles et la démotivation des élèves et des parents. Et d’insister : « Ils constatent que leurs aînés ont terminé leurs études, mais restent à la maison, ils ne trouvent pas d’emploi. Ils considèrent donc les études comme une perte de temps et de moyens.»

L’autre constat est que certains élèves vont à la recherche du travail saisonnier en Tanzanie pour revenir au pays avec un peu de moyens. Et leurs voisins ou frères remarquent que leurs conditions de vie se sont améliorées et décident d’abandonner aussi. « D’autant plus que beaucoup de familles sont pauvres».


« Tante école », un projet pour changer la donne

Le ministère de l’Education a initié un programme de « tante et père école » sur tous les établissements scolaires du pays depuis 2020. Notamment pour réduire les abandons scolaires. Mais le résultat n’est pas encore palpable.

Lucie Nshimirimana, tante école à l’Ecofo Muriza, en commune Butaganzwa.

Il s’agit d’un enseignant (père école) et une enseignante (tante école) de confiance choisis par les élèves. Des personnes auxquelles ils peuvent se confier et avec qui échanger pour les aider à trouver des solutions à leurs problèmes.
L’objectif de ce programme est de renforcer l’encadrement de proximité des jeunes en vue de réduire à zéro les abandons scolaires, les grossesses ou toute forme de violences en milieu scolaire, d’après le ministère.

Le directeur du Lycée communal Dutwe, à Ruyigi soutient que le projet de tante et père école est important pour les élèves, notamment les filles qui ont des problèmes particuliers en période menstruelle : « Elles avaient honte de se confier à n’importe quel éducateur ou s’adresser directement à la direction. Depuis qu’il y a une tante école, les filles sont à l’aise pour en parler avec une enseignante. Et le problème est vite résolu».

Ce directeur indique que ce projet a un impact positif sur son établissement. Dans les années antérieures, affirme-t-il, le lycée affichait beaucoup de cas de grossesse. L’année dernière, il n’y en a eu qu’un seul.

En outre, il souligne que l’ampleur des cas de tricherie, durant la période des examens, a diminué : « Au premier trimestre, nous avons eu cinq cas de tricherie. Grâce aux différents échanges et conseils entre les tantes et pères écoles et les élèves, aucun cas de tricherie durant ce 2e trimestre dernier. »

Une tante école et des défis

Lucie Nshimirimana, 40 ans, est une tante école à l’Ecole fondamentale Muriza, commune Butaganzwa de la province Ruyigi.
Cette enseignante a été choisie par les élèves parmi plus de 20 enseignants de ce lycée. Elle doit écouter et accompagner les filles dans leurs différents problèmes liés à la vie scolaire. « Ces échanges doivent se passer en toute confidentialité et discrétion », souligne Mme Nshimirimana.

Cette tante école affirme que les échanges qui se passent entre elle et les élèves sont très utiles et sont en train de changer les mentalités de ces derniers. Surtout sur le plan des abandons scolaires. Elle fait savoir qu’un enfant qui avait abandonné a décidé de revenir à l’école : « Nous en sommes très fiers. »

Lucie Nshimirimana affirme également que la gestion des menstruations n’est plus un tabou : « Désormais, les adolescentes qui avaient honte de venir à l’école pendant leurs menstruations se sentent aujourd’hui à l’aise car elles n’ont plus peur d’en parler. »

Le manque d’espace de travail est un grand défi pour cette tante école : « Nous n’avons pas d’espace confidentiel ou bureau pour discuter avec les élèves. Une élève qui se confie ne veut pas s’afficher. Elle a le complexe de montrer à ses camarades qu’elle a un problème. Il nous faut donc un espace discret. » L’autre problème qu’elle relève est que les séances d’écoute et d’échange se passent pendant les heures de travail. « L’on se retrouve parfois avec un temps assez limité pour écouter l’élève».

Cette éducatrice confie ne pas recevoir de récompense, mais estime qu’il leur faut un petit encouragement.
Cette Ecofo Muriza a enregistré 49 cas d’abandon scolaire depuis le début de cette année scolaire. L’année dernière, ils étaient à 37 cas.

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