Une somme de plus de 32 millions BIF a été volée au bureau postal de Giharo par un de ses agents. Certains clients accusent la poste de défaillance et menacent de la boycotter.
Lundi 8 juillet, il est 10h. Rubaho, chef-lieu de la commune Giharo, province Rutana, au sud du pays. L’agence de la régie nationale des postes (RNP) de la commune Giharo, n’a pas encore ouvert. Aucun agent n’est là. Un garçon de bureau attend l’ouverture pour faire la propreté. Le percepteur adjoint habite au centre de la province de Rutana. Il n’est pas encore arrivé. Des clients viennent un à un et rebroussent chemin. L’un d’eux ne peut pas se retenir : « Tout ça est la conséquence du vol !»
Plus de 32 millions BIF est la somme volée à l’agence de la régie nationale de la poste (RNP) de Giharo d’après Cyriaque Mvuyekure, percepteur ad intérim. L’auteur serait Ernest Manirakiza alias Muvejuru, percepteur principal. Le percepteur-adjoint, Godefroid Namahoro, a été arrêté par la police pour raisons d’enquête.
Sur cette agence, Ernest Manirakiza alias Muvejuru détenait le code-secret des coffres. Il était introuvable au service, depuis lundi 10 juin. Godefroid Namahoro, son collègue, qui détenait les clés a alerté la direction générale car il suspectait un vol. Les faits ont été constatés par la mission d’inspection et d’audit dépêchée en date du 16 juin.
Selon la version d’Esron Ntirandekura, à la fois garçon de bureau et vigile à la poste de Giharo, Ernest Manirakiza est passé à la poste aux environs de 6h 30, lundi 10 juin. « Il est entré et sorti avec des documents et m’a expliqué qu’il allait envoyer des courriels comme il le faisait souvent. » Les deux policiers et lui, affectés à la garde, n’étaient pas inquiétés. Godefroid Namahoro, son coéquipier, continue-t-il, est arrivé vers 8h. Toute la journée, Ernest Manirakiza n’est pas retourné au bureau. Contacté par téléphone pour s’expliquer sur ce point, il a dit que son père et mort. Du coup qu’il est allé à l’enterrement.
Selon cette même source, le lendemain, il était injoignable par téléphone. C’est à ce moment que Godefroid Namahoro a commencé à douter qu’il serait parti avec de l’argent. « Il aurait alerté la direction générale qui a dépêché une mission d’observation. Lui est innocent », a fait savoir l’un des policiers de faction.
Pour cet agent de sécurité, Godefroid Namahoro a été arrêté pour raisons d’enquête, Manirakiza étant toujours en cavale. Il a d’abord été incarcéré à la poste de police de Giharo avant d’être transféré au service national de renseignement à Bujumbura.
Incarcéré injustement ?
Henriette Irankunda, la femme de Godefroid Namahoro n’en revient pas et dénonce un emprisonnement arbitraire. Elle demande sa libération immédiate : « Mon mari est injustement incarcéré. Il est incompréhensible que le lanceur d’alerte soit emprisonné alors que l’auteur du crime est volatilisé.» Elle confie qu’elle ignore la situation de son mari, depuis son transfert au bureau du service national de renseignement.
D’après Cyriaque Mvuyekure, percepteur ad intérim dépêché pour sauver la situation, Godefroid Namahoro paie le prix de son imprudence. Il ne doute pas que l’argent ait été volé par son chef Ernest Manirakiza. Cet agent explique l’approche de gestion des postes : « La régie nationale des postes utilise une nouvelle forme de gestion. Cette dernière consiste en une cogestion. Cela signifie que deux personnes gèrent ensemble le bureau postal. L’un détient le code-secret des coffres et l’autre les clés. » La vigilance doit être maximale, poursuit-il, pour que ton coéquipier n’ait pas accès à tes outils, sinon en cas d’incident, la responsabilité t’incombe. Et de constater que c’est ce qui est arrivé à son ami Godefroid Namahoro.
Une poste qui perd la confiance de ses clients
La commune Giharo ne compte aucune banque commerciale. Les commerçants se rabattent à la poste et la fédération nationale des Coopecs du Burundi (FENACOBU). Certains d’entre eux disent n’avoir plus confiance en la poste et menace de migrer vers la Coopec. Ils n’hésitent même pas à affirmer qu’ils ont recours à la thésaurisation.
Jean Ndayisaba, gérant d’un magasin électronique à Rubaho, jure ne plus déposer son argent à la poste : « La rumeur court que l’argent de la poste est toujours volé par ses agents. Ce qui s’est passé m’a donné une leçon. Il serait absurde de mettre mon argent là où il est susceptible d’être volé. »
Même son de cloche pour M.P., détenteur de deux pharmacies. Il dit que ce vol survenu à la poste de Giharo a fortement affecté son business : « Je voulais payer mes fournisseurs, mais notre agence a été fermée pendant quatre jours. » Ce qui a causé la perte de confiance de ses fournisseurs en lui. « J’ai déjà décidé de m’inscrire dans une autre banque ».
Contacté pour s’exprimer sur ce cas de vol, Philipe Mpitabakana, directeur général a été catégorique : « Je n’accorde jamais d’interview sur des cas de vol. » Pour lui, les médiatiser c’est encourager les voleurs et intimider les clients.
Vous saurez que lors d’une interview exclusive avec le groupe de presse Iwacu en 2017, Benjamin Niyokindi, directeur général d’alors, avait signalé des détournements massifs d’argent, depuis 2001, qui s’élevaient à plus de 800 millions BIF. Ceux opérés par des agents de la RNP étaient estimés à 90% de la somme totale détournée.