Chômage, promiscuité, précarité alimentaire, manque d’assistance, … Des défis auxquels font face les déplacés du village de paix de Mayengo, zone Kigwena de la province Rumonge. Ils tendent la main à toute âme charitable.
Des hauteurs des montagnes surplombant Kigwena, le village de paix de Mayengo offre une vue splendide. Situé du côté gauche de la route Rumonge Nyanza-Lac, à plus ou moins 500 m de la réserve forestière de Kigwena.
Il héberge les déplacés des inondations de 2015 à Gitaza et Nyaruhongoka, dans la commune Muhuta, province Rumonge. Des toitures en tôles ondulées toutes blanches, transparaissent à travers les champs verdoyants de manioc. Tout autour, des palmiers à l’huile dominent le paysage. Bref, une vue de carte postale.
Mais, la réalité est toute autre. Entre les murs de ces maisonnettes en tentes, des gens souffrent, se meurent. Ils vivent un vrai calvaire. «Vraiment, la vie est très dure dans ce village appelé de ’’paix’’. Il est difficile de trouver de quoi manger. Car, nous n’avons pas de terres à cultiver», se lamente Dismas Ndabaneze, un déplacé, rencontré dans ce village. Famélique, ce père de cinq enfants affirme que sa famille passe souvent des nuits sans rien mettre sous la dent.
Pour nourrir sa famille, ce déplacé est obligé de travailler dans les champs des riverains de ce site. Et là, il peut gagner entre 2.000 BIF et 3.000 BIF par jour. Malheureusement ces opportunités ne se présentent pas tous les jours. «Ce n’est pas rare que je passe toute une semaine sans être embauché. Et ce sont là des journées très compliquées pour ma famille».
Selon ses dires, sept mois viennent de s’écouler sans aucune assistance alimentaire. «A notre arrivée, des bienfaiteurs ont donné des vivres, des pagnes pour dames et quelques ustensiles de cuisine.»
Aujourd’hui, ses trois enfants ont été chassés de l’école suite au manque des frais scolaires. «Il m’a été demandé de payer une somme de 1.500 BIF par enfant. Or, je n’ai pas d’occupation rémunérée pour trouver cet argent pour les uniformes et les cahiers».
Rémy Bitariho, Chef de ce village de paix de Mayengo ajoute que la situation sanitaire n’est pas bonne non plus. «Récemment, sur 34 personnes dépistées, 30 parmi ces gens souffraient de la malaria. Aujourd’hui, ils sont sous traitement».
D’après lui, cela est lié à la précarité alimentaire prévalant dans ce village de paix. «Ici chez nous, beaucoup de familles passent des nuits le ventre creux. Car, avant la catastrophe, nous vivions de l’agriculture, de la pêche et du commerce. Mais, aujourd’hui, impossible d’exercer ces activités».
Des fois, poursuit-il, les personnes les plus âgées et les enfants tombent en syncope. «C’est l’inanition.» A titre d’exemple, il évoque le cas d’une veille maman qui a réveillé tout le village criant famine : «Je meurs de faim. Au secours. Au secours ! » Selon lui, c’est grâce à un gobelet de bouillie que cette dernière a retrouvé un peu de force.
Un léger mieux malgré tout
Dans ce village de paix de Mayengo, les occupants affirment que l’eau y est disponible. « Nous avons quatre robinets et les conditions hygiéniques sont remplies », témoigne M. Bitariho. Il précise qu’il abrite 1.400 personnes réparties en 174 ménages.
Et de signaler que la deuxième phase de construction de nouvelles maisons en briques et couvertes de tôles est déjà en marche. Chacune est composée de trois chambres et un salon.
Dans la première phase de ce projet, la priorité a été accordée aux vulnérables et aux personnes vivant avec un handicap. «C’est en tout 28 maisons érigées par la Croix-Rouge et le PNUD.» Actuellement, poursuit-il, l’identification porte sur les maisonnettes qui risquent de s’écrouler avec la saison pluvieuse.
Néanmoins, déplore-t-il, ce travail est aujourd’hui au ralenti suite à l’arrêt de fabrication des briques adobes. Cet état des choses inquiète les déplacés engagés pour cette tâche : « Alors que le paiement se faisait chaque semaine, nous sommes déjà à presque deux semaines sans être payés.» Or, motive-t-il, c’est grâce à cet argent qu’il parvenait à rationner sa famille.
Pour rappel, les inondations de 2015 à Gitaza suivies d’éboulement ont occasionné des dégâts énormes. Dismas Ndabaneze garde un mauvais souvenir de cette date : « J’ai perdu tout ce que j’avais, ma maison en tôles, tous les ustensiles de cuisine, le matériel de couchage, mes six chèvres, sept poules et neuf lapins. Tout a été emporté par le courant d’eau vers le lac Tanganyika. » Pour dormir, sa famille n’a que trois nattes et trois couvertures, des dons des bienfaiteurs.
Les besoins restent énormes
Pour sortir de cette situation, Rémy Bitariho demande que ces déplacés puissent avoir terres cultivables. Car, explique-t-il, chaque ménage n’a que 15 m sur 20 m. «Ce lopin de terre est insignifiant, juste réservé pour y construire une maison, une petite cuisine et un lieu d’aisance.» Il se demande d’ailleurs où leurs descendants vont s’installer pour fonder leur foyer.
Entre autres nécessités : de nouvelles écoles. « Nous avons plus de 400 jeunes qui ont besoin de salles de classe.» Il plaide aussi pour l’enseignement des métiers pour ces jeunes.
Cet homme évoque aussi la nécessité de leur accorder des crédits remboursables à bas intérêts. D’après lui, cela permettrait à ceux qui faisaient du commerce de poursuivre leur métier. Il trouve aussi urgent que ce village ait un mini-marché propre.
Contacté, Juvénal Bigirimana, gouverneur de la province Rumonge dit que la question d’attribution des terres n’est pas de son ressort. «Je me suis beaucoup exprimé sur cette question. Le gouverneur ne donne pas des terres. Il faut adresser cette requête au ministère ayant le foncier dans ses attributions».
Concernant l’interdiction de cultiver du manioc dans leur lopin de terre, M. Bigirimana répond qu’il n’a jamais donné une telle injonction. Néanmoins, il signale que celui qui a ordonné cela n’a pas tort. «Dans un tel village, il faut privilégier des légumineuses. Ces dernières ne poussent pas beaucoup en hauteur. Et le village restera visible même de loin.» Il leur interdit cependant de ne pas dépasser les limites des parcelles qui leur sont attribuées.
Pour sa part, Martin Nivyabandi, ministre en charge des droits de l’Homme comprend les doléances de ces déplacés. Néanmoins, il leur demande d’être patients. Il tient à les tranquilliser : «Nous sommes en train de chercher tous les voies et moyens pour leur venir en aide».