Destruction ou incendies des permanences, arrestations, bagarres, vols des drapeaux des partis. Des actes qui montrent que l’intolérance politique ne fléchit pas ces derniers jours.
On dirait une série noire. Une permanence du parti CNL sur la colline de Gatete en commune de Rumonge a été incendiée par des personnes non encore identifiées au cours de la nuit du 30 juillet, selon des sources administratives locales. Deux portes ont été endommagées par le feu.
Le 28 juillet, des écrits sur les murs de la permanence du parti CNL sur la colline de Murenge en commune de Burambi ont été effacés pendant la nuit.
Le 26 juillet, une permanence du parti CNL en zone de Minago, commune de Rumonge, a été démolie par des personnes non encore identifiées. 4 personnes dont deux grièvement ont été blessées au cours d’échange de lancement de pierres entre ceux qui gardaient cette permanence et un autre groupe.
En date du 25 juillet, un drapeau du parti de l’opposition du Cndd a été volé dans la localité de Magara en commune de Bugarama par des personnes jusqu’ici non encore identifiées.
En date du 24 juillet, des excréments humains ont été étendus sur les murs de la permanence du parti CNL en zone de Kizuka de la commune de Rumonge par des personnes non identifiées.
Erasme Muke, représentant le parti CNL en commune de Rumonge indique que leurs membres sont régulièrement arrêtés arbitrairement, leurs permanences détruites, leurs réunions interdites. Ils n’ont pas accès à certains lieux comme les stades. Il demande que des enquêtes fouillées soient menées pour déterminer et identifier les présumés auteurs. Selon lui, cela risque d’influer négativement sur le bon déroulement des élections de 2020.
Pour un traitement équitable
Diomède Niyonsaba, le secrétaire du parti Cndd-Fdd en province de Rumonge, a annoncé dans une réunion des responsables des partis politiques, des autorités administratives, policières et judiciaires que ce sont les membres du parti CNL qui détruisent ou incendient leurs propres permanences pour incriminer le parti au pouvoir.
Il a cité le cas la permanence de Nyabiraba dans Bujumbura comme un cas « parlant ». Il a demandé aux services chargés de mener des enquêtes d’identifier les auteurs et d’appliquer la loi avec rigueur.
Samuel Manirakiza, représentant le parti Cndd a demandé que les partis politiques soient traités au même pied d’égalité, car ils sont en compétition électorale pour conquérir le pouvoir par les urnes.
Il a demandé que l’espace politique soit ouvert à tous les partis politiques sans deux poids deux mesures.
Le gouverneur de la province a ordonné que des permanences qui sont délocalisées dans des boutiques, des bars, dans des restaurants y soient retirées pour ne pas semer la confusion. Il a indiqué que cela s’observe surtout en commune de Burambi. Il a donné un délai d’une semaine aux services chargés de mener des enquêtes pour identifier ceux qui de près ou de loin ont participé à des actes de destruction ou à l’incendie des permanences.
Il a promis aux responsables des partis politiques que des réunions d’évaluation du processus électoral vont se tenir régulièrement afin de rectifier le tir au cas échéant afin de mieux se préparer aux élections.
Les responsables des organisations de la société civile indiquent qu’ils observent un climat de méfiance entre militants des partis de l’opposition et ceux du parti au pouvoir. Ils demandent aux responsables des partis politiques d’éduquer leurs jeunes aux valeurs démocratiques, à la citoyenneté responsable, à la tolérance politique et à la résolution pacifique des conflits.
Mpanda, trois bureaux du CNL attaqués
Les attaques contre les permanences du parti d’Agathon Rwasa se multiplient. Trois en ont fait les frais en fin de semaine dernière en commune de Mpanda. Le CNL pointe du doigt des Imbonerakure. Pour le parti au pouvoir, il faut éviter toute spéculation et laisser les enquêtes suivre leur cours.
C’était le tour de la commune Mpanda d’accueillir le président CNL pour procéder à l’inauguration de ses permanences. Cinq au total. Des militants de ce parti ont donc été mobilisés pour une opération de relooking complet : Achat de pots de peinture et de tout matériel nécessaire, réquisition d’un dessinateur. Tout était prévu pour que les locaux soient flambants neufs vendredi 26 juillet. Mais des trouble-fêtes se sont invités dans la danse.
En colline Rubira, le relooking n’avait pas encore commencé qu’un groupe d’hommes a investi les lieux, semé la panique. Les membres du CNL ont fui laissant ce groupe d’hommes devant la permanence. Lorsqu’Iwacu s’y rend lundi 29 juillet, soit 4 jours après l’attaque, surprise ! C’est le drapeau du parti de l’aigle qui flotte dans les airs, comme pour narguer les Inyankamugayo (membres du parti CNL) qui se félicitaient déjà d’avoir une permanence sur leur colline.
A notre arrivée les langues se délient. «Trois hommes sont venus, suivis de près par d’autres, inconnus ici. C’est ainsi que la bagarre a éclaté.
Ils ont dispersé les marchands et leurs cannes à sucre qui se vendaient ici et s’en sont pris au gens sur place. Les membres du CNL sur place ont pris le large,» témoigne une jeune femme qui a assisté à la scène.
« Ils ont alors creusé un trou et fixé le drapeau et nous ont appelés pour que nous chantions ensemble l’hymne national. Après, ils sont partis,» indique une femme qui dit avoir assisté à la scène depuis sa maison, en panique.
Dieudonné Mvuyekure, responsable collinaire du CNL est déboussolé. Il a du mal à se remettre de l’affront subi. Il accuse les jeunes du parti au pouvoir dirigés par Désiré Sindayigaya, chef du parti Cndd-Fdd dans cette localité, d’être à l’origine de l’attaque. « Il y avait Désiré Sindayigaya, Jérôme Nkurunziza, le secrétaire du parti au pouvoir et un certain Eric qui dirige les Imbonerakure ici. Nous les connaissons. Ce sont nos frères, nos cousins. C’est pourquoi on n’a pas voulu envenimer la situation. On attend que la justice fasse son travail. »
Sur la colline Murengeza, des habitants vivent dans la peur. La petite maison, siège du parti, était déjà peinte des couleurs verte, rouge et noir sur un fond blanc. Ils ne restaient plus que de petites touches finales jeudi 25 juillet, lorsque des personnes accompagnées par un certain Ceusi, chef des Imbonerakure qui habite dans le coin ont arrêté le travail de finition.
« Ils sont entrés dans une maison en face et demandé une houe et ont gratté les écrits sur les murs de la permanence. Il faisait encore jour tout le monde voyait ce qu’ils faisaient, » témoigne un habitant sur les lieux.
Peur à Murengeza
Une femme habitant juste en face indique que d’autres sont revenus dans la nuit. Ils y ont trouvé des jeunes du CNL qui montaient la garde. « On a pu identifier Busenga, Baptiste et un certain Ntawuhinda et chef d’antenne de la police. Nous sommes surpris qu’il ait pu assister les fauteurs de trouble, » commente un homme sur place.
« Nous avons peur que la situation ne dégénère si les deux camps en viennent aux mains. « Nous avons constaté que c’est toujours la population qui après subit les conséquences de la crise, » indique une femme qui lance directement un appel au chef de l’Etat. « Vous avez permis au CNL de travailler dans la légalité. Mais il y a ceux qui ne semblent pas d’accord avec votre décision en s’en prenant aux permanences d’autres partis. Faites que ça s’arrête. »
Au centre de la commune de Mpanda, en zone Musenyi, c’est un peu le remake de ce qui s’est passé dans d’autres zones. Des militants de ce parti avaient tout prévu pour rendre le bureau de cette localité flambant neuf. Ils n’ont pas réussi à le faire. Des militants du parti Cndd-Fdd sont passés par là. Selon le secrétaire général du parti CNL sur cette localité, Barthelemy Ngendabanyikwa ils étaient dirigés par Désiré Sindayigaya, Ntahondereye et Jean Hakizimana dit Niyombare qui se dit agent du service national de renseignement.
La propriétaire de la maison, Joselyne Nijimbere n’en revient pas. « Ils sont venus avec un cadenas et ont bloqué la porte et sont partis avec la clé. Je ne sais quand ils reviendront ».
L’administrateur de la commune Mpanda a réuni lundi les leaders des partis politiques. Quelques interdictions ont été émises : Eviter une permanence d’un parti politique à côté de celle d’une autre formation concurrente, des marchés, des écoles et des églises.
Agnès Ndirubusa