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Société

Rumonge : Même incarcérés, les « sorciers» de Rumonge font toujours peur

12/03/2019 Commentaires fermés sur Rumonge : Même incarcérés, les « sorciers» de Rumonge font toujours peur
Rumonge : Même incarcérés, les « sorciers» de Rumonge font toujours peur
La maison d’Esron Vyemero incendiée et détruite par la foule après son arrestation.

Le 22 février, 4 personnes de la colline Mugara ont été condamnées pour sorcellerie. Des peines de 2 ans à perpétuité. Mais la population croit toujours en leur pouvoir maléfique.

13 h, lundi 4 mars, à 16 km du chef-lieu de la commune de Rumonge, province Rumonge, au sud du pays dans la région de l’Imbo. Dans cette plaine, des palmiers à l’huile  sont cultivés. Ils sont la principale source de revenus de la région. Leur feuillage couvre partiellement les toitures des maisons et ça et là, quelques arbres fruitiers, les avocatiers, des manguiers, les orangers. La fraîcheur de cette verdure est agréable. Les maisons sont  majoritairement construites en briques adobe.

Au centre de négoce se trouvent  les stands  faits pour la plupart de planches. Un marché moderne est en cours de construction. Un centre de santé est en service.

Sur la colline Mugara, tout près des eaux thermales. Sur la sous-colline Rera, à 2 km du mont Kigutu qui fait la limite entre Rumonge et la commune Vyanda de la province Bururi, des enfants jouent au ballon.

Des gens circulent, les uns rentrent des lieux de travail et les autres se rendent au marché.

Mais derrière cette sérénité, l’inquiétude flotte sur les lieux. La maison d’un certain d’Esron Vyemero  et sa femme condamnés, a été incendiée et détruite par une foule en effervescence. Certaines  proches de la  famille des détenus craignent d’être lynchées.

« La situation est alarmante. Depuis la détention d’Agnès Nijimbere pour sorcellerie, son mari a préféré aller vivre chez son beau-père avec ses trois enfants. Sa maison est vide. J’ignore totalement les raisons », raconte  Jeanne Hakizimana, la cinquantenaire.

Des croyances occultes gagnent du terrain

Certains habitants se disent terrifiés par « des fantômes » qui circuleraient le soir à côté de la maison de l’une des  personnes  détenues. « Dans la maison d’Agnès, il y a des fantômes qu’elle nourrissait. Ils cherchent de quoi manger », raconte Charlotte Hakizimana, avec timidité. Pour étayer ses arguments, elle  explique : « La semaine dernière, à 21 h, une fille qui venait d’acheter du lait  et des beignets a été arrêtée par une personne invisible qui a mangé tous ses achats. Le même scénario s’est produit quand un homme qui venait de l’église a été intercepté sur le même lieu et a dû implorer Jésus pour passer ».

Même son de cloche chez Alfred Ndakize qui atteste la présence des êtres surnaturels. Il demande par la même occasion aux autorités de ramener la concernée afin de partir avec ses affaires. « Nous risquons de déménager si elle ne vient pas les récupérer pour nous laisser la paix. Sinon, que cette maison soit démolie !», menace-t-il.

Néanmoins, Innocent Rukerimpundu, un forgeron  qui tient un atelier à 10m de la maison mise en cause se dit tranquille. « Je passe tout le temps ici et je n’ai rien vu ou entendu sauf les rumeurs des passants qui font état de la présence des êtres mystérieux. Lorsqu’ils arrivent ici,  ils implorent Jésus en criant  au secours».  Lui, cela ne le préoccupe pas.

L’administration appelle à la raison

Fidèle Nizigiyimana, chef de colline adjoint de Mugara déplore ce climat de méfiance qui s’installe et dit subir des pressions de la part de la population. « J’ai déjà reçu

Erasme Hakizimana : « La population ne doit pas s’en tenir à des rumeurs. Il ne faut pas croire en des fantômes.»

plus de trois personnes qui exigent le retour de cette dame propriétaire de la maison. La question me dépasse, je la soumettrai à la hiérarchie», dit-il.

Erasme Hakizimana, conseiller technique aux affaires administratives et sociales de Rumonge se veut rassurant : « Nous avons organisé des réunions de pacification et nous comptons continuer dans ce sens.» Et d’appeler à la raison : «  A la suite des évènements qui ont eu lieu, il est normal que de telles histoires se racontent, mais la population ne doit pas s’en tenir à des rumeurs. Il ne faut pas croire à des fantômes.»

M. Hakizimana rappelle que les biens des gens soupçonnés doivent être protégés : « La réunion de sécurité du lundi 4 mars avec les responsables des forces de sécurité a réitéré notre objectif. Personne ne doit s’arroger le droit de détruire ou détériorer les biens d’autrui.»

Il conseille à la population de rompre avec cette croyance irrationnelle : « Ils devraient  plutôt s’atteler aux projets de développement, car où règnent de telles s pratiques, le progrès n’est pas possible.»

La justice à l’œuvre

Pour Frédéric Ndayikeza, procureur de la République à Rumonge,  la loi a tout prévu. Le Code pénal prévoit la répression de toute pratique superstitieuse dans son article 231. Néanmoins, ce n’est pas facile, dit-il, de trouver des éléments infractionnels probants. « Une personne peut avouer publiquement qu’il est sorcier, des objets suspects et mystérieux peuvent être trouvés chez lui. C’est le cas d’Esron Vyemero qui a avoué détenir des forces maléfiques, montrant ainsi les objets qu’il utilisait. En plus, l’auteur peut se vanter d’entraîner la mort de quelqu’un ou assumer la responsabilité à  la suite du décès dans le voisinage ».

Le procureur met en garde la population contre la justice populaire : « Seule la justice a les prérogatives de statuer sur de tels cas et d’établir des responsabilités. Le suspect doit être présenté aux autorités et ses biens sauvegardés. Au cas contraire, les contrevenants seront poursuivis.» Et de préciser que ceux qui ont incendié et détruit la maison d’Esron Vyemero n’échapperont pas à la justice.

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Que prévoit le Code pénal ?

L'article 231 stipule que : « sont punis d’une servitude pénale d’un mois à deux ans et d’une amende de cinquante mille à cent mille francs burundais ou d’une de ces peines seulement, les auteurs d’une épreuve superstitieuse consistant à soumettre, de gré ou de force une personne à un mal physique réel ou supposé, en vue de déduire des effets produits, l’imputabilité d’un acte ou d’un événement ou toute autre conclusion. Si l’épreuve a causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, ou s’il en est résulté la perte de l’usage absolu d’un organe ou d’une mutilation grave, les auteurs sont punis d’une servitude pénale de deux ans à vingt ans et d’une amende de cent mille à cinq cent mille francs burundais, ou d’une de ces peines seulement. Ils sont punis de la servitude pénale à perpétuité si l’épreuve a causé la mort de la victime.» J.M.

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