32 % de structures de santé n’ont pas accès à l’eau potable. A Rumonge, l’une des provinces les plus touchées, les patients utilisent l’eau du lac ou des ruisseaux. Reportage dans certains centres de santé.
Colline Kagongo, il n’arrête pas de pluviner le matin du lundi 15 avril. Depuis la route Bujumbura-Rumonge, à 15 km du centre urbain de Rumonge, il faut bifurquer à droite dans une ruelle un peu glissante, à quelques 500 mètres, pour trouver le « Centre de Santé Kagongo I ».
Au premier abord, une file de patients devant un bureau. L’intérieur du centre de santé donne directement sur un couloir réservé à l’hospitalisation. Là, des cris d’un bébé retentissent depuis une chambre. Sa maman, souffrante du paludisme, est hospitalisée depuis quelques jours. Elle se lamente : « Mon bébé vient de passer trois jours sans se laver. » Elle laisse entendre que c’est la raison pour laquelle il pleure sans cesse.
Quelques bidons de 5 litres traînent dans la chambre. Une garde-malade tente de les secouer, d’un geste rapide, dans l’espoir de trouver de l’eau pour laver le bébé. Aucune goutte. Elle confie que depuis trois jours qu’ils sont là, le centre de santé n’a pas d’eau. Les patients doivent se débrouiller. Le centre ne dispose que d’une pompe manuelle. « L’eau de la pompe sent très mauvais. Nous ne l’utilisons que pour laver les vêtements ».
Cette garde-malade doit parcourir deux km jusqu’à un robinet public, pour trouver ne fût-ce qu’une petite quantité d’eau potable pour la patiente. « Souvent, nous buvons l’eau du lac Tanganyika. C’est le moyen le plus facile ».
Le service de maternité plus souffrant
Des accouchements retardés pour manque d’eau, des mamans qui passent des heures sur le lit d’accouchement attendant d’être lavées, des médecins exposés au VIH et autres infections, etc. Le titulaire du centre de santé, Jonathan Ndayishimiye, indique que c’est surtout la maternité qui en fait les frais.
Il affirme que l’eau devient une denrée rare dans cette localité, notamment pendant l’été : « Tout un mois peut s’écouler sans aucune goutte d’eau potable. » Il confie que quelquefois les accouchements sont retardés jusqu’à ce que l’eau soit disponible. Les mamans venant d’accoucher sont contraintes de rester alitées pendant des heures au risque d’attraper des infections.
D’après ce titulaire, les infirmiers qui font accoucher sont aussi exposés. Car ils doivent se désinfecter à tout moment surtout face à une femme séropositive. « Sans oublier les risques de choléra, dysenterie et autres infections dues à la mauvaise hygiène ».
Ce titulaire affirme qu’en cas de carence d’eau persistante, le centre utilise l’eau du lac Tanganyika.
Mutambara, un cas alarmant
Au Centre de santé de la colline Mutambara, la situation est plus ou moins alarmante. La localité vient de passer trois mois sans eau potable. Cette structure de santé ne dispose que d’un tank qui capte l’eau des pluies. « Nous puisons, à quelques kilomètres, l’eau potable quand les robinets publics coulent. Mais cela occasionne des dépenses imprévues », note la titulaire de ce centre de santé, Mwatum Ndayavugwa. Elle affirme que le centre reçoit souvent des enfants, la plupart souffrant de diarrhée sévère due probablement à la consommation de l’eau sale.
Ce sont des patients lassés, mécontents, rencontrés dans les chambres d’hospitalisation. Une maman au chevet de son garçon de 3 ans confie que ce dernier l’a échappé belle, il y a deux mois. Sa famille consomme l’eau des ruisseaux sans la bouillir. Son fils a attrapé une sévère diarrhée-vomissement qui a failli lui coûter la vie. Dès lors, cette mère doit acheter un bidon d’eau potable à 500 BIF par jour. « Une dépense énorme pour une simple cultivatrice ».
D’autres patients de cette colline Mutambara disent vivre le même calvaire. Ils n’ont que deux choix pénibles : consommer l’eau sale des ruisseaux facilement accessible ou parcourir plusieurs kilomètres à pied, bidons sur la tête, à la recherche de l’eau potable.
Une jeune femme affirme qu’elle attrape souvent des infections vaginales dues probablement à l’usage de l’eau sale. « Une réalité chez beaucoup d’autres voisines », confie-t-elle timidement.
« Au cœur des préoccupations » du ministère de la Santé publique
Le chef de service Hygiène et assainissement au ministère de la Santé publique, Prosper Muyuku, affirme qu’une étude récente montre que 32% de structures de santé, au niveau national, n’ont pas accès à l’eau potable. « Ils utilisent en général l’eau des ruisseaux ».
Au Burundi, explique-t-il, le problème d’eau est généralisé surtout dans les provinces Rumonge où le choléra est récurrent, Makamba et Cibitoke.
Comme solutions en cours, il évoque la mise en place des forages dans la commune Rugombo. De surcroît, une technique efficace, surtout pendant cette période pluvieuse, vient d’être développée : la collecte des eaux pluviales pour être ensuite traitées avec le chlore. « Une technique qui permettra d’alimenter une grande partie de la population, y compris les centres de santé. »
M. Muyuku indique que, pour le moment, le ministère de la Santé publique donne un appui dans le traitement de l’eau non potable à Rumonge, un cas spécifique. D’après lui, l’eau de cette province comporte beaucoup plus de fer. Elle a une coloration rougeâtre. Elle nécessite un traitement avant d’être consommée.
Selon lui, cette carence d’eau dans les centres de santé présente comme danger principal le risque d’infections nosocomiales (maladies attrapées dans un établissement de santé).
Pour prévenir ce type d’infections, M. Muyuku signale que le ministère de la Santé publique est en train de mettre en place une stratégie de prévention et contrôle de l’infection (PCI) : « Toutes les structures de soins seront tenues à respecter cette stratégie qui enseigne les techniques d’hygiène et assainissement, le traitement de l’eau, le comportement des médecins devant les patients, etc. »