Dimanche 22 décembre 2024

Environnement

Rumonge : le lac Tanganyika déloge ses riverains

19/05/2020 Commentaires fermés sur Rumonge : le lac Tanganyika déloge ses riverains
Rumonge : le lac Tanganyika déloge ses riverains
Vue partielle du bar Tourist Town Beach, inondé.

Destructions des habitations, invasion des plages et des sites de pêche… Bilan de la montée des eaux du lac Tanganyika, depuis janvier. Les riverains de ce premier réservoir d’eau douce dans le monde ne savent plus à quel saint se vouer.

A Rumonge, au sud du pays, la partie riveraine du lac Tanganyika est méconnaissable. Dans le centre urbain, beaucoup de maisons d’habitations, de boutiques, de séchoirs de poissons totalement ou partiellement détruits. Des lieux de détente et des bars très fréquentés par les visiteurs, les habitants de Rumonge n’existent plus. Le bar Tourist Town Beach n’est plus accessible car en plein lac. Le propriétaire de ce bar évalue les pertes à environs 100 millions BIF.

Les bureaux de la Fédération nationale des pêcheurs ont été détruits. La station-service est hors service. Les vendeuses de poissons, de vêtements, qui peuplaient le site de pêche de Rumonge, ont déserté les lieux.

Idem pour les autres localités riveraines de Rumonge, comme à Minago, Kagongo, etc. Des maisons, dont la plupart sont construites en briques adobe, se sont déjà écroulées sous les yeux impuissants des occupants. D’autres construites en matériaux durs ne vont pas résister longtemps. « Ma maison m’a coûté des millions. Et voilà, elle est inondée. Même si elle est construite en briques cuites, je ne pense pas qu’elle va être épargnée. Elle finira pour s’effondrer si ces eaux ne reculent pas », se plaint Isidore, un propriétaire d’une maison à Magara. Il dénombre des dizaines de maisons inhabitables dans cette localité.

Des habitants riverains du lac affirment qu’ils ne passent plus la nuit dans leurs maisons. « Nous avons peur de nous retrouver sous les décombres, d’autant plus que nos maisons sont inondées.  Nous préférons passer la nuit dehors  », confie un père de famille, de Minago. Celui-ci avoue avoir évacué ses enfants chez des amis. « Je suis resté avec les plus âgés».

Ce sexagénaire souligne que c’est pour la première fois qu’il voit une telle montée des eaux du lac Tanganyika. Des champs de cultures sont désormais envahis par les eaux. Une menace aussi pour la route Bujumbura-Rumonge. Des centaines d’arbres bordant cette artère sont en plein lac.

La pêche en souffre énormément

« Les destructions enregistrées sont importantes. Des bateaux détruits ou hors-usage, des abris de repos pour les pécheurs et des séchoirs de notre production inondés et démolis », déplore André Nduwumusi, un membre du comité de pêcheurs. D’après lui, sur le seul site de pêche de Rumonge, on dénombre plus de 200 maisons inondées. Et la montée des eaux du lac varie entre 100 et 200 mètres. « Toute la zone destinée à notre activité est désormais inondée ». Il signale que les lieux d’aisance n’ont pas été épargnés. Des maisonnettes qui servaient d’abris pour les cuisiniers des pêcheurs ne sont plus repérables.

Aujourd’hui, le petit commerce florissant n’y existe plus. Une situation qui affecte les riverains. Avant la montée des eaux, explique-t-il, la majorité des habitants dépendait de la pêche pour survivre. Ils vendaient de l’eau potable, des cigarettes, des beignets, des arachides, des boissons, des habits, des chaussures, etc.

Les agriculteurs dans le désespoir

Les agriculteurs enregistrent aussi de grandes pertes. « Une grande quantité d’eau est une menace aux palmiers à l’huile. Or, dans le sud du pays, spécialement à Rumonge, cette plante constitue une source de revenus importante », explique Jean-Marie Kabura, de Minago.

Ce fermier se dit désespéré : « Je m’attendais au moins à une vingtaine de bidons d’huile de palme. Si la situation perdure, j’aurais à peine cinq bidons.» Ce qui impactera sur les prix des dérivés du palmier à l’huile, notamment les tourteaux pour les porcs, les savons de lessive.

Recherche sites de délocalisation désespérément

Gabriel Butoyi : « Il existe aujourd’hui des sites où des activités de pêche sont quasiment impossibles. »

Selon Gabriel Butoyi, président de la Fédération Nationale des pêcheurs, cette montée remonte à janvier : « C’est à partir du 25 janvier que nous avons constaté que l’eau commence à gagner les sites de pêche. Des effets sans doute du réchauffement climatique. Et on n’y peut rien.» Tous les sites sont aujourd’hui inondés.

Il cite Kajaga et Kanyosha (Bujumbura), Rumonge, Gitaza, Magara, Minago, Kagongo, Kizuka, et ceux de la province Makamba tels Kabonga, Mvugo et Muguruka. M.Butoyi indique qu’il s’agit de plus de 10 mille pêcheurs du lac Tanganyika qui sont directement affectés.

Il demande au ministère de l’Environnement, Agriculture et de l’Elevage de leur trouver des sites de délocalisation. « C’est la seule solution pouvant nous permettre de continuer notre travail». Il déplore l’existence de sites où des activités de pêche sont quasiment impossibles.

Et de rappeler que la pêche se pratique la nuit : « La journée est destinée au repos des pêcheurs. Or, ces lieux de repos n’existent plus. Et personne ne peut travailler 24 h sur 24 h.» Il ne doute pas que cette situation va aussi impacter négativement le quotidien des familles : « Les entrées en provenance de la pêche sont durement affectées. »
Nous avons tenté d’avoir la réaction du ministère concerné, en vain.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Que la compétition politique soit ouverte

Il y a deux mois, Iwacu a réalisé une analyse de l’ambiance politique avant les élections de 2020 et celles à venir en 2025. Il apparaît que la voix de l’opposition est presque éteinte. Il n’y a vraiment pas de (…)

Online Users

Total 3 526 users online