Pauvreté, famine, non scolarisation des enfants, inondations, vols récurrents, des bâches usées, tels sont les défis auxquels font face les déplacés victimes des inondations regroupés dans le village III sur la colline Mutambara, en commune et province de Rumonge.
Il est 13 h, le mercredi 23 octobre 2024 au village III. Ce site est situé au sud de la ville de Rumonge à moins de 10 km sur la colline Mutambara en zone Gatete.
Le village aménagé pour les victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika compte 185 ménages avec 1 340 personnes. Chaque famille est hébergée dans une maisonnette couverte de tôles mais, les murs sont montés avec des bâches. Le ménage se trouve dans une superficie de 20 sur 15 m.
84 maisons des 185 ont été inondées par des eaux dès les premières pluies de cette saison. Les occupants ont quitté pour demander l’abri chez d’autres déplacés qui sont encore épargnés.
Pour la plupart des maisons, des bâches sont usées. Elles présentent plusieurs trous. D’autres risquent de tomber car les bois utilisés se sont dégradés. Certains sont endommagés à cause de l’eau et d’autres sont rongés par les termites.
Au simple coup d’œil, des enfants présentent des signes de famine. Certains présentent des joues bombées et des cheveux qui commencent à changer de couleur. « Ooh, des enfants présentent des signes de kwashiorkor. Ces enfants manquent clairement une alimentation équilibrée. Il faut des actions urgentes », s’exclament des confrères à l’arrivée dans ce site.
Des habitants dans le désarroi
Amimu Ciza est un père de sept enfants. Quatre parmi eux sont scolarisés, mais, ils se présentent sans matériel scolaire. Ils sont de temps en temps renvoyés de l’école.
Il dit que nourrir sa famille est un casse-tête. Ils peuvent passer toutes les 24 heures sans manger. « En tant que père, c’est une humiliation et une honte de manquer de quoi nourrir la famille. Des fois, je pense à fuir, mais ma conscience ne me le permet pas. C’est triste ».
Sa maison se trouve dans la partie inondée du site des déplacés. Il indique qu’il a essayé de tracer des caniveaux pour maintenir sa maison en bâches à l’abri des eaux. « Le vent est venu avec force et beaucoup ont abandonné les maisons. Nous avons fui les inondations, mais elles n’ont pas hésité à nous poursuivre ici », déplore-t-il.
Un autre problème concerne des chiens errants qui sèment la désolation dans ce village. Pour lui, chaque ménage avait bénéficié de deux lapins. « Tous ces lapins ont été attaqués par ces chiens. C’est marrant. Des enfants ont peur de se promener le soir. Ils restent enfermés pour éviter des attaques éventuelles des chiens ».
Pour un autre habitant, il est regrettable que les victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika soient installées sur un site inondable. Il précise que certaines victimes souffrent de la dépression, car, après avoir presque tout perdu dans les inondations, elles se retrouvent de nouveau sur un site inondable. « C’est comme si le gouvernement l’a fait exprès. Est-ce qu’avant l’installation de ce site, il n’y avait pas eu des études préalables ? Qui est responsable de cette situation ? C’est inconcevable », s’interroge-t-il.
Tatu Hatungimana a été chassée avec ses deux enfants par les inondations à Kanyenkoko. Elle et sa famille ont été dans une maison construite avec du bois et des bâches. Avec les premières pluies, sa maison a été inondée et elle a dû fuir de nouveau avec sa famille. « La vie est difficile ici. Il y a une famine inouïe. Le comble de malheur, l’eau nous en envahis de nouveau. Nos enfants refusent d’aller à l’école car, ils ont faim. Même ceux qui s’y rendent n’ont pas de matériel scolaire », se désole cette mère de deux enfants.
Elle déplore que des bâches soient usées et que des vols y soient monnaie courante. « On laisse les maisons fermées, mais, de retour, on trouve que tout ce qui était à l’intérieur a été emporté. Un autre problème concerne des chiens errants qui menacent notre sécurité », témoigne-t-elle avec amertume.
Elle demande au gouvernement de leur construire des maisons en dur et de leur donner du matériel scolaire de leurs enfants.
De son côté, Minani Aisha, mère de trois enfants n’en revient pas. Elle déplore une situation catastrophique. « Nous ne savons pas à quel saint se vouer. Nous avons été abandonnés par les autorités. Ils devraient entendre nos pleurs et comprendre nos malheurs ».
Il indique que la peur gagne de plus en plus les gens qui vivent dans le site. Et pour cause, des vols récurrents s’observent sur les sentiers qui mènent vers le site surtout pendant la nuit. Des malfaiteurs se pointent en effet sur ces sentiers et prennent chez les passants des objets de valeur, dont de l’argent et des téléphones portables. Ils volent aussi des provisions alimentaires et d’autres biens.
Les habitants de ce site se disent satisfaits de la disponibilité de l’eau potable en permanence. C’est l’Unicef, une Agence des Nations-unies pour l’enfance, qui a rendu cela possible. Des occupants ont également bénéficié des latrines modernes permettant ainsi de se prémunir des maladies des mains sales.
Des autorités sont au courant de la situation
Julius Juma Ruhuzo, chef de colline Mutambara reconnaît qu’en général, la situation se présente telle que présentée par les victimes. « Des enfants ne sont pas à l’école à cause de la pauvreté. La vie est très compliquée. Ces maisons sont très fragiles. Des bois utilisés ont été rongés par des termites ».
Il dit que la situation a été présentée aux autorités compétentes. « En tant que chef de colline, je donne toujours des rapports à la commune, je n’ai pas encore eu de réponses. Mois même, je pleure pour faire entendre leurs cris ».
Concernant les enfants qui n’ont pas de matériel scolaire, le chef de quartier a des bonnes nouvelles. « Ceux qui ont des enfants qui n’ont pas de matériel scolaire sont priés de venir se faire inscrire à mon bureau. L’administrateur communal m’a promis de les mettre à disposition ».
Le chef de la colline Mutambara dit avoir des informations sur la menace que représentent les chiens dans ce site. Il confirme que ces chiens entrent dans les maisons en bâches et attaquent les lapins élevés par des ménages. « Je me suis approché du commissaire qui élève ces chiens qui sèment la désolation. Je lui ai demandé de protéger la population. Il m’avait promis de les tuer pour éviter l’irréparable. Je vais m’assurer qu’il l’a fait ».
D’après le conseiller juridique du gouverneur de la province de Rumonge, tous les problèmes des habitants du village III sont connus. « Les habitants de ce site manquent de nourriture. Nous sommes à la recherche des partenaires pour leur venir en aide », indique Rubin Bizimana.
Il indique que ces déplacés habitent dans des bâches et ces dernières ont une durée de vie très limitée. « C’est vrai. Elles sont usées. Ces bâches avaient été données par l’OIM. Nous sommes en contact pour d’autres soutiens ».
Il reconnaît que le site est construit dans un milieu également inondable. Il précise néanmoins que le ministère de la Solidarité prévoit de les délocaliser dans un autre endroit sûr.
Concernant le manque de terres à cultiver, il explique que c’est une question commune avec d’autres sites des déplacés. Il les appelle à se regrouper dans des coopératives pour pouvoir bénéficier des terres cultivables. « Ce ne serait pas possible de donner une propriété à chaque personne ».
Le conseiller juridique du gouverneur de la province de Rumonge a annoncé que la Croix-Rouge a répondu à leur appel. Ces déplacés ont bénéficié des couvertures, des nattes (tapis modernes), des bidons, des casseroles le jeudi 24 octobre 2024, indique-t-il. Et de promettre d’autres appuis futurs.
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