Les cultivateurs de la plaine de Nyankima sont dans la désolation. Ils ont perdu beaucoup d’argent à cause de la déviation de la rivière Dama. La commune de Rumonge assure que le curage commence bientôt.
Lundi 22 avril, sur le pont de la rivière Dama, situé à 1 km de la ville de Rumonge. Il est 10 h. Une forte pluie vient de s’abattre sur Rumonge et ses environs. Le ciel est nuageux. Les eaux jaunâtres des rivières envahissent presque tous les champs de palmiers à l’huile de la plaine Nyankima. Une partie des eaux passent au milieu de ce champ et se jette dans le lac Tanganyika. Une autre stagne au milieu des palmiers à l’huile. Le sol est totalement gorgé d’eau. Une grande partie de palmiers s’assèchent. On ne voit que des troncs. On dirait qu’ils sont attaqués par une maladie.
Au beau milieu de la palmeraie, un jeune homme avance à petits pas. Pantalon retroussé, il est prudent comme un serpent. Il veut traverser la rivière. Simon Kajenje vit depuis son enfance dans cette ville de Rumonge. Ce jeune homme désœuvré, qui travaillait jadis dans cette palmeraie explique : «Ces plantes n’ont aucune maladie. Elles ont commencé à s’assécher lorsque la rivière Dama a quitté son lit.»
L’exploration minière en cause
D’après cet habitant, tout a commencé en 2014 quand une certaine machine est venue faire l’exploration du minerai sur les berges de cette rivière. Cette dernière a creusé un grand puits et a rejeté la terre dans la rivière. La terre s’est vite accumulée au milieu de la rivière. L’eau a été bloquée et s’est frayé un chemin dans la palmeraie.
La déviation des eaux a causé beaucoup de dégâts. Elle a ravagé les cultures de manioc, de patate douce, du riz et de tomates.
Selon M. Kajenje, cette palmeraie n’est plus une source génératrice de revenu. Désormais, les ménages utilisent les palmiers asséchés pour cuire les aliments.
Les palmiculteurs accusent un manque à gagner énorme. « Ils encaissaient plusieurs millions.», soutient-il.
Début de l’année 2015, plus de 64 familles sont plongées dans l’amertume et le désespoir. Elles sont dans la détresse inouïe.
Rencontrée chez elle au quartier Nkayamba de la ville de Rumonge, Dévote Bucumi, veuve et mère de neuf enfants est dans le désarroi. Perdue dans ses pensées, cette veuve aux abords de la cinquantaine raconte les lèvres tremblantes que cette rivière l’a totalement ruinée. En soupirant, elle fait savoir que les eaux ont détruit 87 palmiers. Fâchée, elle confie avoir perdu beaucoup de millions. « Ce champ rapportait beaucoup d’argent. Plus de 1,5 million de BIF par l’an ». En outre, les tomates étaient également rentables. Elles procuraient plus de 2 millions de BIF par an. Selon cette victime, le riz, les patates douces et les choux cultivés jadis dans cette propriété lui permettaient de nourrir ses enfants.
Larmes aux yeux, cette mère a du mal à raconter son calvaire. Désormais, elle peine à nourrir et faire soigner ses enfants. Elle n’a pas d’autre propriété. « Mes enfants ne mangent plus à leur faim. Nous vivons dans cette vieille maisonnette de deux chambres. C’est totalement affligeant», se plaint-elle. Elle souligne qu’avant que la rivière détruise ses cultures, sa famille avait de quoi se nourrir.
Cette veuve avait le projet de construire une nouvelle maison grâce aux revenus tirés de cette propriété. Malheureusement, Dama ne l’a pas voulu. « Quel est l’avenir de mes enfants ?», s’interroge-t-elle.
Cette femme se plaint que depuis 2015, l’administration n’a rien fait pour ramener cette rivière dans son lit initial.
Les palmiers en souffrent
Mêmes lamentations chez Ntacondoye Mwajuma, sexagénaire, elle aussi s’indigne. Assise devant la porte de sa maison dans le quartier Nkayamba, une vieux voile jeté sur sa tête, cette handicapée amputée de la jambe gauche ne cache pas son désarroi : « Le malheur ne vient pas seul. En plus de mon handicap et ma vieillesse, cette rivière a englouti mes 60 palmiers : ma seule source de revenus.»
Visage abattu, cette musulmane indique que les palmiers asséchés par la rivière faisaient rentrer dans la caisse familiale 385 000 BIF par mois. Les cultures de tomates et du riz, ajoute-t-elle, généraient également entre 1 million et 1,5 million de BIF par an. Elle révèle qu’elle prévoyait d’acheter une prothèse grâce aux revenus tirés dans cette parcelle.
Choquée par ce malheur, elle appelle au secours l’administration communale. « Depuis 2015, je me suis battue pour survivre. Mais, si la commune n’intervient pas. Je mourrai de faim ».
Quant à François Bigirindavyi, lui aussi palmiculteur, il a complètement abandonné cette propriété. « Pour y aller, il me faut une pirogue ».
Désespéré, il déplore que la rivière Dama lui ait pris un hectare et demi de palmiers. Il compte 134 palmiers asséchés. C’est une perte énorme pour lui. Ce jeune souligne que depuis 2015, il a perdu plus de 10 millions. Car, explique-t-il, ces palmiers rapportaient plus de 2 millions de BIF par an.
Face à ce désastre, M. Bigirindavyi fait savoir qu’il n’a pas croisé les bras. « Nous avons formé une équipe de 62 propriétaires pour ramener la rivière dans son lit », témoigne-t-il. Durant les trois dernières années, ils ont lutté contre l’eau jour et nuit. Ils ont construit un barrage avec des sacs de sable pour empêcher l’eau de se déverser dans les palmiers. « Nous avons dépensé plus de 3 millions de BIF. », estime François Bigirindavyi. Mais ils n’y sont pas parvenus. Le barrage n’a pas résisté. Ce dernier a vite cédé sous la force des eaux en furie.
Face à ces lamentations, Célestin Nitanga, l’administrateur de la commune Rumonge tranquillise. Il indique que la commune a fait une étude de l’aménagement de cette rivière. « Le coût du curage pour ramener cette rivière dans son lit est estimé à plus de 33 millions de BIF ».
La commune ne peut pas financer un tel projet. D’ici peu de jours, soutient-il, nous réunirons tous les concernés pour leur demander de contribuer à l’aménagement.
Cette autorité fait savoir que la rivière a été détournée de son lit par les travaux d’exploration du ministère de l’Energie et des mines en 2014.