Plus de 500 hectares de champs de palmiers à huile inondés et abandonnés ; manque d’encadrement agricole, de fertilisants et d’usines de transformation modernes. Tels sont les principaux défis auxquels font face les cultivateurs des palmiers à huile de Rumonge. De nouvelles orientations et actions s’imposent afin de sauver cette culture aujourd’hui menacée de disparition.
Le prix de l’huile de palme ne cesse d’augmenter sur le marché. Marc Niyongabo, un habitant de la zone Mutambara en commune Rumonge, cultivateur des palmiers à huile, fait savoir que cette montée du prix est due à la baisse de la production.
« Le palmier à huile n’est bénéfique qu’aux locataires des plantations. Nous, les propriétaires des champs de palmiers, on est plus motivé comme avant. Nous voyons que même l’huile de palme coûte très cher. Les petites gens n’ont plus assez de moyens de se payer même un kg d’huile qui a vu son prix grimper jusqu’à 10 000 BIF », déplore-t-il.
Ce cultivateur raconte que l’Office de l’huile de palme, OHP, ne donne plus de fertilisants comme avant alors qu’il perçoit des redevances sur l’huile produite. Il ne comprend pas non plus où vont les taxes communales. « Nous payons des taxes communales. Ce qui est compréhensible. Mais, ce qui est injuste est qu’on paie également d’autres frais à l’OHP à chaque récolte. Pourquoi ce doublon et que fait cet argent ? », s’interroge-t-il.
Depuis que de nouveaux plants ont été introduits, il y a 7 ans, selon M. Niyongabo, aucun fertilisant n’a été donné aux propriétaires des plantations. Partant, il ne voit pas l’utilité de l’OHP. « On dirait que la filière palmier à huile a été abandonnée avec le départ de la Société régionale de Développement, SRD. »
Une autre grande perte que M. Niyongabo et les autres propriétaires de plantations de palmiers à huile ont observée est celle de leurs plantations qui ont été envahies par la montée des eaux du lac Tanganyika. « Plusieurs hectares ont été inondés par la montée des eaux du lac Tanganyika et les crues de la rivière Murembwe. C’est une grande perte, car la récolte qui provenait de ces terres n’existe plus. »
Sous anonymat, NN dont le champ a été inondé témoigne aussi de son désarroi. « La culture des palmiers à huile était mon seul emploi. Pour le moment, je ne trouve aucun autre moyen pour satisfaire les besoins familiaux. On ne sait même pas si le gouvernement va nous octroyer d’autres champs à cultiver. »
Il ajoute qu’un hectare de palmier à huile bien fertilisé donne 25 tonnes d’huile de palme. « Pour comprendre la quantité d’huile de palme que nous perdons, il faut seulement multiplier ces 25 tonnes récoltées par hectare avec les 500 hectares inondés. Il s’agit donc de plus de 12 000 tonnes de moins sur la quantité attendue. »
Un budget limité
La directrice de l’OHP, Gaudence Nizigiyimana, a fait savoir que la raison de ne plus donner les fertilisants gratuitement aux cultivateurs des palmiers à huile est que le budget émanant du gouvernement est limité comparativement aux demandes. « Ce que les agriculteurs doivent comprendre, c’est que nous n’avons plus les moyens pour les fertilisants gratuits. Avec la SRD, il y avait plusieurs financements contrairement à aujourd’hui. »
Elle explique également que les frais dont l’OHP demande à chaque producteur d’huile ne sont pas des taxes. Il s’agit plutôt des redevances. « Les cultivateurs des palmiers doivent comprendre qu’il y a un compte qui a suffisamment donné des devises lors des plantations qui doit également bénéficier de la production, à savoir l’État. Les graines viennent de l’extérieur du pays et elles sont chères. Mais, le gouvernement nous oblige de donner les plantes à la population à bas prix. »
Gaudence Nizigiyimana ajoute que les palmiers à huile bénéficient de l’encadrement agricole et que les agronomes sont payés à partir des frais qui proviennent de l’OHP. D’où les cultivateurs des palmiers à huile doivent donner quelque frais pour assurer le bon fonctionnement de l’office.
En outre, le coût de production de l’huile de palme est estimé à 4 900 BIF par kilogramme. « Je ne vois pas que l’huile est très chère. L’acheteur le revend au consommateur à 5 300 BIF. J’imagine que la hausse jusqu’à un prix de 10 000 BIF est causée par la pénurie du carburant ou liée à d’autres raisons. Il ne faut pas non plus oublier que l’huile de palme est sollicitée pour plusieurs choses. Il y’a ceux qui l’utilisent comme produit fini et d’autres qui l’utilisent comme matière première. », précise-t-elle.
Interrogée sur la question de plus de 500 hectares inondés, la directrice de l’OHP a fait savoir que la question a été adressée au ministère ayant l’environnement dans ses attributions pour y remédier. Concernant l’huilerie de l’OHP qui a été vendue, elle n’a pas préféré y répondre.
Tout le monde ne déchante pas.
« Des femmes courageuses », comme l’indique leur slogan, travaillent en équipe dans l’usine de transformation de l’huile de palme située dans la zone Mutambara. Elles témoignent de leur parcours vers leur développement.
Pascasie Nahimana, une cinquantaine, mère de six enfants, indique que l’herbe est verte. Elle fait en effet savoir que le palmier lui rapporte tout ce dont elle a besoin. « Depuis que je travaille dans cette usine, je contribue à la satisfaction des besoins familiaux. J’aide mon époux à payer les frais scolaires de nos enfants. Je ne manque pas d’argent de poche. Ma vie a totalement changé. », se réjouit-elle.
Elle lance alors un appel à toutes les femmes de travailler d’arrache-pied pour subvenir à leurs besoins et de ne pas céder à l’oisiveté.
Jacques Niyonzima, veilleur des champs de palmiers à huile situés dans la zone Gatete en commune Rumonge, n’est pas loin du précédent témoignage. Il indique en effet que même s’il n’est pas propriétaire des palmiers, il en profite.
« Le palmier à huile a une grande importance dans ma vie. Je profite de l’occasion pour appeler les propriétaires de ces champs à bien fertiliser ces plantes pour qu’elles perdurent longtemps afin que j’aie toujours du travail. », jubile-t-il.
Plusieurs défis à surmonter
Le gouverneur de la province de Rumonge, Léonard Niyonsaba, évoque quelques défis à relever dans la culture des palmiers à huile qui ont causé la diminution de la production de l’huile par rapport aux années antérieures.
« Parmi les défis que nous avons constatés figure le manque d’entretien suffisant des palmiers. Certains cultivateurs font louer leurs champs de palmiers et les locataires ne se préoccupent pas des plantations, D’où la baisse de la production. D’autres ont construit des maisons dans les champs », explique-t-il en ajoutant que la transformation anarchique empire la situation.
Et d’informer que lors d’une réunion tenue le 23 décembre 2024 avec les agriculteurs et les responsables de l’huile de palme, OHP, la vente des champs de palmiers à huile ainsi que la construction des maisons dans les champs ont été interdites.
« Nous avons remarqué que certains agriculteurs ont vendu leurs terres et que les autres ont commencé à y construire des maisons. Cela ne figure pas dans les contrats qu’ils ont signés avec l’État. Ces terres appartiennent au gouvernement et elles sont destinées à la culture des palmiers à huile seulement », précise le gouverneur de Rumonge.
Un changement de comportement et de mentalité
Face aux nombreux défis observés dans le secteur, la directrice de l’OHP appelle les cultivateurs à obéir aux instructions des encadreurs agricoles ainsi qu’à abandonner les industries de transformation archaïques, car, avec ces industries, une grande quantité d’huile se perd.
La qualité de l’huile n’est pas non meilleure par rapport à celle de l’huile bien raffinée par les industries de transformation modernes. « Perdre une tonne, donc 90 litres, à chaque production, c’est beaucoup. », insiste-t-elle.
Elle incite enfin les cultivateurs à multiplier les plantations pour que cette plante soit une source génératrice de devises dans le cadre de la Vision d’un Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060.
Le gouverneur Niyonsaba appelle aussi les cultivateurs des palmiers à l’huile à changer leurs comportements et leurs mentalités ; à respecter les orientations des techniciens responsables de la culture des palmiers au Burundi de l’OHP.
Il les incite également à travailler en équipe, car, l’union fait la force, dit-on. « Les cultivateurs doivent apprendre à travailler en coopérative en cherchant à mettre ensemble les efforts. Il faut qu’ils aient des industries très spécialisées afin d’éviter la perte de l’huile qu’ils enregistrent lorsqu’ils transforment dans les industries archaïques connues sous le nom de Mahweniya. », insiste-t-il.
Léonard Niyonsaba appelle enfin les responsables de l’OHP à suivre rigoureusement les cultivateurs des palmiers à huile ; à les aider dans la sélection de la qualité des palmiers à huile afin de produire des pépinières modernes pour augmenter la production.
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