Le principe est simple : vous avez un besoin urgent d’argent. Vous ne pouvez pas recourir à la banque classique. Un prêteur, « Banque Lambert », vous prête l’argent. A un taux très élevé.
<img3124|left>La recherche du profit est la principale motivation pour les prêteurs. « Je fais ce commerce d’argent parce que je gagne beaucoup», précise A.N., une dame jouant à la « banque Lambert ».
Mon créancier, raconte-elle, peut me donner 10% d’intérêt mensuel. « A quoi bon loger mes sous dans une banque sans rien gagner ?», se demande-t-elle. Pour elle, seule la confiance compte car elle ne demande rien comme garantie. Son emprunteur lui rembourse à temps et régulièrement : « Je n’ai jamais eu de problème avec mon client. Je lui ai donné 1 million de Fbu et, chaque mois, il dépose 100.000Fbu sur mon compte.» Après deux ans, fait-elle savoir, elle remboursera la totalité de la somme empruntée. Et de reconnaître qu’il y en qui n’arrivent pas à être remboursés : « Ils ont dû saisir les tribunaux.»
Difficile acquittement
Certains n’arrivent pas à payer à temps : « J’ai contracté un crédit de 2.500.000Fbu à mon voisin pour dédouaner ma voiture. Je devrais lui rembourser tout ce montant une semaine après avec un intérêt de 250.000Fbu», raconte E.N. Elle avait hypothéqué sa voiture d’une valeur de 6 millions de Fbu qui devrait loger chez son débiteur jusqu’au jour du remboursement : « J’ai passé quatre semaines sans rembourser, les intérêts s’élevaient à 1.000.000Fbu»
Les emprunteurs souvent ruinés
Le remboursement, dans tous les cas, n’est pas facile. « Je vivais des crédits de la « banque Lambert » dans mes activités commerciales. Des fois, il arrivait que l’échéance de remboursement tombe sans que j’ai les intérêts conclus », explique N.K. Obligé d’augmenter le montant des crédits pour rembourser, N.K. s’endettait davantage sans même arriver à recouvrer tous ses crédits. Il s’est retrouvé incapable de continuer son activité commerciale : « Auparavant, j’amenais des marchandises de Tanzanie pour les revendre à Bujumbura. Aujourd’hui je ne peux plus à cause du manque d’argent.»
Selon lui, ne pas posséder un compte bancaire est l’une des raisons qui amènent les gens à recourir à la « banque Lambert » que la banque officielle. Au problème du compte, s’ajoutent des exigences bancaires : « L’accès au crédit n’est pas donné à tout le monde. Par exemple on te demande une maison comme hypothèque et ce n’est pas tout le monde qui a le titre de propriété.» Selon lui, les taux d’intérêt débiteur varient : « Les taux d’intérêt peuvent être de 10%, 15%, 30% ou même plus suivant l’urgence. »
<img3123|right>Conséquences : bonjour l’inflation
Pour Gilbert Niyongabo, professeur en économie à l’Université du Burundi, la plupart des bénéficiaires de ces prêts informels sont des producteurs de biens ou services. Ce sont des gens pour lesquels on impose des taux d’intérêts exorbitant et, à un certain moment, ils ne sont pas capables de s’acquitter de leurs dettes. « Il s’en suit l’arrêt de l’activité économique», lâche-t-il. Et d’expliquer que l’arrêt de l’activité économique (production) engendre le chômage et la hausse des prix des produits de consommation.
Au moment où la Banque Centrale (BRB) dit ne pas être en mesure de contrôler la « banque Lambert » parce que non reconnue, M. Niyongabo suggère plutôt à cette autorité monétaire de promouvoir le développement des microfinances: « Il faut multiplier les microfinances pour faire en sorte que l’argent soit le moins cher possible. Et par là on pourra financer les activités économiques tant du monde urbain que rural.»