Des produits de première nécessité rare, des prix qui grimpent, un pouvoir d’achat qui s’amenuise. Les acheteurs et vendeurs demandent une intervention urgente. L’administration prône la diversification des cultures.
Lundi, 15 avril, vers 15h. Au marché de Rugombo, des vendeurs et acheteurs se bousculent. En face du parking, des stocks des différents produits pour les grossistes sont exposés. Des vendeuses guettent désespérément les clients.
Depuis février dernier, cette commune connaît une hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité. La variété de haricot « jaune » est difficilement trouvable sur le marché. Elle est passée de 2000 à 2500 BIF. D’autres variétés ont augmenté entre 200 et 400 BIF. Il s’agit notamment des variétés comme « Kirundo », « faux jaune » et « Ruvuzo ».
Le prix du maïs a aussi augmenté de 150 BIF le kg. Le prix du riz, pourtant cultivé en grande quantité dans cette région de l’Imbo, est passé de 1500 à 1700 BIF. Le riz tanzanien est passé de 1800 à 2100 et n’attire pas vraiment de clientèle. Des produits qui constituent l’aliment de base de la population de faibles moyens.
Certaines familles se résignent et recourent à la réduction de la consommation ou tout simplement aux aliments de substitution. Espérance Itangishaka, un enfant au dos, vient acheter 1kg de haricot, variété « Kirundo» pour quatre membres de sa famille. « Combien le kg ?», demande-t-elle, « 1500BIF seulement », répond le vendeur. Après 5 minutes d’hésitation, elle change d’avis et sollicite un demi-kilo. « Je n’ai pas d’autre choix, on doit vivre tant bien que mal. La situation et intenable », se désole-t-elle. Et d’implorer les bienfaiteurs de leur venir en aide.
Une autre femme arrive, un sac à la main. Elle demande le prix, après la réponse du vendeur elle rebrousse chemin sans le moindre commentaire. « On va mourir de faim», se lamente-t-elle en partant.
Une situation inquiétante
« Même le riz que nous cultivons dans les marais vient de monter de 200 BIF le kilo. Et pourtant, nous sommes en période de récolte. Les choses vont se compliquer dans les jours à venir», fait savoir Miburo, un cultivateur de riz. Il craint que la situation ne dégénère surtout que les commerçants attendent avec leurs camions tout près des moulins pour embarquer les stocks vers d’autres provinces notamment Gitega, Kayanza, Ngozi et Makamba.
Antoine Nizigiyimana, lui, tient un petit restaurant. Il vient s’approvisionner. Il décrit une situation intenable. Pour lui, jamais on n’achetait un kilo de riz à 1800 BIF pendant la période de récolte. Il raconte qu’il n’est plus en bon terme avec ses clients qui l’accusent de malhonnêteté. « Suite à la hausse des prix des différents produits, nous devons aussi diminuer la quantité à servir.». Et de s’interroger : « C’est la pénurie ou la spéculation des commerçants. Quelle est la responsabilité de l’Etat dans tout ça ? » Il appelle le gouvernement à suivre de près cette situation. « Sinon, le pays risque de voir ses citoyens affamés fuir à l’étranger ou victimes de bandes de voleurs ».
Même appréhension pour les acheteurs et vendeurs
« Les acheteurs se comptent sur les bouts des doigts. Les prix ont grimpé. Nous n’arrivons plus à vendre. Et nourrir nos enfants devient un véritable casse-tête », témoigne Irène Hafashimana, vendeuse de haricot sur le parking de Rugombo depuis 4 ans. Une situation qui résulterait selon elle de la faible production de la dernière saison culturale.
Même son de cloche chez Tharcisse Nahimana, un grossiste. Devant son stock, il déplore la situation : « La montée des prix décourage les commerçants. Les prix dépassent le pouvoir d’achat de la population.»
Dans le stock de M. Nahimana, certaines variétés de haricot sont introuvables notamment celle dit «jaune ». Car, son prix est inabordable pour les acheteurs de faibles moyens ce qui complique l’écoulement.
Pour lui, l’onde de choc de la pénurie de ces denrées alimentaires sur les marchés d’approvisionnement se répercute sur les marchés locaux. « Si les produits ne sont pas en quantité suffisante à Gitega, Ngozi et Kirundo, on s’attend à la flambée des prix ». Néanmoins, il suggère que les prix soient maîtrisés.
Diversification des cultures, une des solutions
Selon Mme Béatrice Kaderi, administrateur de la commune Rugombo, deux facteurs expliquent cette situation : la faible production pour la saison culturale A, qui fait qu’à deux mois de la récolte rien ne reste dans les stocks et la culture exclusive du riz « Les cultivateurs se sont focalisés sur la culture du riz, au détriment des autres cultures comme le haricot, maïs, le manioc, la patate douce, etc. »
Pour elle, la diversification des cultures est le seul moyen de juguler cette pénurie répétitive. Car, dit-elle, les denrées alimentaires sont complémentaires. Elle annonce la collaboration avec le programme d’appui institutionnel et opérationnel du secteur agricole du Burundi, PAIOSA. « Avec l’appui du projet PAIOSA, nous sommes en train de travailler pour sensibiliser et encadrer les agriculteurs pour mettre en valeur leurs champs selon les cultures. Le problème ne se posera plus», rassure-t-elle.
Produits alimentaires | Prix en BIF (mars 2019) | Prix en BIF (avril) | Augmentation en BIF |
Haricot dit Jaune | 2000 | 25000 | 500 |
Haricot dit Ruvuzo | 1800 | 2200 | 400 |
Haricot dit Faux jaune | 1600 | 1800 | 200 |
Haricot dit Kirundo | 1300 | 1500 | 200 |
Riz local | 1500 | 1700 | 200 |
Riz tanzanien | 1800 | 2100 | 300 |
Maïs | 400 | 550 | 150 |
Manioc | 400 | 450 | 50 |
Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.
Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.
Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.