Six mois après le début de la politique de villagisation en commune de Rugombo, des propriétaires ont du mal à terminer la construction de leurs maisons. Pour Frédéric Bavunginyumvira, initiateur d’un village à Kiremba, cette politique a été mal pensée. La présidence n’est pas de cet avis.
<doc3671|right>«Que vais-je devenir si ma maison s’écroule ? », se demande Jacqueline Nsabiyaremye ,40 ans, propriétaire d’une maison en construction de trois chambres au village de Mukinya 2. Selon cette mère de 10 enfants, elle a contracté un crédit pour pouvoir construire sa maison mais actuellement elle n’a plus de moyens pour la terminer.
Localité de Gikumba, à trois kilomètres du chef-lieu de la commune Rugombo. Trois cent trois parcelles surplombent le site et plusieurs maisons y sont déjà érigées. Mais un constat se dégage : certaines maisons sont sur le point de s’écrouler faute de toiture. Elles appartiennent, informe Jacqueline Nsabiyaremye, à quelques familles vulnérables ayant eu des parcelles sur ce village.
Eliane Ndahabonimana, une autre propriétaire, vit la même situation. Sa maison n’a pas de toiture. D’après elle, il lui faudrait plus de 200 mille Fbu pour finaliser les travaux. Une somme qu’elle a du mal à trouver, souligne-t-elle. Elle en appelle à l’aide de l’administration pour terminer sa maison car, explique-t-elle, elle a six enfants et ne sait pas où les mettre si la maison s’écroule.
Furieux G.K, un habitant du village n’y va pas par quatre chemins : «certains ont construit les fondations de leurs maisons mais faute de moyens, ils ont abandonné. » Ce qui, selon lui, ne colle pas avec l’esprit du projet du Président de construire des villages modèles dans tous le pays : « Il est visible que ce village de développement ne profitera qu’aux riches car la plupart de ceux qui ont des parcelles sont des commerçants et des dignitaires. »
A côté de ce problème, la même source ajoute que la distribution des 50 tôles ne se passe pas comme prévu. Il rappelle que le Président Nkurunziza a promis d’accorder gratuitement 50 tôles aux ménages qui se construisent des maisons et de l’électricité issue de l’énergie solaire pour les familles qui érigent les murs en briques cuites. Mais s’étonne que l’administration ne donne à chaque famille que 47 tôles.
« L’ordre est venu de la présidence »
Béatrice Kaderi, administrateur communal de Rugombo, indique que l’ordre de distribuer 47 tôles au lieu de 50 est venu de la présidence de la République pour, elle, préserver les trois tôles en vue de la construction des installations sanitaires. Concernant les bénéficiaires qui n’ont pas construit ou qui peinent à finaliser leurs constructions, explique que les règles sont claires : « Celle ou celui qui ne pourra pas construire se verra retirer la parcelle pour quelqu’un qui le peut. »
<doc3672|right>A ceux qui parlent d’une distribution au profit des riches, elle répond qu’elle s’est passée dans la transparence. Selon elle, il y a eu plus de deux mille demandes de parcelles au mois d’octobre de l’année passée : « Nous avons octroyé ces parcelles en fonction des demandes reçues et nous ne pouvions pas savoir qui est riche ou pauvre car ce n’était pas mentionné dans leurs dossiers. »
Willy Nyamitwe, porte-parole adjoint du Président de la République, reconnaît que l’ordre de distribuer les 47 tôles au lieu de 50 est venu de la présidence mais pas pour la raison avancée par Béatrice Kaderi. D’après lui, c’était pour éviter que des tôles soient vendues comme observées ailleurs : « Il est arrivé que des gens utilisent 48 tôles et vendent les deux restantes. C’est pour cela que nous avons exigé qu’on leur donne 48 quitte à ce qu’on leur ajoute les deux tôles si toute la maison n’est pas couverte. »
« Une politique mal pensée »
Concernant les accusations de la distribution des parcelles qui se serait passée au profit des nantis, une autre source à la présidence indique que des informations sûres précisent que ce sont des paysans qui, par manque de moyens pour construire, ont vendu leurs parcelles à ces riches et dignitaires. Et cela n’est pas de la responsabilité ni de l’administration ni de la présidence.
Frédéric Bamvunginyumvira, ancien vice-président de la République et initiateur d’un village de paix en zone Kiremba (commune Gasorwe, province Muyinga) abritant actuellement 500 personnes en plus des infrastructures sociales, n’est pas de cet avis. Pour lui, la politique du président sur la villagisation a été mal pensée dès sa conception : « En général, ce genre de politique est élaborée au profit de petites gens. Il est alors évident que des grognes soient nombreuses. »
En outre, souligne-t-il, une telle politique doit commencer par la construction d’un seul village comme modèle avant de l’étendre sur tout le territoire national : « Ils auraient dû construire ce village et y mettre tout ce qu’il faut d’infrastructures comme les écoles, centre de santé, etc. avant d’étendre cette expérience au niveau national. »
Quoi qu’il en soit, au village de Mukinya 2, des voix s’élèvent pour dire qu’au point où ils en sont, le rêve du Président de voir les bénéficiaires vivre dans un habitat décent s’éloigne de plus en plus.