Samedi 3 décembre, l’administrateur de la commune Rugombo en province Cibitoke, accompagnée de plusieurs habitants, a procédé à la fermeture de la société Rugofarm. Les propriétaires parlent d’une violation de la propriété privée.
«En les voyant, nous avons eu peur. Ils étaient tellement nombreux», témoignent les quelques employés de la société Rugofarm, usine de distillation du patchouli, qui étaient présents. Devant cette foule immense avec houes, machettes, pelles et gourdins, marchait l’administrateur de la commune Rugombo, Béatrice Kaderi. Certains citoyens pensaient participer à de simples travaux communautaires mais l’administrateur communal avait autre chose en tête.
Chauffée à blanc par Béatrice Kaderi, la foule se met à effacer une pancarte de Rugofarm se trouvant à l’entrée de l’usine. Elle installe la pancarte d’un centre de production dénommé Centre de production et de transformation agricoles de la commune Rugombo (CPTACRU). Selon l’administrateur, c’est ce centre qui va désormais exploiter ce complexe industriel. «Nous exécutons une décision de la CNTB qui a ordonné que toute la propriété de Rugofarm doivent revenir à l’Etat.»
Des Imbonerakure gardent les lieux
Le lendemain dimanche, Chadrick Habonimana, administrateur directeur général (ADG) de Rugofarm, se rend à son usine afin d’inspecter les lieux. C’est sans compter sur des jeunes hommes postés devant l’usine. Ils sont armés de gourdins et certains portent des chaussures flambant neuves de la police. «Personne n’entre dans l’usine», hurlent-ils devant un ADG surpris. Selon eux, ils ont des ordres très clairs.
«Ce sont les Imbonerakure de Rugombo. Même leur chef est là», indiquent les habitants de Rugombo. Chadrick Habonimana se déplace à quelque 300 mètres pour discuter avec trois de ses employés. Debout au bord de la route Rugombo-Bujumbura, cinq Imbonerakure arrivent en courant. «On t’ordonne de retourner à Bujumbura. Tu n’as plus le droit d’être ici», clament-ils, très remontés. Il tente d’expliquer qu’il n’est pas dans l’usine, mais qu’il a le droit de se promener dans la rue. «Tu résistes? Nous travaillons pour la sécurité du pays et ce sont les ordres que nous venons de recevoir et nous allons les exécuter.» L’ADG finira par partir.
Une violation de la loi, selon les propriétaires de l’usine
Béatrice Kaderi affirme avoir fait son travail en défendant les intérêts de l’Etat conformément à la loi communale. Bien plus, elle assure que c’est la Commission nationale terres et autres biens (CNTB) qui lui a demandé d’agir : « La commission avait donné un mois à la direction de la Rugofarm pour quitter les lieux, mais elle ne s’est pas exécutée. » C’est pour cela qu’en tant que représentant de l’Etat dans cette commune, explique-t-elle, j’ai pris la décision de chasser ceux qui occupent irrégulièrement les terres de l’Etat.
A la question de savoir s’il n’appartient pas aux agents de la CNTB d’exécuter les jugements de cette commission et au ministère de l’aménagement du territoire de récupérer les terres de l’Etat, Béatrice Kaderi martèle qu’elle n’a fait que son travail.
«Nous n’avons pas sollicité son concours dans l’exécution de notre décision », a tenu à souligner Dieudonné Mbonimpa, porte-parole de la CNTB. Et de confier que le député Martin Mbazumutima, président de la CNTB, a adressé le 24 octobre 2016, une correspondance au ministre de l’Aménagement du Territoire lui signifiant que les terres revendiquées par la Rugofarm doivent retourner dans les terres domaniales de l’Etat. « Nous nous attendons à ce que ce ministère fasse son travail. »
Pour Chadrick Habonimana, c’est une violation flagrante de la loi et une manière de persécuter quelqu’un. Même son de cloche de la part de Me Janvier Nsabimana, avocat de Rugofarm. Il indique que Béatrice Kaderi n’avait aucun droit d’exécuter une décision de la CNTB. «Même cette commission a pris une décision qui dépasse ses compétences. Cette récupération doit suivre une voie légale et non celle de l’arbitraire tel que la CNTB l’a fait.» Iwacu a contacté le gouverneur de la province Cibitoke et le ministre de l’Aménagement du territoire pour qu’ils s’expriment, en vain.
Un manque à gagner énorme
Chadrick Habonimana demande que l’usine soit rouverte car le pays perd aussi beaucoup d’argent. «Il y avait des tonnes et des tonnes de patchouli qui devaient être traités. Nous estimons une perte de 30 à 50 millions de Fbu. Et qui va nous rembourser les dégâts?»
Il fait savoir que les machines installées ont une valeur de 250 mille dollars américains. Selon lui, la société emploie 188 employés permanents et les non-permanents varient entre 1000 et 2000 personnes. Rugofarm a aussi des plantations de palmes à huile sur 500 ha, des bananeraies sur 50ha. «Nous encadrons aussi la population en ce qui concerne les cultures vivrières. Que va devenir tout ce monde?»
Pour la population qui cultive le patchouli, la fermeture de la Rugofarm est aussi une grande perte. «L’usine nous donnait 300 Fbu par kilo de feuilles fraîches. C’était beaucoup d’argent», confie un habitant de Rugombo. «Je pouvais avoir 400.000Fbu par trimestre», renchérit un autre. Selon Chadrick Habonimana, sa société œuvre dans les communes de Rugombo, Mabayi, Mugina, Murwi et une partie de Bukinanyana. «Nous donnons gratuitement des plants de patchouli et de l’engrais aux cultivateurs. Par après, ils nous vendent la récolte. Nous vendons notre huile dans des industries de parfumerie en Europe et nous gagnons au moins 1500 dollars américains par jour.» Chadrick Habonimana trouve que c’est une perte aussi pour l’économie nationale.
Compétente ou abus de droit?
Droite dans ses bottes, la CNTB affirme qu’elle n’a fait que son travail. Pour les dirigeants de Rugofarm, elle a gravement outrepassé ses compétences et ils demandent que sa décision soit ainsi annulée.
Le déclencheur de ce conflit est une plainte à la CNTB de la Cogerco (Compagnie de Gérance du Coton) contre Rugofarm, le 18 juillet 2012. La Cogerco accuse Rugofarm de l’avoir spolié des blocs cotonniers de Nyakagunda (141.52 ha), Ruhanga (11.5 ha), Rutoza (52.2 ha) et Kabamba (75.30 ha), situés dans la réserve cotonnière de Miduha en commune Rugombo. «Rugofarm a profité de la cessation de nos activités sur ces réserves, suite à l’insécurité qui a prévalu après la crise de 1993, pour les annexer à sa ferme.» Pour la Cogerco, ces réserves cotonnières sont les terres du domaine public que l’Etat a affectées à la production du coton et placées sous sa gestion.
En novembre 2014, la délégation provinciale de la CNTB prend une décision et donne raison à la Cogerco. De plus, Rugofarm est dépouillé de toutes ses terres qui reviennent à l’Etat. Rugofarm fait un recours à la CNTB au niveau national.
Avec un contrat de location entre les deux sociétés à l’appui, Rugofarm explique que la Cogerco est une ancienne locatrice d’une partie des terres de Rugofarm. Elle se pose alors la question si la Cogerco louait des terres qui lui appartiennent, depuis les années 1995 jusque dans les années 2000. Rien n’y fit. Le 17 octobre 2016, Rugofarm est débouté par la CNTB. Cette dernière maintient la décision de la délégation provinciale. Rugofarm se tourne alors vers la Cour spéciale terres et autres biens.
La CNTB contestée
Pour Dieudonné Mbonimpa, la CNTB n’a fait que son travail qui est de mettre à jour, en concertation avec les services compétents, l’inventaire des terres et autres biens de l’Etat, d’identifier et de proposer la récupération de ceux qui ont été irrégulièrement acquis. Après vérification avec un grand soin de la régularité de l’acquisition de cette propriété de Nyakagunda occupée par Rugofarm, indique-t-il, la commission a jugé qu’elle doit impérativement retourner aux mains de l’Etat.
Pour Me Janvier Nsabimana, la CNTB via son porte-parole fait une interprétation erronée de l’article 4 litera k de sa propre loi : «La CNTB ne peut exproprier ou décider de l’expropriation des personnes privées sur base de son analyse. Elle ne peut non plus prendre une décision en faveur de l’Etat quand bien même il y aurait conflit entre l’Etat et les particuliers, personne physique ou morale.» Il s’étonne d’ailleurs que la CNTB ait octroyé la partie qui restait à Rugofarm à l’Etat alors que la Cogerco ne réclamait que 280 ha sur 1507 ha. «Elle n’avait pas été saisie par les organes habilités et de plus elle n’avait pas la compétence de récupérer cette propriété au profit de l’Etat.»
Dieudonné Mbonimpa affirme que la Rugofarm a acheté à la société Rusizi un contrat emphytéotique de 30 ans en 1991 qui avait été passé entre l’administration et la Rusizi le 6 janvier 1964. «Le contrat devait donc prendre fin le 6 janvier 1994. Par malignité, la Rusizi a vendu la propriété en 1991 à la Rugofarm et celle-ci a accepté alors qu’elle savait que le contrat emphytéotique allait prendre fin en 1994.» Pire, accuse le porte-parole de la CNTB, elles ont ignoré le décret présidentiel du 26 février 1992 portant résiliation des contrats emphytéotiques passés entre l’administration et les particuliers avant l’indépendance. Et d’ajouter que ce décret reste d’actualité car il n’a pas encore été abrogé.
«L’Etat burundais s’est dépouillé irrévocablement de cette propriété surtout qu’aucun contrat emphytéotique n’a été signé entre la Ruzizi ou la Rugofarm et l’Etat du Burundi», souligne Me Janvier Nsabimana. Pour lui, c’est une entorse grave au droit à la propriété.Il rappelle qu’en 1991, la Rugofarm a acheté à Ruzizi cette propriété de 1507 ha 60 ca situé à Nyakagunda en commune Rugombo, comme l’atteste des contrats de vente. Et de souligner que Ruzizi a commencé à acheter cette propriété avec le Royaume du Ruanda-Urundi depuis 1928.
Signalons qu’après une demande,en date du 25 février 1991, du président directeur général de la Ruzizi de non-objection du gouvernement pour vendre les domaines de Nyakagunda à Rugofarm, le ministre de l’Aménagement, du Tourisme et de l’Environnement de l’époque a répondu par une correspondance (No770/166/91 du 19 mars 1991) : «Par la présente, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que je marque mon accord à ce que ces terrains fassent l’objet de la vente, conformément à la décision du gouvernement et en application des principes attachés au droit de propriété.» De plus, le compte rendu de la réunion du ministre du 11 octobre 1990 souligne en sa page 9 que : « Ces terrains ont été vendus à la société Ruzizi sous la condition de les exploiter sans interruption… Aussi, ont-ils pris la décision de laisser la société Ruzizi disposer de ces terres et de lui exiger de les exploiter ou de les faire exploiter.»
je suis intéressé des votre projet .j’ai besoin votre contact.
Que fait la justice? La police? quel est le pouvoir légal des imbonerakure pour intervenir?
Madame s’il faut appliquer la loi faites appel à la police, sinon vous donnez une image dégradante de ce beau pays. » milice ou patriote »?
Ils osent contester les decisions de la CNTB? Honte a eux
It is a f**ing private company Ms Joan, in that country people have the right to own private businesses without asking anybody opinion if it’s done within the law! The handling is something out of Nazi Germany to say the least.The Gestapo! The level of
Pathological envy of these psychos is unparalleled!
C’est fasciste ce que fait ce regime dd. N’est-ce pas une autre forme de génocide quand tous les prétextes sont bons pour dépouiller selectivement les gens de leurs biens légalement acquis, surtout quand tout cela est confié aux fameux imbonerakure?, pleure, o pays bien aimé !
I think all the parties involved have to think a win- win solution.
Decisions made in the 90’s are not really relevant right now, they need to reach a compromise,where the rugofarm keeps its business but the government gets shares in the company
and instead of selling the products to Europe to be manufactured and sent back to be sold at a high price, we create our own industries to sell finished products for more profit.
Burundians we don’t need to fight ,think win -win scenarios.