Lundi 23 décembre 2024

Société

Rugofarm remontée contre l’administration

11/09/2018 Commentaires fermés sur Rugofarm remontée contre l’administration
Rugofarm remontée contre l’administration
Cinq employés de Rugofarm détenus au commissariat de police à Cibitoke.

Le substitut du procureur en province Cibitoke a arrêté, jeudi 30 août, cinq employés de la société Rugofarm. Deux tonnes d’huile de palme ont été également saisies. La direction de cette entreprise dénonce une « persécution » orchestrée par certains responsables administratifs.

Cinq employés de l’entreprise agro-industrielle Rugofarm sont en prison depuis jeudi 30 août, au commissariat de police à Cibitoke. Ils ont été arrêtés par le substitut du procureur en province Cibitoke sur l’ordre du gouverneur. Raison officielle : « violation » de la décision de la justice. Cette décision interdit à la société Rugofarm l’exploitation de sa propriété de 1 500 hectares récemment attribuée à l’Etat par la Cour spéciale de la commission nationale des terres et autres biens(CNTB).

Accompagné par le conseiller économique de la commune Rugombo, le directeur provincial de l’Agriculture et de l’Elevage, le chef de police à Rugombo, le substitut du procureur a saisi deux tonnes d’huile de palme et plusieurs tonnes des fruits du palmier à huile stockées l’usine de transformation. Motif : ces produits ont été récoltés par Rugofarm dans une propriété qui ne lui appartient plus. Arguments rejetés par la direction de Rugofarm.

Chadrick Habonimana, administrateur directeur général de Rugofarm dénonce la « persécution » de sa société menée par certains responsables administratifs de la province Cibitoke. Il pointe du doigt notamment le gouverneur Joseph Iteriteka. Selon lui, ce dernier manipule la justice et la police pour perturber les activités de son entreprise sous-prétexte de faire respecter la « fameuse » décision de la CNTB. En réalité observe-t-il, ces autorités veulent à tout prix des lopins de terre dans la propriété de Rugofarm.

M. Habonimana déplore également l’emprisonnement de cinq employés de Rugofarm : « Ils ont été arrêtés en violation de la loi. Aucun mandat d’arrêt n’a été présenté par le substitut du procureur.»

« Manque à gagner énorme »

Il rejette aussi les accusations du substitut du procureur. Ce dernier accuse nos employés d’avoir « violé » la décision de la CNTB en récoltant les fruits des palmiers à huile dans la propriété de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas. Tous ont été arrêtés dans leurs bureaux et non dans des champs de palmiers à huile.

D’après lui, cette arrestation vise à intimider les responsables et les employés de Rugofarm pour qu’ils ne puissent pas continuer leurs activités. Depuis cette arrestation, témoigne-t-il, la majorité de ces employés ne se présentent pas au travail par peur d’être arrêtés. Au total, cette société compte plus de 1 300 employés.

L’ADG de Rugofarm souligne que cette perturbation affecte sa société. Le manque à gagner par semaine est estimé à 10 millions de BIF pour les palmiers à l’huile et plus de 150 mille USD pour la culture de patchouli. Et il précise que l’exploitation de la propriété de Rugofarm profitait à la population de Rugombo. Plus de 10 mille agriculteurs ont des lopins de terre dans cette propriété.

Le patron de Rugofarm soutient que la décision de la Cour spéciale de la CNTB n’interdit pas sa société de récolter les fruits de palmier à huile. Il rappelle que cette Cour a promis à Rugofarm 4 hectares.
L’administrateur général de Rugofarm demande la libération de ses employés qui sont « détenus jusqu’aujourd’hui sans motif valable». Il exhorte le gouverneur et le procureur à ne plus persécuter ses employés. Si l’administration reproche quelque chose à Rugofarm, assure-t-il, qu’elle saisisse la justice en bonne et due forme. La direction de Rugofarm est prête à répondre à la justice.

Pour rappel, tout a commencé en 2012. La compagnie de gérance du coton(Cogerco) a saisi la CNTB. Cette dernière a donné gain de cause à l’Etat le 6 juillet dernier. Mais la bataille judiciaire continue pour le contrôle de cette propriété. Pour le moment, le dossier est dans la chambre de révision au ministère de la Justice.


L’administration locale se défend

Béatrice Kaderi, administrateur de la commune Rugombo rejette toutes accusations. « Aucun responsable administratif ne « persécute » les employés de Rugofarm.» Elle affirme que les employés de Rugofarm ont été arrêtés pour outrance à la décision de la Cour spéciale de la CNTB. Ils sont accusés de récolter des fruits de palmier à huile dans un terrain appartenant à l’Etat. « La décision de la justice doit être respectée par tout le monde. »

Mme Kaderi soutient, par ailleurs, que la société Rugofarm n’a aucune raison de continuer à exploiter la propriété qui ne lui appartient plus. La décision de la Cour spéciale de la CNTB est définitive et sans appel.

Contacté, Joseph Iteriteka, gouverneur de la province Cibitoke a promis de s’exprimer ultérieurement à ce sujet. Il fait savoir qu’il souffre du paludisme.
Jean Marie Bigirindavyi, procureur de la république en province Cibitoke se refuse à tout commentaire. Il indique que les cinq employés de Rugofarm ont été arrêtés pour des raisons d’enquête.

Pas d’excuses

Déo Guide Rurema : « Toute personne qui sera surprise en train de récolter quoi que ce soit dans cette propriété sera considérer comme un voleur.»

Déo Guide Rurema, ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage a déclaré, lundi 3 septembre, qu’il n’y aura pas d’excuses à toute personne qui sera surpris en train de récolter quoi que ce soit dans la ferme de Gabiro-Ruvyagira. Auparavant exploité par la société Rugofarm, indique-t-il, cette ferme appartient au gouvernement depuis début juillet.

Lors d’une visite effectuée dans cette ferme, le ministre Rurema a fait savoir que cette propriété est désormais sous le contrôle de son ministère. L’Etat a mandaté son institution pour proposer un plan d’exploitation moderne et de manière rentable au profit de la population. Pour ce faire, une commission technique a été mise en place.

Le ministre de l’Agriculture a souligné, par ailleurs, que l’exploitation de cette propriété était bénéfique à certaines personnes. La population locale n’y trouvait pas beaucoup de profit.

M. Rurema a tenu à tranquilliser les agriculteurs qui ont des champs des tomates, des aubergines et des légumes qu’ils peuvent récolter les cultures. Pour ce, l’autorisation de la commission technique est obligatoire. Pour ceux qui ont des cultures industrielles dans cette propriété, notamment les palmiers à huile, les bannes et la culture de patchouli, le ministre de l’Agriculture est catégorique. Les fruits appartiennent à l’Etat et non aux agriculteurs.

Le ministre Rurema a annoncé aux agriculteurs qui œuvraient dans l’ancienne propriété de Rugofarm que la location des terres est interdite. Il a souligné que le gouvernement va bientôt proposer des mécanismes d’exploitation de ce terrain. Et il a assuré aux agriculteurs que ces mécanismes ne vont pas les appauvrir. Pourtant, les assurances du ministre n’ont pas convaincu ces agriculteurs. Pour eux, ces mécanismes ne sont pas clairs. Ils ont peur de perdre leurs lopins de terre. Ils jugent aussi la commission technique mise en place par le ministère de partiale. Elle ne compte aucun représentant des agriculteurs.

 

La société Rugofarm est une entreprise agro-industrielle située sur la colline Gabiro-Ruvyagira en commune Rugombo de la province Cibitoke. Elle a été créée en 1991 pour la promotion de l’industrie des huiles essentielles au Burundi. Elle exerce ses activités dans une propriété de 1 500 hectares achetée à la société Ruzizi en 1991. Son personnel frôle 1 300 employés. Ses principales activités sont notamment la production de l’huile de palme, la production et transformation de la culture de patchouli en huiles essentielles à partir desquelles sont fabriquées des parfums. Elle encadre aussi plus de 10 mille agriculteurs. Ses exportations annuelles des huiles essentielles sont évaluées à 2, 5 MT d’huiles. Le prix d’un litre à l’exportation est de 50 USD.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Que la compétition politique soit ouverte

Il y a deux mois, Iwacu a réalisé une analyse de l’ambiance politique avant les élections de 2020 et celles à venir en 2025. Il apparaît que la voix de l’opposition est presque éteinte. Il n’y a vraiment pas de (…)

Online Users

Total 2 345 users online