Quelles chance a la requête introduite par le Président de l’Olucome auprès des dirigeants du G8 ? N’en déplaise au chef de la diplomatie burundaise, la société civile a de plus en plus une voix au chapitre des relations internationales. Exit le monopole des Etats.
Dans leur politique de l’aide au développement, les pays occidentaux et les institutions financières internationales n’entretiennent plus de relations exclusives avec les Etats.
Constatant que l’aide au développement n’a pas empêché la faillite de l’Etat post-colonial, les pays donateurs réservent de plus en plus de place, dans leurs relations, à une nouvelle catégorie d’interlocuteurs : les Acteurs Non Etatiques (ANE), telles que la société civile et le secteur privé, sont aujourd’hui des partenaires pour compléter l’action des Etats, notamment pour améliorer la gouvernance des pays bénéficiaires de l’aide.
Appropriation, société civile, renforcement des capacités, participation, bonne gouvernance sont les maîtres mots de cette nouvelle approche depuis l’Accord de Cotonou (signé en 2000 et liant l’UE aux Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique).
C’est ainsi qu’au Burundi, par exemple, l’Union Européenne a un projet qui s’appelle Appui et Renforcement des Acteurs Non Etatiques (ARCANE). De même, dans son action, la Banque Mondiale n’oublie jamais de réserver une rubrique pour les ANEs.
Et Dieu seul sait que le G8 a ses entrées au sein de l’Union Européenne et des institutions internationales telles que la Banque Mondiale et le FMI. Et l’on peut parier que l’Olucome ne s’est pas avisé d’envoyer sa missive aux géants de la planète sans avoir préalablement sondé l’opinion.
C’est aussi la même idée à l’origine de l’attribution du statut d’observateurs à la société civile dans des organisations internationales telles que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Migrants et mauvaise gouvernance
Le flot de migrants africains partant à l’assaut des pays occidentaux n’est pas sans lien avec la situation de leurs pays origine. Car c’est la pauvreté, la violation des droits de l’homme et autres actes de mauvaise gouvernance qui les poussent à l’aventure.
Et les pays les mieux nantis sont de plus en plus convaincus que la fermeture de leurs frontières, à elle seule, ne suffit pas. La bonne gouvernance dans les pays pourvoyeurs de migrants est une autre recette. D’où les ANEs deviennent des interlocuteurs de plus en plus écoutés, du moment que ce sont des acteurs incontournables pour promouvoir la gouvernance.
Se donner bonne contenance
La requête du président de l’Olucome ne devrait pas, théoriquement, faire peur aux autorités burundaises. Mais à en croire Gabriel Rufyiri, le ministre de l’Intérieur menacerait de sanctions l’Olucome si elle ne produit pas la liste des 60 personnalités burundaises figurant dans la lettre transmise au G8.
Or, d’après le chef de la diplomatie burundaise, Augustin Nsanze, « le G8 n’est pas une organisation conventionnelle susceptible de donner suite à une correspondance comme celle du président de l’Olucome » et « le président de l’Olucome a outrepassé ses compétences en allant traiter d’Etat à Etat.»
D’où l’on peut se demander si Térence Nsanze n’a pas plutôt voulu se donner contenance, histoire de tranquilliser tous ceux qui se sentiraient visés par la requête de l’Olucome…