Mardi 05 novembre 2024

Société

Route Bujumbura-Cibitoke : Déjà en mauvais état, la population très remontée

06/11/2020 Commentaires fermés sur Route Bujumbura-Cibitoke : Déjà en mauvais état, la population très remontée
Route Bujumbura-Cibitoke : Déjà en mauvais état, la population très remontée
Sur la 5e transversale, les nids-de-poule jonchent la route.

En moins de 5 ans de la réception définitive de la RN 5 reliant Bujumbura et Cibitoke, cet axe routier s’est gravement détérioré, surtout entre Nyamitanga et la 5e transversale de la commune Buganda. L’administration provinciale et la population demandent la réhabilitation de cette route dans les plus brefs délais.

De Nyamitanga à la frontière rwandaise de Ruhwa, c’est une cinquantaine de kilomètres. Cette route multinationale a été réceptionnée, le 22 juin 2015, par le gouvernement du Burundi. Toutefois, cette route est déjà endommagée en moins de 5 ans de sa réhabilitation. La partie la plus touchée est l’axe entre Nyamitanga et la 5ème transversale de la commune Buganda. Des nids-de-poule jonchent la route sur des kilomètres. À certains endroits, les caniveaux ont été détruits par la pluie ou se sont écroulés d’eux-mêmes. Des fissures s’observent à plusieurs endroits. « A ce rythme, elle sera complètement détruite en une année », déplorent les habitants de Buganda.

Sur la 4e transversale de Nyamitanga, la situation est catastrophique. La population ne sait plus à quel saint se vouer. La buse qui canalise les eaux venant des montagnes est bouchée par la boue et le sable. Elle ne peut pas contenir la quantité d’eau qui se déverse sur la route. En cas de pluie, l’eau et autres détritus passent au-dessus de la route. « La route est débordée. L’eau et le sable s’infiltrent dans nos maisons. Nos maisons tombent comme des châteaux de sable. C’est déplorable », se lamente Janvier Gahungu, habitant de la 4e transversale Nyamitanga.

Des conséquences énormes

Certains habitants ont préféré déménager. Selon eux, le pont construit à ce niveau ne peut pas contenir l’eau. « On n’avait suggéré aux constructeurs de la route qu’il faut relever le niveau de la route et de mettre au moins 3 buses. Ils nous ont répondu que nous n’avons rien à leur apprendre en ce qui concerne la conception des routes. Et voilà le résultat».

D’après les chauffeurs qui font le transport en commun, le trajet Cibitoke-Bujumbura prenait moins d’une heure lorsque la route était en bon état. « Mais aujourd’hui, c’est environ 2 heures. » Pour eux, c’est un manque à gagner énorme. Sans parler des amortisseurs et des rotules qui se cassent à cause des nids-de-poule qui jonchent la route.

Les conducteurs parlent aussi de l’augmentation des cas d’accidents. « Pour échapper à ces nids-de-poule, nous sommes obligés de passer sur le trottoir. Parfois, on heurte des piétons ou des cyclistes. » Les parents de Buganda vivent la peur dans le ventre. « Les conducteurs roulent à vive allure alors que la route est en mauvais état. Nos enfants sont souvent heurtés en sortant de l’école. C’est une angoisse de tout le temps. »

Les usagers sont très critiques

A Nyamitanga, la route devient impraticable en cas de pluies.

Les habitants de la province Cibitoke, les usagers de cette route n’excluent pas des détournements d’argent dans la réhabilitation de cette route multinationale. « Comment expliquer cette détérioration à moins de 5 ans. La même route construite du côté du Rwanda est en bon état. Pourquoi chez nous ?» Ils s’étonnent que la route de Mabayi ou celle reliant Rugombo-Kayanza, construites du temps du régime Bagaza, soient toujours en bon état. « Le président de la République doit exiger une enquête afin de prendre des mesures drastiques contre les coupables». Pour les habitants, l’entreprise Sogea Satom doit refaire cette route.

D’après le gouverneur de la province Cibitoke, OPC1 Carême Bizoza, les conséquences sont multiples pour la province. « On s’attendait à beaucoup d’avantages mais on n’est pas du tout satisfait. Cette détérioration freine le développement attendu de la province». Pour le gouverneur, cette route doit être refaite dans les plus brefs délais. « La lumière doit être faite afin de savoir si cette route a été mal conçue ou a été abimée par les utilisateurs». Et de souligner que lors de sa réhabilitation, l’administration provinciale va beaucoup s’impliquer : « Je vais mettre sur pied une équipe de techniciens pour superviser efficacement la société qui va refaire cette route».

En avril 2020, les députés élus dans la circonscription de Cibitoke se sont également indignés de la réhabilitation de la RN5. Ces élus parlaient d’un probable détournement de fonds : « Une route goudronnée ne peut être endommagée juste après sa réhabilitation. C’est clair que les fonds destinés aux travaux ont été détournés. Les responsables doivent comparaître devant la justice. » D’autres députés ont accusé la société responsable de la réhabilitation de cette route, à savoir Sogea Satom, de n’avoir pas respecté les normes. « Les ouvrages de canalisation ont été endommagés juste après la fin des travaux, mais la société n’a rien fait».

A cette époque, le ministre des Travaux publics, Jean-Bosco Ntunzwenimana, avait indiqué que son ministère est au courant de cette situation et que des enquêtes sont en cours pour établir les responsabilités.

Dans sa conférence publique du 25 septembre 2020, le président Evariste Ndayishimiye était monté au créneau : « Le temps de badiner est révolu. J’ai demandé au gouverneur de Cibitoke d’aller avertir la société qui a construit cette route de rectifier le tir. Des sanctions ont été prévues. » Le président Ndayishimiye avait mis en garde les fonctionnaires de l’Etat et l’Agence routière du Burundi : « Les fonctionnaires de l’Etat seront tenus responsables des projets mal exécutés. »

Interrogé, Emile Ndayishimiye, le directeur de l’Agence routière du Burundi, indique que le ministre de l’Equipement a déjà écrit à l’Entreprise Sogea Satom pour demander des explications. Sans donner un délai, il a ajouté qu’une commission technique sera mise sur pied pour se pencher sur ce dossier.

Fabrice Manirakiza&Rénovat Ndabashinze

Quid du projet ?

Le projet de route Nyamitanga-Ruhwa-Ntendezi-Mwityazo, réalisé entre 2009 et 2018 entre le Burundi et le Rwanda, a été financé dans sa quasi-intégralité (98%) par le guichet concessionnel du Fonds africain de développement. Le Burundi a reçu un don de 77,5 millions de dollars américains et le Rwanda, un don de 79,4 millions de dollars. Ce projet routier entrait dans un vaste programme de mise en œuvre des politiques de développement définies dans le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Il s’articulait autour de quatre axes stratégiques entre autres la promotion d’une croissance économique durable et équitable, notamment par le développement des infrastructures d’appui à la production. Le projet a été conçu dans une vision globale de la mise en œuvre de la stratégie de développement des infrastructures régionales. C’est dans ce cadre que le Burundi et le Rwanda ont défini un programme de facilitation du Corridor Mugina- Bujumbura-Ruhwa-Ntendezi-Gisenyi, reliant le Burundi au Rwanda et à la Tanzanie. Sur ce, quelque 101 kilomètres de route, dont 51 au Burundi (Nyamitanga-Ruhwa) et 50 au Rwanda (Cyangugu-Ntendezi-Mwityazo), ont été bitumés. Un poste de contrôle unique à la frontière a été construit et équipé. 60 kilomètres de pistes rurales ont été aménagées, à part égale dans les deux pays. Au Burundi, la mise en œuvre des activités du projet a été réalisée par le ministère des Transports, des Travaux Publics, de l’Equipement et de l’Aménagement du Territoire à travers l’Office des routes et la cellule de suivi et d’exécution du projet (CSEP). Cette dernière a assuré les tâches de gestion technique, administrative, comptable, financière et organisationnelle du projet. Pour les besoins de la coordination de l’ensemble du projet au Burundi et au Rwanda, un Comité Technique de Pilotage (CTP) a été créé par les deux gouvernements.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Enrôlement des électeurs. Entre fatalisme et pessimisme

Alea jacta, les dés sont jetés. La période d’enrôlement qui avait officiellement commencé le 22 octobre a pris fin ce 31 octobre. Se faire enrôler est un devoir hautement civique et citoyen en vue de reconduire ou renouveler la classe (…)

Online Users

Total 3 421 users online