Mercredi 25 décembre 2024

Société

RN 15, la route de la mort

18/12/2018 Commentaires fermés sur RN 15, la route de la mort
RN 15, la route de la mort
Des gens attendent, sur le côté droit de la route, le passage d’une moto pour traverser.

La route Ngozi-Gitega est meurtrière. La population parle d’un accident tous les trois jours en moyenne. La police de Ngozi veut des moyens pour arrêter l’hécatombe.

Lundi 10 décembre, il est 16 heures. Nous sommes sur la RN15, la route macadamisée nouvellement construite. Aucun panneau de signalisation destiné aux usagers de la route. Le trafic est important, c’est une route très fréquentée.

Il y a des piétons, ceux qui se déplacent à vélo ou à moto, parfois à plus de trois sur l’engin, d’autres sont à bord des bus ou voitures privées.

Des bananes crues ou mûres, du maïs, du bois, du charbon, des vivres, sont transportés sur cet axe.

A presque 2km de la ville de Ngozi, se trouve une succession de longs virages distants d’au moins 50m.

A 3km, c’est un centre communément appelé «  ku basuguti », sur la pente de la colline de Gisagara, on rencontre une foule nombreuse, de part et d’autres, de petites boutiques, de bistrots qui propose de la bière locale, vendeurs d’arachides et du maïs cru et grillé.

Deux femmes veulent traverser vers l’autre bout de la route. Une moto roule à grande vitesse transportant 3 personnes. Ces femmes hésitent, l’une d’entre elles, vêtue de pagnes rougeâtres porte un bébé et crie éperdument à son amie« Attention ! Il déboule, ne nous suicidons pas cette route ne cesse pas d’endeuiller les familles ». L’une raconte qu’un enfant de son voisin s’est fait heurter par un vélo, blessé, il est encore convalescent. « Il y a au moins un accident tous les trois jours.»
Il y a quelques jours, un accident a coûté la vie à un père et son fils, témoigne un jeune homme, lui-même en a réchappé de justesse. «Les policiers se précipitent pour faire le constat de l’accident au lieu de le prévenir », déplore ce jeune homme.

La population pense même que cet endroit serait maudit au regard de tous ces accidents. « Nos enfants vont à l’école sans espoir de revenir »,  soutient un sexagénaire, sous couvert d’anonymat, dans son costume blanc.

Selon ces habitants, l’absence des dos-d’âne pour ralentir la vitesse des conducteurs, explique tous ces accidents. Par ailleurs des motards conduisent le moteur éteint ce qui empêche les passants d’entendre le bruit du véhicule pour s’écarter. Ils y a aussi les vélos qui n’ont pas de feux pour l’éclairage, mais aussi des sonnettes pour aviser les gens.
Jean Paul Nyamibara, chef de colline Gisagara abonde dans le même sens.

Il indique que les premières victimes sont des enfants qui vont ou reviennent de l’école. « Les piétons qui traversent la route sans prendre des précautions sont en danger. On ne se rend pas compte de l’arrivée subite du véhicule à cause du long virage proche. Nous avons beaucoup de blessés», se lamente-t-il.

Pour M. Nyamibara, pour protéger la population, Il est important de mettre des panneaux de signalisation sur la route, mais aussi des pancartes surtout à l’école fondamentale Camugani qui se trouve sur cette même colline. Par la même occasion, il lance un appel vibrant aux autorités compétentes pour se saisir de l’affaire.

Une situation déplorable qu’il faut maîtriser

OPJ Emile Sindayihebura : « Nous faisons des contrôles routiers au quotidien, mais des récalcitrants nous échappent.»

Selon Emile Sindayihebura, l’officier de police judiciaire chargé de la sécurité routière à Ngozi, le cri d’alarme de la population est justifié car c’est l’une des routes qui enregistre un nombre record des cas d’accident. Si on s’en tient à des chiffres officiels seulement, depuis le début de l’année, 10 accidents ont été enregistrés faisant 3 morts et 7 blessés, sans oublier les véhicules endommagés.

Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité .M. Sindayihebura explique qu’il y a en effet beaucoup cas d’accident qui passent inaperçus. « Des cas se règlent à l’amiable sans que la police intervienne », précise-t-il.

Cet officier met en lumière une série de causes de ces accidents : l’excès de vitesse, l’ivresse au volant, l’ignorance du Code de la route, l’état de vétusté des véhicules qui fait que le système de freinage ou de vitesse soit défectueux, etc. A tout cela s’ajoutent les manœuvres dangereuses, les dépassements dangereux, sans respecter de la priorité ou des endroits interdits comme les tournants.

Pour y faire face, des mesures doivent être prises. Malheureusement, sur une pente ou dans un virage les dos-d’âne ne sont pas possibles. «  Nous faisons des contrôles routiers au quotidien, mais des récalcitrants nous en échappent. Nous continuons à expliquer aux conducteurs pour qu’ils s’approprient le Code de la route ».

M. Sindayihebura déplore que le Code de la route lui-même présente des lacunes. Il mérite d’être révisé car il y a des articles qui ne sont pas efficaces. A titre d’exemple, celui qui prend un passager de trop par rapport aux places disponibles, doit payer une amende de 5000 BIF. Celui qui en prend 5 passagers aussi. Il n’est pas prévu de sanction pour punir le transport non autorisé dans un véhicule qui n’est pas conçu à cet effet, comme les Bennes par exemple.

Pour lui, le secteur de la sécurité routière fait face à des multiples défis. « Nous manquons d’alcootest, un instrument pour mesurer le taux d’alcool d’un conducteur pour confirmer son état d’ivresse ». Pour la police, il ne s’agit pas seulement de dire que le chauffeur est ivre. Il faut encore le prouver.

Il en est de même pour l’excès de vitesse, la police n’a pas d’appareil, l’EUROLASAR, qui permet de déterminer sans équivoque l’excès de vitesse même à partir de 500m.

Enfin, il lance un appel au gouvernement pour organiser des formations à la conduite « Il a été constaté que beaucoup de chauffeurs sont des jeunes diplômés, sans emploi, qui, malheureusement, qui se lancent dans le transport sans savoir bien conduire».

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