Les travaux de canalisation de la rivière Gasenyi sont en cours mais l’ampleur des dégâts causés décourage les riverains. Trois maisons ont été déjà détruites et plusieurs parcelles de terre ont été déjà emportées. Les riverains plaident pour que les travaux se fassent rapidement avant la grande saison des pluies prochaine.
Il est samedi vers 14h, le 1er février 2025 près de la rivière Gasenyi séparant Gahahe et Gatunguru dans la commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura. Les travaux de canalisation de la rivière Gasenyi sont en cours. Un conducteur d’engins est en train de manipuler une pelle hydraulique en enlevant les pierres, le ciment et les fers à béton des anciennes canalisations de la rivière. Des ouvriers sont en train de déplacer de grosses pierres qui vont tapisser le lit de la rivière.
Les travaux se font en aval de la rivière et une partie a été déjà bétonnée. Elle est entourée de panneaux en bois. Pour que les ouvriers puissent avoir une zone de travail, le cours d’eau a été dévié de son chemin habituel. Il se remarque des maisons déjà écroulées et une partie des bords des rives qui s’est effondrée. Les riverains se plaignent de la lenteur des travaux.
Des pertes énormes
Des habitants font face à des pertes énormes. Pour certains, leurs maisons se sont effondrées. Ils sont devenus du jour au lendemain des sans-abris. Pour d’autres, ils ont perdu leurs moyens de subsistance.
L’un d’entre eux, Audace Bigirimana est assis, triste, dans les ruines de son ancienne maison avec ses six enfants. Il ne reste qu’un pan de mur de son ancienne habitation. Il raconte la genèse de son malheur. « J’ai acheté cette parcelle en 2012. Cette rivière n’était qu’un petit ruisseau qu’on pouvait facilement enjamber. Ce cours d’eau s’est agrandi avec les inondations de 2014. Ils ont alors fait des constructions pour protéger les rives et c’est comme ça que ma parcelle a commencé à être réduite. C’est en 2018 qu’ils ont fait dévier le cours d’eau près de ma parcelle mais ces constructions n’ont pas tenu. », ajoute-t-il.
Il fait savoir qu’au cours de l’année 2024, les agents de l’Obuha (Office burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction) sont revenus reconstruire et ils ont décidé de faire la canalisation dans sa parcelle. « C’est cela la racine de tous mes problèmes. J’avais acheté cette parcelle à 620 000 FBu. Ma parcelle s’étendait jusque de l’autre côté de la rivière. Il ne me reste plus que ce petit lopin de terre. Ce sont ces travaux de canalisation qui ont fait diminuer ma parcelle. ».
En outre, il signale que l’Obuha lui avait intimé l’ordre de démolir sa maison. Il dit n’avoir pas pu obtempérer puisqu’ils n’avaient aucun autre endroit où aller. « Donc, ils ont fait dévier la rivière tout près de ma maison pour pouvoir avoir un espace où travailler. Quand la rivière a débordé le 25 décembre de l’année passée, les eaux de la rivière ont envahi ma maison, Celle-ci a été détruite. Maintenant, je n’ai plus d’habitation. Je n’ai ni du travail ni les moyens d’aller louer ailleurs une maison. J’ai pris la décision de construire un abri de fortune. Jusqu’à maintenant je ne sais pas où je vais aller avec mes enfants », se plaint-il.
Lui et sa famille vivent alors de façon misérable. En effet, leurs lits, leurs vêtements et leurs ustensiles de cuisine ont été emportés par la rivière quand il y a eu inondation. Il aimerait qu’on puisse lui redonner une autre parcelle pour qu’il puisse y construire sa maison.
La population était avertie
Selon le chef de chantier en charge de la canalisation de la rivière Gasenyi, les maisons qui ont été détruites sont celles se trouvant dans un espace de 5 m à partir des bords de la rivière. « Nous avons prévenu la population environnante de démolir leurs maisons tôt pour qu’elle puisse récupérer quelque chose comme les briques et les tôles. Mais, les gens n’ont pas tenu compte de nos avertissements. », indique-t-il. Il ajoute qu’ils devaient faire dévier la rivière de ce côté pour pouvoir bétonner le lit habituel de la rivière.
Il fait savoir que c’est l’administrateur qui a donné la permission à l’Obuha d’exploiter 5 m de chaque côté de la rivière pour qu’il puisse avoir une zone de travail. « Si on a cette zone de travail, la personne n’est pas obligée de démolir. Il peut arriver qu’une personne n’ait nulle part où aller. Mais, on nous a dit de chercher un espace pour pouvoir bien faire ces canalisations. Donc, le problème est que ces personnes sont allées acheter des parcelles et construire en oubliant le fait qu’elles devaient au moins laisser un espace de 5 m à partir de la rivière », justifie-t-il.
Il signale que même jusqu’aujourd’hui, des personnes continuent à construire alors que cela leur a été interdit. « Il y a des maisons en chantier tout près de la rive. La question qui se pose est de savoir pourquoi les administratifs permettent à la population de construire dans un espace qui appartient à l’Etat », dit-il.
Sur la question de l’indemnisation de ceux qui ont vu leurs maisons s’écrouler, il a fait savoir que cela n’est pas possible puisqu’ils sont dans l’espace réservé à l’Etat.
Une peur permanente
Des riverains se plaignent de la lenteur des travaux. Selon eux, ils risquent de se retrouver tous sans abri si les travaux de canalisation de la rivière Gasenyi ne sont pas faits rapidement. Ils plaident pour une reprise des travaux avec un rythme accéléré. « Maintenant, si la saison des pluies arrive, on a peur que toutes nos maisons s’écroulent et nous avec car les ouvriers peuvent passer un mois sans travailler », souligne en effet une femme ayant une maison près de cette rivière. Et d’espérer que si les agents de l’Obuha travaillent rapidement, des maisons pourraient ne pas être détruites par les eaux de cette rivière.
Un homme tout près d’elle témoigne que « depuis la grande saison sèche de l’année passée qu’ils travaillent dans cet endroit précis sans grand avancement. Ils font les travaux, arrêtent cela et puis reprennent. Et on a toujours peur que les travaux s’arrêtent momentanément sans avoir terminé cette canalisation. »
Il ajoute que les gens qui possèdent des maisons près de la rivière courent un grand danger. « Quand la nuit tombe et qu’il pleut, on entend les bords du ravin descendre. On ne dort pas. On a toujours peur d’être emportés par les eaux de cette rivière. Surtout nous qui sommes du côté où ils ont fait dévier la rivière », narre-t-il tout en reconnaissant que les agents de l’Obuha leur avaient demandé de déménager et de vendre leurs parcelles. Selon ces agents, après 5 ans, le ravin va encore s’agrandir et les maisons vont s’écrouler.
Sur la question de la lenteur dans les travaux de canalisation, le chef de chantier fait savoir que cela est dû à la conjoncture actuelle, à savoir la carence des carburants. « Si nous n’avons pas de carburant, nous ne travaillons pas. Cette pelle hydraulique que nous utilisons pour enlever les anciens matériaux du lit de la rivière et l’entreposage consomme 160 l par jour. », explique-t-il.
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