Je ne suis pas naïf, je ne crois pas que l’ Accord d’Arusha était une panacée. Non. Mais 18 ans après sa signature, il me semble important de s’arrêter sur quelques enseignements essentiels.
D’abord, un poncif. Presque tous les conflits finissent autour d’une table de négociation. A moins qu’une des parties au conflit prenne totalement le dessus. Et même dans ce cas, le vainqueur, s’il est clairvoyant, propose « une paix des braves » pour ne pas réalimenter un nouveau cycle de conflits. Des exemples existent.
Revenons sur « notre Arusha ». Un petit rappel. En fait, bien avant la célèbre signature, les lignes avaient commencé à bouger dès 1988 après les événements de Ntega-Marangara.
Une approche, certes timide, pour trouver une solution au conflit burundais latent avait commencé. Souvenons-nous de ces quelques mesures que certains qualifiaient de « cosmétiques » : la Charte de l’unité nationale, la mise en place d’un gouvernement dit de « l’unité », etc.
C’est à Arusha en juin 1998 que les choses sérieuses ont commencé. Il a fallu deux ans et demi pour conclure l’accord de paix. Le processus ne s’est pas limité seulement à la négociation de l’accord de paix d’Arusha. Il y a eu des négociations avec le CNDD-FDD pour l’accord de novembre 2003, mais aussi des pourparlers entre le gouvernement et le Palipehutu-FNL. Au total, depuis le début des négociations à Arusha en juin 1998, et la conclusion de l’accord avec le FNL en avril 2008, le processus a duré au total 10 ans !
Quelles que soient les imperfections de cet accord, force est de constater qu’il a permis de négocier la fin de la violence. Mieux, à Arusha, les Burundais ont tenté de réinventer un vivre-ensemble, un système de partage du pouvoir qui donne la place aux représentants de toutes les communautés. C’était une avancée importante.
Ainsi, sur le plan de la sécurité, il y a eu la représentativité égale des Hutu et des Tutsi dans les institutions de sécurité. Dans d’autres secteurs sensibles (justice notamment) et l’administration, l’accord d’Arusha a introduit des réformes vers un système plus équilibré, en termes de représentativité des communautés.
La fin d’une culture
Arusha avait eu une autre vertu: la culture de dialogue. Les Burundais ont défini leur conflit: « un conflit politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes. » Difficilement, par le dialogue, ils sont arrivés à des compromis qui passent par le partage du pouvoir et la protection des minorités. L’accord n’était pas une « bible », les Burundais pouvaient bien sûr y apporter des amendements constructifs. C’était un socle, perfectible.
Dix ans après la signature de l’accord de paix, le 28 août 2000, que reste-t-il d’Arusha ? Il y a quelques années, une des personnalités qui a négocié l’accord me disait : « Le contenu de l’Accord d’Arusha va-t-il survivre à l’épreuve du temps ? Demain, les politiciens ne seront-ils pas tentés, pour des raisons politiques ou politiciennes, de manipuler tout cela et sortir de ce compromis historique ? »
J’ai peur que c’est déjà fait. Une « feuille de route » pour les élections de 2020 a été adoptée de façon unilatérale. Au moment où j’écris ces lignes, une CENI vient d’être mise en place sans l’opposition.
Finalement à quoi servira ce « dernier round du dialogue inter burundais » que l’on nous annonce ? Pour dialoguer sur quoi ? Tout est écrit. Il était une fois Arusha… L’esprit d’Arusha semble bien mort. RIP. A moins d’un miracle…