M. Pierre Claver Ndayicariye a mis le pari sur le travail de mémoire et de deuil pour les victimes des massacres interethniques durant une assemblée de présentation des projets de la CVR tenue dans les locaux de la Croix-Rouge de la Zone Ngagara. La gestion des restes humains enterrés dans des fosses communes à l’ex-marché de Kamenge était au centre des échanges.
Répondant à la question soulevée par un élu collinaire de Kamenge concernant la préparation psychologique des victimes à la découverte des restes de leurs proches disparus, le président de la CVR a avancé que le pays ne dispose pas de moyens pour mettre en place des cellules de prise en charge psychologique à l’image de ce qui se pratique dans les pays développés. Il a privilégié la piste de cérémonies cathartiques en hommage à toutes les victimes des massacres successifs ayant endeuillé le Burundi dans le passé: «Pleurons nos morts pour soulager nos cœurs blessés».
«Nous ne sommes que trois à avoir survécu dans notre famille»
Sylvie*, habitante de Kamenge, pagne bleu noué autour de la tête, a témoigné qu’elle a perdu la quasi-totalité de tous les membres de sa famille lors de carnages de civils à Kamenge en 1994 par l’armée nationale de l’époque. Elle était venue accompagnée de ses deux sœurs qui, a-t-elle tenu à préciser avec un léger trémolo dans la voix, sont les seuls membres survivants de sa famille. Elle a demandé aux dirigeants de la CVR de procéder elle-même aux exhumations sans nécessairement faire appel aux familles des disparus qui, pour une bonne part d’entre elles, ont été entièrement décimées.
Immaculée*, écharpe rose nouée autour de la poitrine, a proposé l’érection de monuments en mémoire des victimes des tueries à proximité de tous les lieux susceptibles d’abriter des restes humains.
Ces suggestions, comme un certain nombre d’autres avancées par d’autres participants à l’assemblée dans la salle, ont reçu l’approbation de M. Ndayicariye qui a promis d’en tenir compte dans l’élaboration du futur plan d’action de la CVR.
Enfin, cette phrase du patron de la CVR a fait sensation dans la salle: «Enterrer dignement ses morts et leur rendre hommage, c’est s’éviter la malédiction divine».
*: Nom d’emprunt