Mise en place controversée du dispositif électoral ; éviction d’Agathon Rwasa à la tête du CNL ; processus d’enrôlement des électeurs aux « obligations » ; naissance d’une nouvelle coalition politique ; regain de tensions entre Gitega et Kigali ; … Iwacu vous propose une palette de grands événements politiques qui ont défrayé la chronique pour l’année 2024.
Alors que les élections parlementaires et locales sont fixées en 2025, l’année 2024 aura été celle de la mise en place du dispositif électoral. En effet, le 9 avril 2024, l’Assemblée nationale du Burundi a voté la révision du projet de loi organique portant Code électoral concocté par le ministère de l’Intérieur. Ainsi, de grandes innovations ont été apportées dans ce nouveau Code électoral. Il s’agit principalement de la revue à la hausse de la caution des candidats.
Elle est de deux cent mille francs burundais pour la candidature aux postes de conseillers communaux (article 185 alinéa 3), de deux millions pour les candidats sénateurs (article 166 alinéa 1) et députés (article 135 alinéa 1). Cette caution est de cent millions pour les candidats présidents (article 104 alinéa 1).
Ces grandes modifications apportées ont suscité des réactions outrées au sein de la classe politique et de la société civile burundaise qui ont dénoncé « un texte discriminatoire et qui durcit les conditions de participation aux prochaines élections ». Elles ont également décrié « le caractère unilatéral » qui a entouré le processus d’élaboration de ce code.
Martin Niteretse, ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique a indiqué que c’est pour notamment « limiter les déclarations de candidatures fantaisistes pour les élections ».
Au niveau toujours du dispositif électoral, la mise en place des démembrements de la Ceni a fait également des émules dans l’opinion. Du 8 au 12 juillet 2024, la Commission a procédé à la présentation des membres des Commissions électorales provinciales indépendantes (Cepi) selon le nouveau découpage administratif et territorial. Aussitôt, les polémiques et critiques n’ont pas cessé de monter. Au moment où la Ceni avait rassuré que la mise en place de ses démembrements « est équilibrée », certains politiques ont décrié plutôt « une surreprésentation du parti au pouvoir et de ses acolytes », tandis que d’autres ont été « satisfaits ».
L’absence des membres de l’Église catholique dans les démembrements de la Ceni a fait aussi objet de nombreuses réactions. Mgr Bonaventure Nahimana, archevêque de Gitega et président de la Conférence des évêques catholiques du Burundi, Cecab a donné trois principales raisons expliquant ce « désengagement » de l’Église catholique au sein des organes de gestion électorale (OGEs). « Premièrement, c’est un travail très engageant pour des curés de paroisses déjà suffisamment occupés. Deuxièmement, la mission d’observation est mieux indiquée pour l’Église en raison de sa neutralité. Et enfin, il y a l’expérience de 2015 où la Cecab a dû retirer ses membres ».
Une autre chose : l’annonce du calendrier électoral 2025 le mardi 15 octobre 2024 par la Ceni. Des critiques sur les délais de dépôt des candidatures n’ont pas tardé à fuser.
Eviction d’Agathon Rwasa: un séisme politique pour l’opposition
Agathon Rwasa, figure de l’opposition au Burundi, a été destitué de la présidence du Congrès national pour la liberté, CNL. Tout remonte à la crise du leadership dans ce principal parti de l’opposition qui l’a secoué depuis pratiquement 2023. Dans sa lettre du 2 juin 2024, le ministre burundais de l’Intérieur, Martin Niteretse, a annoncé la suspension, sur tout le territoire national, des activités organisées par « les organes irrégulièrement mis en place ».
Cette décision est tombée au lendemain de la tenue d’un congrès extraordinaire du 30 avril 2024 où une nouvelle équipe du Bureau politique a été désignée.
La situation a pris une autre tournure en mars 2024. Alors qu’Agathon Rwasa était à l’extérieur du pays, il s’est tenu le dimanche 10 mars 2024, à Ngozi, un congrès extraordinaire du CNL convoqué par le groupe des dix militants opposés à son leadership. Ses fidèles n’ont pas été non plus autorisés à prendre part à cette rencontre sous haute surveillance et facilitée par les pouvoirs publics
À l’issue de ce congrès, Nestor Girukwishaka, jusque-là membre du Bureau central, a été désigné comme nouveau leader. Qualifié de pseudo-congrès par Agathon Rwasa et ses partisans, ces derniers ont également dénoncé l’implication du pouvoir dans cette grand-messe.
Le ministre Niteretse a fait savoir, le lundi 18 mars 2024, qu’il prend acte du procès-verbal du congrès extraordinaire tenu à Ngozi le 10 mars et de ses résultats.
Plusieurs politiciens, organisations nationales, régionales et internationales, à la rescousse d’Agathon Rwasa, ont tiré la sonnette d’alarme sur la détérioration de la situation des droits de l’Homme et des libertés civiles au Burundi. Des spécialistes des partis politiques et des élections ainsi que d’autres observateurs de la scène politique burundaise ont montré que la destitution de Rwasa à la présidence du CNL manifeste la volonté du CNDD-FDD d’écarter d’autres concurrents de taille pour se présenter en solo aux prochaines élections, consacrant ainsi un « recul démocratique ». Ce que le parti au pouvoir a continué à rejeter en bloc.
Un processus d’enrôlement des électeurs aux « obligations »
En vue de la constitution d’un fichier électoral pour les prochaines élections de 2025, l’enrôlement des électeurs a eu lieu au Burundi du 22 au 31 octobre 2024. Par moment, des gens ont été empêchés d’accéder à certains services ou d’obtenir des documents administratifs. Exhiber au préalable un récépissé attestant leur enregistrement au rôle d’électeurs était une condition sine qua non. Le ministre de l’Intérieur a reconnu les faits tout en précisant qu’il s’agit des mesures « incitatives » face à la faible affluence à l’inscription. Pourtant, les chiffres fournis par la Ceni étaient « satisfaisants ». Cette situation a soulevé des questionnements au sein de l’opinion. Nombre de politiciens ont fortement critiqué cette approche du gouvernement. Selon eux, le fait d’obliger la population à se faire enregistrer est une « violation de la loi ».
Stef Vandeginste, constitutionnaliste belge et chercheur à l’Université d’Anvers qui suit de près la situation politique burundaise et surtout les élections dans ce pays a observé que le Burundi étant un pays où le vote n’est pas obligatoire, un encouragement ne devrait pas se transformer en menaces ni en obligations avec sanctions.
Burundi Bwa Bose : un nouveau venu sur l’arène politique
En lice pour les élections parlementaires et locales de 2025, une nouvelle coalition de l’opposition a récemment vu le jour et a été reconnue officiellement. Le 13 décembre 2024, quatre formations politiques d’opposition ont en effet déclaré au ministère de l’Intérieur la création d’une coalition dénommée « Burundi Bwa Bose ». Dans un communiqué rendu public dans l’après-midi du même jour, les initiateurs de cette alliance ont annoncé qu’elle est mise sur pied pour « conduire le pays vers un avenir radieux ».
Les locomotives de cette plateforme sont le Front pour la démocratie au Burundi, Frodebu ; le Conseil pour la démocratie et le développement durable du Burundi, Codebu iragi rya Ndadaye ; le Conseil national pour la défense de la démocratie, CNDD et le FDES-Sangira.
Dans sa correspondance du 17 décembre 2024, Martin Niteretse a pris acte de l’établissement de la coalition « Burundi Bwa Bose ». C’était consécutif à une correspondance lui adressée par Patrick Nkurunziza, président de la coalition, le 13 décembre 2024.
Crise diplomatique rwando-burundaise
Malgré les ingrédients du réchauffement des relations bilatérales entre le Burundi et le Rwanda constatés en 2023 suite notamment à la rencontre, tête-à-tête, du président burundais Evariste Ndayishimiye et son homologue rwandais, Paul Kagame, la situation s’est détériorée au début de l’année 2024.
Le jeudi 11 janvier 2024, après des mois de tractations et d’incertitudes, le ministre burundais de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire a en effet annoncé la fermeture des frontières terrestres entre le Burundi et le Rwanda. Cette information a filtré lors d’une réunion à Kayanza que le ministre tenait à l’endroit des administratifs.
En novembre dernier, les relations entre le Burundi et le Rwanda ont semblé connaître un léger dégel. Du moment que l’une des conditions posées par le Burundi pour pouvoir rouvrir les frontières est l’extradition des présumés putschistes, James Kabarebe, secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères du Rwanda chargé des relations avec les pays voisins a souligné la disposition de Kigali à remettre ces individus aux autorités burundaises. Mais sous une condition : « Kigali est prêt à remettre les putschistes aux mains des autorités burundaises à condition qu’un garant tiers s’engage formellement à protéger ces individus afin d’exonérer le Rwanda de toute responsabilité quant à leur sécurité une fois extradés ».
L’Union européenne a prolongé les sanctions contre le Burundi
Le Conseil de l’Union européenne a décidé, le 21 octobre 2024, de reconduire pour une année supplémentaire les sanctions imposées au Burundi en raison de la situation préoccupante des droits de l’Homme.
Ces mesures resteront en vigueur jusqu’au 31 octobre 2025. Elles visent à punir les personnes et les entités impliquées dans des atteintes aux droits humains ou dans les violations du droit international humanitaire : « Sur la base d’un réexamen de la décision (PESC) 2015/1763, il convient de proroger les mesures restrictives qui y sont énoncées jusqu’au 31 octobre 2025 », lit-on dans le communique du conseil signé le lundi 21 octobre 2024 à Luxembourg.
Les premières sanctions ont été instaurées en 2015, ciblant quatre personnalités accusées d’entraver les efforts de résolution politique. Depuis, l’Union européenne a régulièrement révisé ces restrictions, retirant, par exemple, trois noms de la liste en octobre 2022 lors de la dernière actualisation.
Ré-inhumation de l’ancien président Buyoya dans sa terre natale
C’est le mercredi 17 juillet 2024 que les cérémonies de ré-inhumation de l’ancien président du Burundi, Pierre Buyoya ont été organisées à Rutovu au Sud du Burundi dans un cadre familial. Le matin, le cortège funéraire a pris la RN7 vers la Source du Nil, un ultime voyage pour cet ancien chef d’Etat.
Décédé le 17 décembre 2020 à Paris suite au Covid-19 et inhumé temporairement à Bamako au Mali, sa dépouille a été rapatriée au Burundi le mardi 16 juillet 2024.
Les efforts de sa famille et surtout de son fils, Olivier Buyoya, aujourd’hui haut fonctionnaire international, auprès des autorités burundaises ont fini par payer.
Afin de respecter les dernières volontés du défunt, souligne une note publiée par les proches de cet ancien chef d’Etat, « la famille a demandé et obtenu des autorités burundaises l’autorisation de rapatrier et de ré-inhumer sa dépouille dans son pays natal dans la stricte intimité familiale » à Rutovu, sa commune natale.
Signalons que l’ancien Numéro Un burundais venait de démissionner de son poste de Haut représentant de l’UA au Mali et au Sahel pour se consacrer à sa défense après sa condamnation à perpétuité par contumace.
C’est dans l’affaire de l’assassinat du président Melchior Ndadaye, le 21 octobre 1993. Il a toujours clamé son innocence dans ce dossier.
L’intolérance politique a monté d’un cran
L’année 2024 aura été marquée, au niveau des relations inter partisanes, par des cas d’intolérance tous azimuts. Arrestations et emprisonnements ; refus d’implanter des drapeaux et de tenir des réunions ; vol de drapeaux ; messages d’intimidation, actes de vandalisme des permanences : … Ce sont quelques-uns des cas d’intolérance politique qui ont marqué l’année.
« Pour avoir organisé une réunion illégale du parti CNL », Jean-Marie Ngendahayo, André Ndereyimana, Egide Ngomiraganje, Lazard Sindotuma, Dieudonné Kwizera et Gratien Gwire, tous des pro Rwasa, ont été conduits le 14 novembre 2024, dans la prison de Ruyigi. Interrogé sur ces arrestations, l’administrateur de la commune Kinyinya, Fulgence Kwizera a botté en touche : « L’administrateur ne peut pas emprisonner une personne. Il faut chercher du côté de la police ».
Au lendemain de la tenue du congrès extraordinaire tenu à Ngozi, le dimanche 10 mars 2024, plusieurs militants pro Rwasa, à travers tout le pays, ont été arrêtés et emprisonnés. C’est le cas notamment de Jacqueline Uwizeyimana, surnommée Hafsa, jusque-là responsable du parti CNL dans la nouvelle circonscription de Buhumuza et d’Agnès Nibirantije, présidente des femmes inyankamugayo de la province de Kayanza. Elles seront libérées dans l’après-midi de vendredi 29 mars 2024.
À Butembe, en commune Mpanda de la province de Bubanza, la Permanence du parti Sahwanya-Frodebu a été vandalisée le 9 novembre 2024. À deux reprises, la permanence du parti Sahwanya-Frodebu dans la zone Mitakataka de la nouvelle commune Bubanza a été vandalisée. Le dernier cas en date, c’était le mardi 6 août 2024. Sur la colline Mugina, zone Buseruko, commune Mugina en province de Cibitoke, il a été refusé au parti Sahwanya-Frodebu d’implanter un drapeau dans cette localité.
« Trois drapeaux ont été volés dans la province de Rumonge par des personnes non encore identifiées ». D’autres cas de vol de drapeaux ont été signalés dans la province de Kayanza et dans la mairie de Bujumbura, en zone urbaines de Gihosha et Ngagara.
Le président du parti Conseil des patriotes (CDP), a dénoncé les agissements de l’administrateur de la commune Vugizo, en province de Makamba pour avoir perturbé la réunion dudit parti prévu le dimanche 7 juillet 2024 dans la même commune.
Dans un procès en urgence, le Tribunal de grande instance de Makamba a condamné, le mardi 17 décembre 2024, deux représentants du parti CDP dans la commune Mabanda à deux ans de prison. Antoine Mbaririmbanyi et Fabien Nijimbere sont accusés d’« avoir subtilisé les documents électoraux des voisins les empêchant ainsi de participer aux prochaines élections ».
Visite de l’ambassadeur belge au Burundi aux différents médias
La fin de l’année 2024 a été aussi une occasion pour Michael Wimmer, ambassadeur du Royaume de Belgique au Burundi de découvrir les rédactions des médias burundais. Le mercredi 11 décembre 2024, l’ambassadeur a été reçu par la Rédaction du journal Iwacu. Cela a été une occasion pour lui de poser quelques questions en rapport avec l’état des relations belgo-burundaises.
Depuis quand ndikuriyo est devenu porte parole du gvt? la porte parole du gvt est attribuée à une personne désignée,ndikuriyo est perçu comme une usurpation de fonction,cela montre un signe de désorganisation,manque de respect pour les institutions.