En 2024, la situation des médias au Burundi a suscité de nombreuses discussions et analyses. Bien que certaines avancées aient été enregistrées, le climat reste marqué par des restrictions et des pratiques qui soulignent la fragilité des libertés de la presse dans le pays. Retour sur une année mouvementée pour les professionnels des médias et les instances réglementaires.
En 2024, le Burundi a progressé au classement mondial de la liberté de la presse en se hissant au 108ᵉ rang sur 180 pays, avec un score de 51,78 points. Cette avancée, bien que modeste, contraste avec la 114e place occupée en 2023, où le pays avait enregistré un score de 52,14 points. Cette progression témoigne d’un certain effort de l’administration du président Évariste Ndayishimiye, qui, dès le début de son mandat, avait lancé un appel à une collaboration accrue entre le gouvernement et les médias avec son célèbre slogan « Never without media ». Cependant, cette lueur d’espoir reste voilée par des réalités persistantes de répression.
Près de cinq ans après la promulgation de la loi n°1/19 du 11 septembre 2018 régissant la presse au Burundi, les débats autour de cette réglementation se sont poursuivis. En 2024, la ministre en charge des médias, Léocadie Ndacayisaba, a plaidé pour une révision de certaines dispositions de cette loi afin d’adapter le cadre légal à l’évolution du métier et de renforcer une culture démocratique basée sur une presse libre et indépendante.
Les principales modifications proposées incluent la reconnaissance des radios communautaires et des spécificités liées à leur fonctionnement, la prise en compte de la presse en ligne – un domaine totalement absent de la loi de 2018 – et l’élargissement des droits et devoirs des journalistes. Cependant, ces efforts se heurtent à des réalités difficiles : bon nombre de médias enregistrés auprès du Conseil national de la communication (CNC) emploient des journalistes sans contrat de travail ni rémunération décente, une situation qui nuit à la professionnalisation du secteur.
La question de la dépénalisation des délits de presse
Un autre point notable en 2024 a été le débat sur la dépénalisation partielle des délits de presse. Contrairement à la loi de 2013 qui avait remplacé les peines de prison par des amendes pour les infractions commises par voie de presse, les lois de 2015 et 2018 avaient réintégré les sanctions pénales. Le projet de loi actuel propose une dépénalisation partielle pour des délits tels que l’injure ou l’imputation dommageable, à condition qu’ils soient commis de bonne foi. Les amendes prévues varient entre 500000 et 1500000 Fbu, ce qui reste un sujet de controverse au sein de la communauté journalistique.
À l’approche des échéances électorales de 2025, le CNC a également adopté un code de conduite des médias en période électorale, suscitant de vives critiques. Ce texte, préparé de manière unilatérale, impose des restrictions strictes, notamment l’interdiction de publier des résultats partiels sans l’approbation de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Plusieurs journalistes se sont interrogés sur la manière de rapporter les événements sans enfreindre ces règles, tandis que d’autres ont déploré le manque de concertation dans l’élaboration du texte.
Malgré les discours officiels en faveur d’une presse libre, plusieurs événements en 2024 ont illustré la persistance de la répression. La libération de Floriane Irangabiye, après plus de deux ans de détention, a été perçue comme une mesure bienvenue, mais tardive. Arrêtée en 2022 et condamnée à dix ans de prison pour avoir critiqué le gouvernement, sa détention avait été qualifiée d’injuste par plusieurs organisations de défense des droits humains.
En revanche, d’autres journalistes ont été victimes de mesures répressives. Sandra Muhoza, accusée d’ « atteinte à l’intégrité du territoire national » et d’« aversion raciale » pour des commentaires partagés sur WhatsApp, a été condamnée à 21 mois de prison. Le verdict rendu le 16 décembre contre Sandra Muhoza a été perçu par son avocat comme une injustice flagrante.
Le siège du journal Iwacu a été la cible d’une attaque dans la nuit du 25 juin, lorsque des jets de pierres ont été lancés depuis les parcelles voisines. L’assaut a commencé dans la nuit de lundi à mardi et s’est intensifié vers minuit, ne cessant que vers 2 heures du matin. La police a dû intervenir pour mettre fin à l’attaque.
Cet incident s’ajoute à une série d’autres attaques contre les journalistes. Par exemple, le journaliste Pascal Ntakirutimana, chef du service politique à Iwacu, a été victime d’une tentative de kidnapping par des personnes en uniforme de police le 5 juin 2024. De plus, le correspondant d’Iwacu à Gitega, Jean-Noël Manirakiza, a été passé à tabac le 23 mai.
Le journaliste Pantaléon Ntakarutimana, correspondant du magazine Jimbere et de la radio Indundi Culture, a été placé en garde à vue le 13 juillet pendant deux jours à la commune Bweru, à l’est du pays, avant d’être relâché.
Un autre exemple de la répression contre les médias a été l’arrestation le 30 juin du correspondant de la Radio-Télévision Isanganiro à Gitega, Gérard Nibigira. Ce dernier a été molesté et arrêté par le commissaire communal de la police, avant d’être conduit au commissariat provincial, où il a été privé de liberté pendant plus de trois heures.
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