Condamnation à perpétuité de l’ancien Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni ; libération de la journaliste Floriane Irangabiye, d’un côté, et condamnation de la journaliste Sandra Muhoza, de l’autre ; plus de 5 mille prisonniers graciés, … Tels sont, entre autres, les points qui ont marqué l’année 2024.
La Cour Suprême a confirmé, le 27 juin 2024, la condamnation à la prison à vie de l’ancien Premier ministre, le général Alain-Guillaume Bunyoni.
C’est Emmanuel Gateretse, en personne, ex-président de la Cour suprême, qui est allé annoncer le verdict à la prison centrale de Gitega. A ladite peine, il a ajouté une amende de 22,7 milliards de francs burundais ainsi que la confiscation immédiate de ses biens non déclarés, sans donner plus de précisions sur leur nature.
En première instance en décembre 2023, le général Alain-Guillaume Bunyoni avait été d’ « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ; de complot en vue de changer l’ordre constitutionnel ; d’outrage au chef de l’Etat et des institutions ; d’atteinte à l’économie nationale, etc.
Le général de police Alain Guillaume Bunyoni et ses coaccusés ont toujours clamé leur innocence. Pour l’ancien Premier ministre, son arrestation, son jugement et sa condamnation ont été faits en violation grave de la loi.
La journaliste Floriane Irangabiye libérée
C’est vendredi 16 août que la journaliste Floriane Irangabiye de la radio en ligne ’’Igicaniro’’ basée au Rwanda, condamnée à une peine de 10 ans de prison pour ’’atteinte à l’intégrité du territoire national’’, est sortie de la prison de Bubanza suite à une grâce présidentielle.
Au sortir de la prison, elle n’a pas caché saÉloquente, Floriane répond aux questions avec brio : « Je suis très heureuse parce que je viens de retrouver ma famille, je viens de sortir de la prison de Bubanza où je venais de passer quelques mois mais après une année et plus de 9 mois d’emprisonnement ».
La défense de la journaliste Floriane Irangabiye a tenu aussi à saluer la décision du chef de l’Etat : « C’est une décision juste et légale, elle vient à point nommé parce que la santé de notre cliente était menacée, l’exécution de la peine prononcée de 1o ans risquait de mettre en danger sa vie. Nous tenons à remercier le chef de l’Etat et lui demandons de faire de même pour les autres prisonniers parce que la condition de vie des condamnés dans différentes prisons du pays est précaire », a fait savoir Me Éric Ntibandetse.
Sandra Muhoza condamnée à 21 mois de prison ferme
Accusée d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » et « d’aversion raciale », la journaliste Sandra Muhoza du média en ligne la Nova Burundi a écopé d’une peine de 21 mois de prison ferme. Le verdict a été rendu lundi 16 décembre par les juges du Tribunal de Grande Instance de Mukaza. Une décision qui a suscité l’indignation de la défense.
L’avocat de Sandra Muhoza, Me Prosper Niyoyankana, a dénoncé avec fermeté cette décision qu’il a considéré comme une injustice flagrante.
« Nous sommes très déçus par cette décision des juges. Nous avions l’espoir qu’elle serait acquittée et que les juges respecteraient la loi ».
Et d’ajouter « Il est évident que le juge n’a pas été indépendant, il a subi des pressions ».
Pour rappel, Sandra Muhoza avait été arrêtée depuis avril 2024 pour avoir fait des commentaires dans un groupe WhatsApp de confrères sur une distribution présumée d’armes blanches aux jeunes militants du parti au pouvoir et sur une vidéo datant de la guerre civile en 1996 où l’ancien ministre de la Défense burundaise, le colonel Firmin Sinzoyiheba, avouait avoir ordonné une distribution d’armes à la population afin qu’elle puisse se défendre contre les attaques rebelles
Occasion pour s’amender
Le président de la République, Evariste Ndayishimiye a lancé jeudi 14 novembre 2024, à la prison de Muramvya, l’activité de désengorgement des prisons où 477 détenus ont été libérés. En total, 5 442 prisonniers ont été graciés dans tout le pays sur un effectif de 13 211 détenus.
« La surpopulation carcérale nous préoccupe plus. C’est un fardeau, non seulement pour le pays mais aussi pour les familles des détenus. Le logement, la restauration, l’habillement et les frais de santé pour les prisonniers exigent des sommes colossales. L’Etat et les familles perdent énormément », a fait savoir le président Ndayishimiye, lors du lancement de cette opération d’élargissement des prisonniers.
Chaque année, a précisé le chef de l’Etat, le gouvernement burundais dépense une somme qui avoisine 15 milliards pour faire fonctionner les prisons. Un grand budget, a-t-il fait observer, qui peut être affecté dans d’autres secteurs telle que la construction des écoles ou des hôpitaux.
Parlant des bénéficiaires de cette grâce, le président Evariste Ndayishimiye a indiqué qu’on a mis en avant ceux qui ont commis des infractions mineures ; ceux ayant déjà purgé le quart de leur peine ; les vulnérables tels que les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants qui ont un handicap physique ou mental, ou les prisonniers souffrant de maladies chroniques et les personnes âgées.
A ceux-là, a-t-il précisé, s’ajoutent les prisonniers ayant purgé leur peine principale mais qui sont sous contrainte par corps.
Toutefois, a-t-il rappelé, la grâce ne concerne pas les prisonniers ayant commis des crimes de sang ou accusés d’atteinte à la sécurité nationale ; ceux qui ont commis des crimes de génocide ou de viol, tout en souhaitant que la grâce soit une occasion à ceux qui ne l’ont pas obtenue de s’amender.
Ceux qui ont détourné les deniers publics, dans le viseur du chef de l’Etat
Le Magistrat suprême s’est montré intransigeant envers ceux qui sont accusés de détournement des biens publics, de malversations ou de corruption. « Ils doivent restituer les biens volés et payer les sommes indues. Ils ne pourront en aucun cas réintégrer la Fonction publique et même ceux du secteur privé ne sont pas autorisés à les embaucher », a-t-il mis en garde.
A défaut de payer les dommages-intérêts aux victimes, a-t-il insisté, les biens des coupables seront saisis et vendus pour rétablir les victimes dans leurs droits.
Le chef de l’Etat trouve que punir les coupables, c’est rendre justice aux victimes, tout en martelant que « quand il n’y a pas de justice publique, la justice privée s’installe ».
En outre, le chef de l’Etat a exhorté ceux qui instruisent les dossiers des justiciables de bien enquêter et de ne plus privilégier la détention mais plutôt la liberté ou la restitution des biens volés. « Que personne ne soit emprisonné sur simple suspicion sans qu’il ne s’avère réellement qu’il a commis l’une ou l’autre infraction qui lui est reprochée », a conseillé le Numéro Un burundais.
Enfin, le président Ndayishimiye est revenu sur le respect de la procédure en insistant par-là sur le fait qu’il existe des prévenus qui passent de longs moments dans les prisons sans être jugés.
Il faut des mesures d’accompagnement
Certains défenseurs des droits humains ont salué la mesure de grâce présidentielle de désengorger les établissements pénitentiaires. Ils ont estimé que c’était une première dans l’Histoire des prisons au Burundi qu’un effectif de 5 442 prisonniers soit libéré.
« C’est une réponse à nos préoccupations. C’est un fardeau qui a été levé sur nos épaules. C’est un soulagement pour les prisonniers et leurs familles », se sont-ils réjouis.
Par ailleurs, ces défenseurs des droits des prisonniers ont fait observer qu’il ne suffit pas de libérer ces prisonniers. Ils ont recommandé des mesures d’accompagnement pour une bonne réinsertion dans la communauté.
« Ceux qui sont libérés rentrent démunis. Même ceux qui avaient du travail avant ne sont pas directement réintégrés. Il leur faut une assistance multiforme pour éviter qu’ils ne récidivent pas suite à la faim ou à la pauvreté », a plaidé Jean Marie Nshimirimana, président de l’association Solidarité avec les prisonniers et leur famille, SPF/Ntabariza.
Il a interpelé l’administration et le ministère en charge de la Solidarité et des droits de l’Homme de venir en aide à ces personnes libérées.
Ce défenseur des droits des prisonniers évoque aussi le cas des femmes qui, une fois libérées, sont souvent rejetées par leurs maris ou leurs belles familles.
« Quand les femmes sont emprisonnées, leurs maris les délaissent et se remarient. Quand elles sont relâchées, elles éprouvent des difficultés de réintégration car elles sont rejetées soit par leurs maris ou leurs belles familles. Elles ont besoin d’être assistées moralement et matériellement », a-t-il plaidé.
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