Trois rivières ont semé la désolation dans différents coins de la plaine de l’Imbo. Il s’agit de Rusizi, Kajeke et Mpanda. Plusieurs familles ont été obligées de se déplacer, suite à leurs crues.
De nouvelles crues des rivière Rusizi, Kajeke et Mpanda qui se sont amplifiées depuis mi-mai 2021 faisant des ravages à Gatumba, Kigaramango, Rukaramu, Gihanga et une partie du cimetière de Mpanda.
Déviée de son lit majeur par les riziculteurs de Gihanga, la rivière Kajeke a finalement envahi des habitations : en tout, le 23 mai, on faisait un bilan de 118 maisons inondées dont cinq détruites complétement. Nous sommes à Gihanga, province Bubanza. La circulation sur la route Bujumbura-Cibitoke a été perturbée. Les eaux en furie de cette rivière ont fait aussi deux victimes qui sont mortes noyées.
Les eaux ont envahi la RN5 au niveau de la 5ème avenue inondant une cinquantaine de maisons et de vastes champs de riz. Des témoins ont souligné que ceux qui n’avaient pas encore récolté n’auront rien, leurs cultures ont été emportées.
Une partie du cimetière de Mpanda vers Buringa a été endommagée. Certaines tombes vont se retrouvées submergées.
Des déplacés envahis, de nouveaux sinistrés
Le site de Kigaramango des victimes des inondations survenues à Gatumba suite aux crues de la Rusizi, en 2020, n’a pas été épargné par ces nouvelles inondations. 378 ménages hébergés dans ce site et quelques ménages qui avaient regagné leurs propriétés à Gatumba ont été relocalisés vers le site communément appelé SOBEL, à Maramvya, commune Mutimbuzi, province Bujumbura, par la protection civile avec l’aide de la Croix-Rouge et de l’OIM sous la supervision du gouverneur de Bujumbura. Plusieurs camions de la police et de l’armée ont pris part à cette opération d’évacuation de ces sinistrés.
Non loin de là, à Rukaramu, des inondations ont obligé 2.241 ménages à quitter la zone. Ce sont des chiffres avancés par les autorités locales, des sources humanitaires faisaient état de 1948 familles à reloger dans le site de Maramvya.
Suite aux crues de la Rusizi, plus de 1.604 ménages inondés à Gatumba dans les quartiers situés tout près de cette rivière, étaient candidats à l’évacuation vers le site de Maramvya.
Selon des sources officielles, ces nouvelles crues des rivières Rusizi, Mpanda et Kajeke ont affecté plus de 5.000 personnes.
En 2021, les catastrophes naturelles n’ont pas fléchi. Des inondations, des éboulements de montagnes, etc. Et selon l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), sur 113.408 personnes déplacées en septembre 2021, 83% ont été déplacées par des catastrophes naturelles.
Des améliorations règlementaires et documentaires
En 2021, le Burundi s’est doté de certains nouveaux codes. C’est le cas du nouveau code de l’environnement. Comparé à celui de 2000, des environnementalistes y voient plus d’améliorations que de manquements. Ils citent entre autres les articles sur la prévention et la gestion des risques de catastrophes, ceux sur différents principes comme celui de pollueur-payeur, intégration des politiques internationales que le Burundi a ratifiées, etc. Ici, Innocent Banigwaninzigo donne l’exemple de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques (CCNUCC), Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris issu de la COP21. Etc.
C’est en 2021, que le Burundi s’est doté d’une carte multirisque par commune. Et ce, sur l’appui de l’Organisation internationale des migrations (OIM). « Un outil très utile dans la prévention des risques et des catastrophes », selon Anicet Nibaruta, directeur général de la Protection civile et président de la Plateforme nationale de prévention et de gestion des risques et catastrophes. S’étant référé sur cinq aléas, à savoir les pluies torrentielles, les inondations, les glissements de terrain, les vents violents et les séismes, il fait savoir que cette carte va permettre au gouvernement du Burundi de mieux comprendre les risques et catastrophes pour mieux les gérer : « Différents acteurs de la vie nationale vont s’y référer pour établir des planifications sectorielles pour le développement socio-économique. Il s’agit essentiellement des secteurs des infrastructures, de l’agriculture, de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et des services fonciers. »
La colère du lac Tanganyika
Depuis février 2021, la montée des eaux du lac Tanganyika s’est accélérée. Les eaux du lac Tanganyika sont montées. Elles ont envahi des plages, des habitations… entraînant des pertes énormes.
A Bujumbura, sur les parties riveraines du lac, la situation était effrayante et pitoyable. Des habitations, des bars, des lieux de loisirs… se sont retrouvés les pieds dans l’eau. Tout a été presque détruit. Ce qui a entraîné des pertes énormes chez les investisseurs dans la zone tampon du lac.
A titre illustratif, à Ku Mase, zone Ngagara, commune Ntahangwa, un des gérants a affirmé que sa clientèle avait diminué à plus de 97% : « Il n’y a plus de place où installer nos clients. Et plusieurs de nos constructions n’ont pas pu résister à l’eau. Elles ont été démolies. » Et de souligner que l’endroit dégage une odeur nauséabonde : « Presque tous les déchets ont été déversés ici.»
Une situation pareille sur différents lieux de détente ou plages aménagées tout le long du lac, côté Kajaga.
Ces endroits jadis très fréquentés ont été désertés. En effet, déplorent certains gestionnaires, des paillottes ont été détruites par les eaux qui y ont amené plusieurs sortes de déchets, etc. Ces endroits jadis attrayants, rafraîchissants sont devenus très puants.
Des activités de pêche ont été sérieusement perturbées. Car, nous a expliqué un pêcheur de Rumonge, des abris de repos des pêcheurs ont été envahis par les eaux. Des séchoirs des Ndagala aussi. Certains bateaux de pêche détruits, etc. Suite à cette montée, plusieurs activités ont été obligées de s’arrêter surtout sur les plages de pêche de Rumonge.
Selon les experts environnementaux, les causes de cette montée sont nombreuses. Pr Jean-Marie Sabushimike explique ce phénomène observé depuis 2018 par des effets du changement climatique, de la pression démographique, de l’action de l’homme, etc : « Cela ne devrait pas nous surprendre que le Burundi ne soit pas épargné par les effets du changement climatique en marche aujourd’hui.» Ce professeur d’Université a indiqué que les facteurs déclenchants sont les fortes pluies observées dans la sous-région. Il pointe aussi le mauvais aménagement du territoire. Et là, l’expert observe que c’est l’homme qui est responsable : «Pourquoi les gens ont-ils construit dans des zones comme Kibenga, Kajaga, etc.? » Vu la topographie des lieux, il estime que ces espaces sont normalement inconstructibles.
Quant à Tharcisse Ndayizeye, un autre expert environnementaliste, il fait savoir que le caractère inconstructible desdits espaces est aussi lié à la situation géographique du lac et de la ville de Bujumbura : « Nous sommes au fond du bassin. » D’après lui, des alluvions et des quantités importantes de terres venant des montagnes surplombant la ville finissent dans le lac. Et dans les Mirwa, il y a une forte concentration humaine. « Ils construisent, cultivent avec des aménagements agraires qui ne respectent pas les normes environnementales». Il évoque aussi des quantités importantes de déchets produits dans la ville de Bujumbura. « Leur destination finale, c’est le lac. » Bref, si le fond du bassin est plein de déchets, de sachets, du sable … l’eau du lac va inévitablement monter, conquérir d’autres espaces.
Il assure que ce phénomène est lié aux effets du dérèglement climatique, ce qui a conduit à la perturbation pluviométrique : « Avant on connaissait 8 à 9 mois de précipitations, maintenant nous avons 5 à 6 mois. Or, la quantité n’a pas diminué. Celle qui devait tomber dans un mois peut l’être dans un jour ou deux jours. »