La cherté de la vie ; le manque persistant des carburants ; des déficits en ceci ou cela, un début de réhabilitation de l’ex-marché central de Bujumbura, etc. ont été au menu de l’année 2024 en matière économique. Une table ronde pour booster l’économie a eu lieu mais, plusieurs défis restent d’actualité.
L’économie en baisse durant l’année 2024 a eu pour cause principale le manque des carburants. Des magasins n’arrivent plus à se ravitailler par manque de camions pour le transport.
Dans le quartier asiatique par exemple, les affaires marchent à pas de tortue. Les vendeurs des matériaux de construction importés vivent les moments les plus sombres. Les uns commencent à vendre leurs derniers stocks, les autres n’arrivent plus à livrer les commandes faute de camions pour le transport.
« Ça fait des jours que nos camions attendent du mazout dans les stations-services et nous n’arrivons plus à livrer les matériaux de construction déjà commandés. Comme nos grands clients n’arrivent plus à venir récupérer la marchandise, nous non plus nous n’arrivons pas à la leur livrer parce que nous rencontrons les mêmes problèmes. Il n’y a pas de camion pour la livraison », a témoigné un marchand devant son magasin plein de sacs de ciment.
A côté du magasin de ciment, c’est une autre histoire que raconte un autre vendeur de fer à béton : « Le stock s’est vidé et je n’arrive pas à avoir un camion pour le ravitaillement. J’ai passé la commande, mais je ne suis pas capable d’aller récupérer la marchandise. Voyez ce qui reste de mon stock ».
Une solution qui frustre.
Devant certaines stations-services, des camions passent des jours à attendre l’or noir en vain. La mise en place d’un nouveau dispositif d’enregistrement des véhicules par la Sopebu qui vise à venir à bout du manque des carburants semble ne pas arranger les choses avec son application Igitoro Pass. « Je suis sur ce terrain de l’ETS Kamenge depuis ce matin pour me faire enregistrer. J’ai dû arrêter le travail. Cela fait plus de trois heures que je suis sur cette file. Il faudrait que ces agents nous assistent dans cette opération », s’indigne un taximan croisé sur place.
Une dame qui a préféré garder l’anonymat ne cache pas son exaspération. « Il y a un véritable chaos ici. On dirait que même les employés de la Sopebu ne maîtrisent pas leur travail. Même leur chef semble débordé. On les voit courir dans tous les sens. Et si on les appelle, ils s’occupent d’une autre personne avant même d’avoir terminé avec la précédente ».
Le prénommé Marc, chauffeur de voiture de marque Toyota Probox, témoigne sa mésaventure en ces termes. « Je vois déjà que je ne vais rien gagner aujourd’hui. C’est une journée dédiée à l’enregistrement. On m’a demandé d’attendre ici parce que je n’ai pas de smartphone pour télécharger l’application ».
L’OBR n’a pas été mieux loti
Lors de la célébration de la journée du contribuable, le 3 décembre 2024, le commissaire général de l’Office burundais des recettes, OBR, et le ministre en charge des finances ont énuméré les raisons d’un déficit de 110 milliards de recettes de l’Office. Ils font savoir que certains contribuables et agents de l’OBR sont les grands fautifs dans ce déficit.
Selon le commissaire général de l’OBR de l’époque, Jean-Claude Manirakiza, la crise économique mondiale, les changements climatiques, le manque des carburants, la pénurie de devises sont les causes du déficit observé ces quatre derniers mois.
Il souligne qu’il existe encore des problèmes dans la collecte des recettes. « Il y a des contribuables qui cherchent toujours des techniques pour ne pas payer leurs impôts et taxes. Par exemple, par rapport aux marchandises importées, sur 101 camions de biens qui passent par les frontières, seuls 23 déclarent correctement leurs importations aux douanes, soit 2,5 milliards de BIF récupérés », fait-il remarquer.
Le ministre Audace Niyonzima (il a été destitué) a parlé, quant à lui, des contribuables créateurs d’entreprises qui dépassent le temps d’exonération. En effet, la durée d’exonération est en principe de 5 ans. Mais, il y en a qui se retrouvent dans les 10 ans avec l’exonération. Il mentionne aussi les agents de l’OBR qui ne donnent pas de factures aux contribuables qui viennent de payer l’impôt.
L’Office du thé du Burundi(OTB) lui aussi a connu un grand déficit. Il a perdu 2 millions de dollars par manque de carburant. Dans son cri d’alarme, le ministre indique que la société reçoit moins de la moitié du carburant mensuel qu’elle recevait. Cela ne suffit plus pour son fonctionnement.
« Si l’on considère les jours de cueillette ratés dans les cinq usines de l’OTB du 2 juillet au 30 novembre 2024, les calculs montrent que l’OTB a enregistré une perte considérable de 3 389 tonnes de feuilles vertes qui pouvaient générer environ 737 tonnes de thé sec d’une valeur de 1 842 000 dollars en considérant qu’un kg serait vendu à 2,5 dollars américains. Ce montant équivaut à environ 5 milliards et demi de FBu », explique le syndicat des travailleurs de la filière du thé(Sytrathé).
Une découverte des mines qui questionne
A Murehe, dans la province de Kirundo, un gisement de mines est découvert. L’annonce a créé une lueur d’espoir aux Burundais quant à la redynamisation de l’économie. Elle a en même temps suscité beaucoup de questionnements. Une société très peu connue, Sotrevo verra en effet le jour et sera chargée de l’exploitation du gisement. D’où vient-elle ? À qui appartient-elle ? Quels sont ses atouts, son expérience et ses garanties pour mériter la confiance du Burundi ?
« Le secteur minier est un projet d’État. Pourquoi ? Parce que nous avons constaté que les exploitants de minerais n’ont jamais rapporté de devises au pays », a expliqué le président de la République.
Le ministre de l’Énergie et des Mines, Ibrahim Uwizeye, expliquera que : « Dans le passé, il y avait des détournements commis par des sociétés mixtes. Ces entreprises prétendaient ne pas avoir réalisé de bénéfices alors qu’elles vendaient effectivement les minerais. Nous avons les 20 % en avance, en tant que propriétaire. Quant aux 80 % restants, ils seront soumis à diverses taxes, notamment sur les achats de machines et les salaires des ouvriers. C’est un effort considérable. Laissez-nous travailler. Nous surveillerons de près pour garantir que les revenus des minerais contribuent réellement à l’économie. » Face donc à la question sur l’origine de la société, la réponse reste floue et sans éclaircissements précis. Toutefois, le président Ndayishimiye affirme que l’ingénieur de la société possède 40 ans d’expérience.
La réhabilitation du marché central.
Après plusieurs promesses non tenues, Ubaka nation group, représenté par Fablice Manirakiza promettra aux Burundais la réhabilitation de l’ancien marché central de Bujumbura qui, jadis, était considéré comme le poumon de l’économie du pays.
« J’ai grandi en Australie et je suis venu réaliser des projets ici au Burundi », lance-t-il. Les travaux de débroussailler l’espace qui abritait l’ancien marché débutent. Après démolition et enlèvement des vestiges, Fablice Manirakiza a indiqué que l’étude du sol va suivre pour fixer l’étape de construction de ce grand complexe.
Il précise que le projet sera financé par un fonds alimenté volontairement par tous les Burundais qui le voudront. Chaque citoyen burundais pourra acheter des actions, à hauteur de 103 000 BIF comme action pour les résidents au pays et 103 dollars américains pour les Burundais de la diaspora.
Le patron d’Ubaka nation group promet que dans 5 ans, le marché tant attendu sera fonctionnel. Il précise qu’il comprendra plusieurs espaces dont un bâtiment en étages de 30 niveaux avec un coût global de 500 milliards BIF.
Une année record dans la hausse des prix
La rareté des produits a entrainé des spéculations sans nom surtout sur les produits Brarudi. Les commerçants n’auront pas facilité la tâche aux consommateurs.
Les prix des denrées alimentaires ne cessent d’augmenter jour après jour, variant selon le lieu et le moment de l’approvisionnement. Cette situation oblige les Burundais à faire des choix difficiles pour se nourrir.
Au marché de Bujumbura City Market, communément appelé Kwa Siyoni, le riz tanzanien de première qualité se vend par exemple 7 000 BIF tandis que le riz local oscille entre 4 500 et 4 800 BIF. Le riz Urutete quant à lui se négocie entre 5 500 et 6 000 BIF.
Pour le haricot, celui dit kinure se vend de 3 500 à 4 000 BIF, le haricot jaune de 6 000 à 6 500 BIF et le Muhoro à 5 500 BIF. Les haricots frais (ibiharage bitoto) se négocient entre 11 000 et 12 000 BIF le kilo.
Suite à cette flambée, les consommateurs racontent qu’ils ne sont plus capables de faire du stock, préférant acheter ce qu’ils consomment une fois par jour.
Afin de continuer à survivre, certaines familles ont dû réduire la quantité de haricot au profit des légumes verts. « C’est juste pour adapter nos revenus irréguliers à ces coûts intenables », explique un client.
Un grand sommet dans le pays.
Le 31 octobre 2024, le Burundi a accueilli le 23e sommet du Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe).
Pour l’économiste André Nikwigize, au-delà de la parure et de quelques bénéfices que peut générer une telle conférence de dimension internationale pour le pays, à savoir quelques devises ; l’occupation d’hôtels ; le tourisme ; les rencontres diverses de haut niveau, cette conférence devrait amener les autorités burundaises à s’interroger sur les leçons à y tirer. Cela devrait aussi permettre de réfléchir sur les stratégies appropriées pour que le Burundi participe effectivement à la construction du Comesa ; sur comment lever les obstacles qui empêchent le Burundi d’être réellement un acteur de l’intégration régionale du Comesa.
Economistes et société civile auront parlé.
Une table ronde s’est tenue en vue de trouver des solutions de relance de l’économie. Des économistes et la société civile ont parlé de ce qui pourrait sortir de cette table ronde.
Selon André Nikwigize, la situation politique et économique du Burundi n’encourage pas à organiser une Table ronde des investisseurs privés et des partenaires de développement, ni de lancer la Vision 2040-2060.
Il en donne trois raisons principales. Premièrement, le Burundi connaît actuellement une crise politique grave.
Deuxièmement, le gouvernement avait convenu avec le Fonds monétaire international (FMI) et l’appui d’autres partenaires, depuis avril 2023, un programme de stabilisation macroéconomique de 38 mois. Le programme visait notamment l’assainissement des finances publiques par une accélération des investissements et une politique d’emprunt prudente ; l’unification des marchés de change officiel et parallèle et la libéralisation desdits marchés de change ; un resserrement de la politique monétaire pour soutenir l’unification amorcée et juguler l’inflation ainsi que la mise en œuvre de réformes structurelles et de bonne gouvernance plus poussées afin de créer un environnement propice à une croissance inclusive porteuse d’emplois.
« Il est constaté une lenteur dans la mise en œuvre de ce programme par le gouvernement. Il est, par conséquent, difficile d’envisager un programme de long terme, à l’instar de la Vision 2040-2060, avant de compléter et d’évaluer le programme de stabilisation ».
Troisièmement, ces deux facteurs constituent de réels freins à la réalisation d’une quelconque Vision pour le long terme. « D’autre part, en faisant une analyse des capacités de mobilisation de ressources domestiques de l’Etat, même avec une hypothèse optimiste de générer au moins 50%, il sera difficile de mobiliser la moitié des 28 milliards de USD requis pour financer la Vision 2040-2060. »
Pour Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, la gouvernance est un élément incontournable pour le développement durable et le financement de la vision 2040-2060.
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