Mercredi 15 janvier 2025

Société

Rétro Droits de l’Homme 2024 : Des violations des droits de l’Homme subsistent

05/01/2025 0
Rétro Droits de l’Homme 2024 : Des violations des droits de l’Homme subsistent
Fortuné Gaëtan Zongo : « Des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse ont été constatées en 2023 et en 2024 »

Nouveau rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme au Burundi, rejet dudit rapport par Gitega ; renouvellement du mandat de Fortuné Gaëtan Zongo ; risque de relégation de la CNIDH au statut B, … Tels sont, entre autres, les points qui ont marqué la situation des droits de l’Homme au cours de l’année 2024.

Le nouveau rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains au Burundi a été présenté en septembre 2024, lors de la 22e réunion de la 57e session du Conseil des droits de l’Homme (CDH) de l’ONU qui s’est tenue à Genève du 9 septembre au 11 octobre 2024.

Dans son rapport, Fortuné Gaëtan Zongo a lancé une alerte précoce sur des facteurs de risque qui, lors des prochaines élections, pourraient être aussi bien des indicateurs objectifs d’une détérioration de la situation des droits de l’Homme que des conséquences d’une telle détérioration.

Selon ce rapport, la persistance de l’impunité au Burundi, entretenue par l’appareil judiciaire et la tendance à la militarisation des jeunes du parti au pouvoir, a suscité de vives inquiétudes.

Il a déploré qu’aucune autorité, proche du pouvoir et impliquée dans les violations graves des droits humains, depuis pratiquement 2015, n’a été jusqu’ici inquiétée.

Cette impunité, a fait remarquer ce rapporteur, est nourrie par les activités des Imbonerakure qu’il a accusé de « recevoir régulièrement des entraînements paramilitaires avec des chansons et slogans d’intimidation ».

Ils se substituent parfois aux forces de sécurité dans leurs localités respectives ou encore se constituent en une force parallèle ou alternative. « Cette militarisation des Imbonerakure démontre la préparation renforcée vers les intimidations en période électorale », a souligné le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains au Burundi.

Un espace politique verrouillé

Deux autres facteurs de risque restent préoccupants. Le premier est lié, selon Fortuné Gaëtan Zongo, au rétrécissement inquiétant de l’espace civique monopolisé par le parti au pouvoir puisqu’il contrôle tous les secteurs de la vie politique et administrative. Le second aux atteintes à la liberté d’expression et d’information en amont des élections de 2025.

Le Rapporteur spécial est revenu sur les manœuvres politiciennes et judiciaires « visant à affaiblir l’opposition politique ». Il a rappelé que depuis février 2023, « la succession d’événements autour du Congrès national pour la liberté, CNL, ayant abouti à l’éviction d’Agathon Rwasa à la tête dudit parti, dénote la volonté du gouvernement d’affaiblir et de diviser l’opposition ».

Bien plus, a-t-on lu dans ce rapport, des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse ont été constatées en 2023 et 2024. Fortuné Gaëtan Zongo a rappelé les emprisonnements arbitraires de certaines journalistes comme Sandra Muhoza, du journal en ligne La Nova et Floriane Irangabiye, graciée par le président de la République.

Le rapport a mentionné également que l’éviction d’Agathon Rwasa à la tête du CNL, exacerbée par des arrestations, des disparitions forcées de ses fidèles et d’autres opposants politiques, « la plupart du temps pour des raisons politiques ou de rébellion », dans un contexte sécuritaire volatil, alimentent un climat de peur.

Cela, a prévenu le Rapporteur spécial, risque d’aggraver une mainmise du pouvoir sur le processus électoral, sapant ainsi toute éventualité d’élections libres, inclusives et transparentes.

Un rapport rejeté en bloc par Gitega

Le gouvernement burundais a rejeté en bloc le nouveau rapport de l’ONU. L’ambassadrice Elisa Nkerabirori, représentante permanente du Burundi à Genève, a dénoncé un rapport qu’elle a qualifié « de controversé, tendancieux et politiquement motivé du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme au Burundi ».

Mme Nkerabirori n’y est pas allée par quatre chemins : « Même le Haut-commissaire aux droits de l’Homme n’a, à aucun moment, cité le Burundi parmi les préoccupations mondiales et encore moins indiqué une possibilité de détérioration de la situation des droits de l’Homme au Burundi. »

Elle a estimé que c’est « peu convaincant, sinon assez léger », l’argumentaire de la prolongation du mandat du Rapporteur spécial de l’ONU sur le Burundi. Car, a-t-elle expliqué, ce mandat pays est non seulement un « diktat », mais il est assurément au service d’une poignée de détracteurs de l’autorité de l’État du Burundi « qui a décidé de nourrir la peur ; de cultiver la méfiance à dessein ; d’opposer les filles et les fils dans nos communautés ; d’instaurer le chaos, convaincu que c’est le seul moyen d’arriver à détenir le pouvoir sans passer par les voies démocratiques décrites dans notre loi fondamentale ».

L’ambassadrice a critiqué également le fait que le Rapporteur spécial s’est exprimé sur la situation des réfugiés burundais dans les pays d’accueil : « C’est un exemple qui illustre et confirme encore une fois le manque de profondeur des rapports soumis basés uniquement sur une volonté manifeste de dénigrer et de discréditer les institutions de mon pays. »

L’ambassadrice Elisa Nkerabirori s’est indignée enfin contre ce mécanisme jugé « injuste et inéquitable » qui « n’offre aucune perspective claire qui démontre qu’il est en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’Homme au Burundi.

Le mandat de Fortuné Gaëtan Zongo renouvelé

Lors du vote intervenu le 10 octobre 2024, le mandat du Rapport spécial sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, Fortuné Gaëtan Zongo a été renouvelé à Genève lors de la 57e session du Conseil des droits de l’Homme. Signe que la situation la situation des droits de l’Homme au Burundi est restée préoccupante.

C’est l’Union européenne qui a préparé et présenté la résolution. Sur les 47 États qui composent le Conseil, 22 ont voté en faveur de la reconduction de Fortuné Gaétan Zongo, 15 se sont abstenus et 10 ont voté en sa défaveur.

Selon le Conseil des droits de l’homme, la situation des droits humains au Burundi a continué d’être caractérisée par « l’impunité généralisée des auteurs de violations des droits de l’homme, « la situation sécuritaire qui se détériore ainsi que l’augmentation des cas de disparitions forcées et des arrestations arbitraires ».

D’après ledit Conseil, le travail du Rapporteur Spécial de l’ONU est essentiel dans un cas comme celui-là, où il n’existe aucun autre dispositif indépendant mandaté pour examiner la situation des droits humains du pays.

« Compte tenu de ces défis, et à l’approche des élections législatives prévues pour 2025, l’examen et la collecte d’information menés de manière indépendante par le Rapporteur Spécial de l’ONU sont d’une importance cruciale », ont justifié les Nations-Unies.

L’ONU a appelé les dirigeants burundais à « commencer à coopérer de manière constructive avec son Rapporteur Spécial, respecter leurs obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains, et mettre fin à l’impunité pour les auteurs de violations de ces droits ».

Pour rappel, le 29 août 2024, 39 organisations internationales, nationales et africaines ont lancé un appel urgent auprès des Nations Unies pour renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur le Burundi qui va prendre fin en avril 2025.

Ces organisations ont estimé que ce mandat est essentiel surtout à l’approche des élections de 2025 et 2027 considérant que « le pays est marqué par des violations persistantes des droits humains et une impunité généralisée ».

Risque de relégation de la CNIDH au statut B

La Commission nationale indépendante des droits de l’homme au Burundi 5CNIDH), a encore une fois été rétrogradée au statut « B ». Une décision qui est tombée en mai 2024. Le statut « A » étant réservé aux Commissions nationales qui ont prouvé leur impartialité par rapport aux pouvoirs en place, selon les Nations-Unies. Cette relégation a suscité des interrogations quant à son indépendance et son efficacité dans la protection des droits humains.

Sixte Vigny Nimuraba : « Personne ne nous dicte ce que nous devons mettre dans nos rapports ».

Cette décision a été prise par l’instance habilitée de l’ONU (le sous-comité d’accréditation des Institutions nationales des droits de l’homme, INDH) au bout d’un processus qui a commencé en 2023 et qui a épinglé le manque d’indépendance de la CNIDH-Burundi, la minimisation des graves violations des droits de l’homme commises dans le pays, ou encore l’absence de coopération de cette institution avec le Haut-commissariat aux droits de l’homme et les commissions d’enquête sur ces violations.

Selon maître Lambert Nigarura, le statut A est accordé aux institutions pleinement conformes aux Principes de Paris. « Avec ce statut A, la CNIDH participe pleinement aux réunions internationales et régionales des institutions nationales, en tant que membre votant. Elle peut aussi interagir avec le système international de protection des droits de l’Homme, en particulier avec les comités conventionnels et les procédures spéciales. Elle peut également participer aux sessions du Conseil des droits de l’Homme, prendre la parole dans cette enceinte et soumettre des documents, en tant qu’institution de statut A.».

En perdant son statut A, a-t-il ajouté, la CNIDH voit son accès aux réunions internationales et sa capacité à obtenir un financement international considérablement réduits.

Simple observateur

« L’accréditation au statut B signifie que l’institution est une institution nationale des droits de l’Homme mais qu’elle n’est pas en pleine conformité avec les Principes de Paris. Que son indépendance soit remise en cause, son travail en matière de protection et de promotion des droits humains n’est pas à la hauteur de son mandat et de sa mission principale. », a expliqué Nigarura.

Avec le statut B, a-t-il poursuivi, la CNIDH a la possibilité de participer en tant qu’observateur aux réunions internationales et régionales des institutions nationales. Elle n’aura pas la possibilité de voter. Elle ne pourra pas non plus participer aux sessions du Conseil des droits de l’Homme ni prendre la parole dans cette enceinte ou soumettre des documents.

Cette décision a irrité Sixte Vigny Nimuraba, président de la CNIDH qui annoncé avoir introduit un recours pour recouvrer son statut A. Il a dit ne pas comprendre comment le Conseil des droits de l’Homme n’a évalué pas à leur juste valeur les interventions faites par la CNIDH.

Par après, le Sous-comité d’accréditation (SCA) de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI) a recommandé que la CNIDH conserve son statut A jusqu’à la première session du SCA de 2025 quand la relégation de la CNIDH au statut B devra être entérinée.Cette décision accorde à la CNIDH une période pour prouver sa conformité avec les principes de Paris.

Pour rappel, ce n’est pas pour la première fois que la CNIDH soit rétrogradée au statut B. En janvier 2018, la commission a en effet été rétrogradée au statut B par les Nations Unies. Elle avait récupéré le statut A en 2021.

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