A l’occasion de la sortie officielle de « Rester debout », un livre d’entretiens entre Antoine Kaburahe, qui avant d’être le directeur du groupe de presse Iwacu est un journaliste passionné de lettres, et Pierre Claver Mbonimpa, une conférence-débat était organisée, le 1er juillet, à l’Université Libre de Bruxelles. « Rester debout », ce n’est pas seulement l’histoire de la vie de « Mutama » : c’est aussi une leçon de vie.
Malgré un samedi pluvieux, une centaine de membres de la diaspora et d’amis du Burundi a fait le déplacement pour assister à l’événement. La conférence-débat est introduite par Marie-Soleil Frère, vice-rectrice aux relations internationale de l’ULB. Chercheuse et spécialiste des médias d’Afrique francophone, elle connaît très bien le Burundi et l’Université de Bujumbura, avec laquelle les programmes interuniversitaires sont momentanément suspendus.
Joseph Ntamahungiro, président du Centre d’Echanges Belgo Burundais (CEBB), l’asbl impliquée dans le projet Iwacu, prend ensuite la parole. Dans son discours, il insiste sur la nécessaire guérison dont a besoin le Burundi meurtri par une longue histoire dont il faut retenir les leçons : « Il faut faire en sorte que ce qui s’est produit ne se reproduise plus jamais. Il faut désirer guérir le pays », souligne-t-il. Antoine Kaburahe, directeur du groupe de presse Iwacu, ajoutera que la jeune maison d’éditions qu’il a lancée à pour objectif d’aider à écrire ces blessures. « Notre culture est celle du silence or le silence tue », dira-t-il.
« De la justice, pas de vengeance et pas de violence »
Sur le gril de deux journalistes, Damien Roulette (RTBF) et Athanase Kayenga, Antoine Kaburahe et Pierre Claver Mbonimpa reviennent sur la genèse de ce livre, un huis clos d’une dizaine de jours dans un chalet en Suisse. Le second y faisait la cuisine pour le premier, un talent qu’il a acquis en prison, indique Antoine Kaburahe. A côté de l’anecdotique, il y a surtout beaucoup de sérieux. Et d’émotions, aussi. Pierre Claver Mbonimpa n’est pas sorti indemne des drames qui l’ont affecté depuis la tentative d’assassinat dont il a été victime en 2015, qui fut suivie par l’assassinat de son fils puis de son beau-fils. « Lors de notre retraite », explique Antoine Kaburahe, « j’ai vu cet homme fort craquer. Je voulais arrêter et il m’a répondu : non, il faut rester debout, continuer ».
Car le grand homme reste debout, envers et contre tout. Le combat qu’il mène au sein de l’APRODH consiste à réclamer la lumière sur les assassinats qui se sont multipliés au Burundi depuis les manifestations contre le troisième mandat, en mai 2015. « Mutama » réclame que justice soit faite, insistant sur le fait que le problème n’est pas ethnique mais bien politique. S’il a soif de justice, il condamne tout acte de vengeance et de violence. A l’APRODH, « nous publions des rapports qui relèvent les exactions commises, les assassinats. » Il insiste : « par-dessus tout, il faut respecter les droits de la personne humaine ».
Il revient également sur certains moments de l’histoire du Burundi, notamment cette époque où il était le chauffeur du président Ndadaye, assassiné en 1993. Là aussi, il demande justice : les auteurs sont connus, affirme-t-il, mais ceux-ci n’ont jamais été poursuivis. Il parle aussi des tueries de Muyinga, qui se sont déroulées en juin 2006. Là, les coupables ont été poursuivis « mais le commanditaire a été protégé ». Sont aussi évoqués, les tortures, les violences sexuelles dont seraient victimes des femmes, des jeunes filles et des jeunes garçons.
« Célébrer les héros de leur vivant »
« Mutama » refuse de jouer le rôle d’un témoin muet. Sa voix est fatiguée mais il ne faiblit pas dans le choix des mots qui appuient son combat. Cette force- là ne s’échappera pas, elle est désormais scellée sous la plume d’Antoine Kaburahe. Les deux hommes, à la mémoire blessée, assureront une séance de dédicaces à l’issue de cette après-midi intense avec, pour point d’orgue, un hommage au pays natal, en ce jour de fête de l’indépendance. Un Burundi loin des yeux pour certains, mais toujours aussi près du cœur. A Bruxelles, l’émotion était palpable quand fut chanté l’hymne national. Autre moment fort de la journée, lorsqu’Antoine Kaburahe évoqua la disparition inexpliquée du journaliste Jean Bigirimana, il y aura un an jour pour jour le 22 juillet prochain. En parler pour ne pas oublier.
Le mot de la fin revient à Marie-Soleil Frère, qui conclut : « Il faut croire que les héros de l’histoire existent et ils doivent être célébrés de leur vivant (…) Même simplement en marchant, c’est déjà agir ».
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J’admire le courage de ce Mutama,qui ne resigne pas,même après les dures epreuves « tentative d’assassinat,meurtre de son fils et gendre « par le pouvoir DD.Vous donnez là,un exemple de courage à la jeunesse burundaise.
La parole comme substitut de l’action, tel est le leitmotiv de certains.
Au sein d’un même pays, deux nations. Les uns au pays entrain de construire, les autres dans les débats.
En train de construire quoi au juste ? Un empire de droit divin basé sur la corruption, la répression et la mauvaise gouvernenance ? Pour quiconque faisant de la médiocrité sa valeur principale, c’est en effet un merveilleux projet qui est en train de se ‘construire’ au Burundi
Cher Dodo, je dirais plutôt « les uns » qui mènent le pays au bord du gouffre (voir la publication de ce jour: https://www.fidh.org/IMG/pdf/fidh_rapport_conjoint_burundi_juillet2017.pdf ) et « les autres », rescapés, qui témoignent et alertent le monde.
Je t’envie Antoine. J’aurais aimer m’assoir a cote de Mbonimpa moi aussi. Tu es chanceux; plutot tu as travaille fort pour meriter de t’assoir a ses cotes.
Chapeau a vous 2.
Les petits pas des uns faciliteront les grands pas des autres. Pourquoi pas au Burundi ?
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/07/02/a-madagascar-les-juges-ne-veulent-plus-recevoir-des-ordres-du-pouvoir_5154533_3212.html