Les conditions de vies difficiles de certains groupes sociaux provoquent la méfiance. Des gens malintentionnés peuvent en profiter pour attiser la haine, remettre en cause la cohésion sociale. Comment résister à la manipulation dans ces conditions ? Nicolas Hajayandi, enseignant et chercheur sur des questions de dynamiques sociales à l’Université du Burundi, nous fait le point.
Y a-t-il un rapport entre conditions difficiles et risque de manipulation ?
Il y a un lien, un rapport entre des conditions matérielles précaires et la manipulation, même si ce n’est pas automatique. Les personnes qui sont dans ces conditions sont souvent exposées au risque de manipulation. ll y a ceux qui développent des discours qui rendent certaines responsables de la situation vécue. La manipulation ne se base pas essentiellement sur l’appartenance ethnique, les groupes sociaux et la région. Des auteurs des messages haineux profitent également des situations en fonction des individus visés.
Quelles sont les formes de manipulation qui peuvent résulter de ces conditions de précarité ?
C’est le développement d’un discours allant dans ce sens : ‘’ Vous êtes dans ces conditions parce que tel ou tel l’a causé’’. Avec ce genre de discours, les victimes peuvent verser dans la méfiance, la criminalité, la violence à l’égard de ceux qui sont considérés comme responsables de leur situation difficile.
Avez-vous des exemples?
On a vécu des moments de guerre, des crises sociopolitiques où ceux qui s’activaient se recrutaient parmi ceux qui sont dans des conditions précaires. On peut leur dire : ‘’Vous n’avez ni maison ni propriété. Mais si les membres de cette catégorie sont éliminés, vous serez propriétaires de leurs biens. Vous accéderez à l’emploi.’’ Cette manipulation commence par ceux qui sont privés de quelque chose. Ces derniers développent alors un sentiment de frustration et vont sombrer dans la violence.
Comment peuvent-ils se comporter face à la manipulation ?
Celui qui explique les causes de cette situation difficile peut avoir des intérêts personnels à défendre. C’est pourquoi, la personne en situation précaire doit réfléchir sur les motivations de cet individu. L’important est de prendre du temps pour y méditer. Les conditions difficiles ne sont pas une fatalité. Des initiatives pour s’en sortir sont possibles. Cela ne vaut rien de suivre des messages divisionnistes qui entravent tout développement.
Comment développer la résilience des membres des groupes face à cette manipulation ?
Pour les aider à développer une résilience, il faut être à leur écoute. En outre, il est important de les soutenir dans leurs initiatives entrepreneuriales et de les encourager pour ne pas céder au fatalisme.
Par ailleurs, les décideurs doivent veiller par leurs actions à prévenir un terrain propice à la manipulation. Si on demande aux manipulés de résister, il faut aussi décourager les manipulateurs.