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Reprise des relations France-Burundi : un revirement ?

03/08/2019 Commentaires fermés sur Reprise des relations France-Burundi : un revirement ?
Reprise des relations France-Burundi : un revirement ?
Le secrétaire permanent au ministère des Affaires étrangères et l'ambassadeur Delahousse lèvent leur verre au nom de l'amitié des peuples français et burundais.

Beaucoup a été dit sur la reprise de la « coopération » militaire française au Burundi. Elle est estimée à 30.000 euros et la France dit toujours souscrire aux préalables fixés par l’UE lors du gel de la coopération. Les réactions passionnées de l’opposition burundaise s’expliquent par le passé de la France au Rwanda (1994) mais aussi la crainte d’un effet domino. Analyse.

Le gouvernement du Burundi est sous le coup des sanctions de l’Union européenne depuis plus de trois ans en raison du ‘‘non-respect’’ de l’article 96 de l’Accord de Cotonou.

Cette disposition conditionne la pleine coopération des pays de l’Union européenne avec notamment des pays africains par le strict respect par ceux-ci des principes de démocratie, des droits humains et de l’Etat de droit.

«L’Union européenne considère que plusieurs éléments essentiels repris à l’article 9 de l’accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (ci-après dénommé « l’accord de partenariat ACP-UE ») n’ont pas été respectés par la République du Burundi », ainsi écrivait le conseil de l’Union européenne à la page 5 au président burundais le 8 mars 2016.

En effet, les sanctions de l’Union européenne toujours en vigueur consistent en la suspension seulement de l’aide directe à l’exécutif burundais. C’était une contribution importante dans le budget du pays, elle représentait jusqu’en 2015 plus de 50%. 
L’UE a donc décidé de maintenir une partie de la coopération notamment l’appui à la population et la délégation de l’Union européenne au Burundi l’a souligné à plusieurs reprises depuis la prise des sanctions.

«Il s’agit de maintenir notre appui à la population burundaise sans appui direct au gouvernement et aux institutions burundaises», a déclaré, il y a de cela plus de trois ans, Patrick Spirlet, ambassadeur de l’Union européenne à Bujumbura lors de la prise des sanctions. 

Les ponts jamais coupés

Son successeur, l’ambassadeur Wolfram Vetter, tiendra aussi à s’expliquer sur le maintien de la coopération dans certains secteurs : «Il y a seulement une partie de la coopération qui est gelée, c’est la coopération directe avec le gouvernement. Les sanctions de l’UE suspendent seulement l’aide directe au gouvernement».

D’une part, l’Union européenne comme communauté a continué de venir en aide à la population burundaise et à financer beaucoup de projets de développement au Burundi. Et d’autre part, les pays membres à titre individuel ont fait de même.

A titre d’illustration, la Belgique n’a jamais cessé d’intervenir, à coûts de plusieurs millions d’euros particulièrement dans les secteurs de la santé, de l’éducation, l’agriculture et l’enseignement supérieur.

Et comme le gouvernement burundais est sous sanctions, les autorités belges ont confié l’exécution de leurs projets destinés à la population burundaise à des ONG telles que Memisa Belgique.
La France, par le biais de son ambassadeur à Bujumbura, a annoncé le 12 juillet dernier la reprise de la «relation bilatérale» avec le Burundi et deux secteurs en bénéficient déjà : l’éducation et la défense.

Bouffée d’oxygène pour l’éducation

Sur le volet éducatif, Paris est toujours dans le respect des sanctions prises contre le pouvoir de Gitega. L’enveloppe de 50 millions d’euros dont la première tranche de 25 millions a été déjà signée profitera à la population et particulièrement aux jeunes burundais. Et ce financement sera géré notamment par l’Unicef à en croire le Quai d’Orsay.

Par ailleurs, il sied que d’autres partenaires injectent beaucoup de fonds dans ce secteur étant donné les nombreuses difficultés auxquels l’éducation burundaise fait face. Effectifs pléthoriques, manque de manuels scolaires, de bancs pupitres, etc. Nul n’ignore que l’avenir de tout pays se prépare dans les établissements scolaires et universitaires.

Le soutien de la France à l’armée reste jusqu’ici modeste et ainsi symbolique.

Pour ce qui est du soutien à la grande muette, il s’agirait d’un appui modeste. Le Quai d’Orsay, justifiant sa position, assure que la coopération militaire avec le Burundi a repris de façon symbolique. «Elle ne concernerait que les troupes burundaises destinées au maintien de la paix dans le cadre de missions internationales type ONU, Casques bleus, etc. ». Je souligne que les Américains font de même à l’intention particulièrement des militaires partant pour l’AMISOM.
Et le ministère français des Affaires étrangères de révéler que le financement alloué à la défense est de 30 mille euros, une somme en tout cas des moins attrayantes pour un secteur aussi budgétivore que l’armée.

 

Pesons les mots

Au-delà des réactions passionnées qui ont enflammé l’opinion, il faut garder en tête et peser les mots utilisés par le diplomate français le 12 juillet lors de la célébration de la fête nationale à Bujumbura à la résidence de l’ambassadeur de France.

L’ambassadeur Delahousse a parlé de «la reprise progressive d’une coopération» par rapport à la défense (chiffrée à 30.000 euros pour le moment) alors qu’il évoque «une accélération très forte» du soutien français au secteur de l’éducation. Cette nuance a échappé à beaucoup.

Paris semble avoir tiré une leçon du cas centrafricain. La France ne veut pas laisser le champ libre à l’influence russe et chinoise en Afrique surtout en Afrique centrale, mais sans aller jusqu’à trahir ses valeurs les plus fondamentales qu’elle partage avec les autres pays membres de l’Union européenne.

Pressentiment de l’effet domino

Qu’il y ait des Burundais, particulièrement les opposants outrés suite à cette position de la France, cela va de soi étant donné le poids de ce pays dans l’Union européenne. La France est un pays leader avec l’Allemagne dans l’UE, plus d’uns craignent que cette annonce de la reprise de la relation bilatérale (fut-elle symbolique et peu richement dotée) avec le pouvoir du président Nkurunziza crée un précédent et entraîne un effet domino.

L’opposition est inquiète que d’autres pays de l’Union européenne lui emboîtent le pas en rétablissant à leur tour leurs relations avec Gitega dans des secteurs aussi sensibles comme l’armée, ne fut-ce que symboliquement.

Même si prudent, l’ambassadeur français parle du soutien progressif à l’armée, tout cela n’a pas beaucoup rassuré l’opposition burundaise. Et sur les réseaux sociaux, dans des tribunes enflammées, la position française au Rwanda en 1994 a été rappelée.

Dès lors que ce passé de la France au pays des Mille collines est venu se greffer sur le débat, la question est devenue très passionnelle.

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