Des morts, de la destruction de l’environnement et bien d’autres méfaits telles certaines conséquences de l’extraction artisanale de l’or selon l’administration provinciale de Cibitoke. La vie des mineurs est aussi très exposée. L’administration locale appelle au respect des lois en la matière. Reportage.
« Dans les conventions que les orpailleurs de Cibitoke signent avec l’Office burundais des mines et carrières (OBM), il est bien précisé qu’ils doivent remettre en état les sites après leur exploitation. Malheureusement, sur le terrain, si je ne trompe pas, cela ne se fait pas. Nous remarquons que les orpailleurs ne se hâtent pas dans le bouchage des galeries et des trous creusés lors de l’extraction de l’or », déplore Anicet Saidi, chef de cabinet du gouverneur de la province de Cibitoke.
Ce constat amer est effectivement observé dans des sites de minerai que ce soit ceux situés dans les zones montagneuses ou dans les marais de Cibitoke. « Les orpailleurs laissent ouverts les grands trous creusés lors de l’exploitation. En cas de pluies, ces trous sont alors remplis d’eau et se transforment en étangs. Des fois, des enfants s’y baignent et certains se noient », fait remarquer le chef de cabinet.
Par ailleurs, ces étangs constituent des zones propices à la prolifération des moustiques, vecteurs de la malaria. Il souligne également que de la sorte ces orpailleurs favorisent l’érosion sur des collines qui fait que « tous les éléments nutritifs des terres arables des collines sont emportés par les eaux pluviales.» Il ajoute que non seulement ces exploitations artisanales de l’or fragilisent les terres mais aussi elles provoquent des éboulements de terrain qui souvent causent des morts. M. Saidi rappelle que dans la province de Cibitoke des cas de glissements des terrains y sont souvent signalés.
A ce sujet, il évoque notamment le cas des glissements de terrain de 2019 en commune Mugina, avec un bilan de vingt-neuf morts, de plusieurs blessés et des centaines de déplacés. Il rappelle aussi le cas de Gafumbegeti en commune Mabayi, zone Butahana où une mine s’est effondrée, le 31 mars 2023, faisant quatorze morts. « Ces exploitations artisanales nous inquiètent beaucoup parce qu’elles contribuent à la destruction de l’environnement ainsi qu’à la fragilisation de nos terres qui sont déjà montagneuses. Ce qui est une source de glissement des terrains », insiste le chef de cabinet Saidi.
Un long chemin à faire
Il appelle par conséquent l’OBM à être strict et très regardant « Nous lui demandons qu’avant l’octroi d’un autre permis d’exploitation à un orpailleur, il faut d’abord se rassurer et vérifier que le premier site a été remis en état conformément à la règlementation en vigueur et au contrat d’exploitation signé. »
Chose qui ne se fait malheureusement pas actuellement, reconnaît-il. « Nous, comme administration provinciale, communale et même collinaire, nous déplorons cet état de fait. Nous invitons alors les orpailleurs à remettre d’abord en état le site déjà exploité avant d’aller solliciter un autre site auprès de l’OBM. Il s’agit d’une sensibilisation continuelle. Il existe même des organisations qui nous épaulent en organisant des réunions. Mais, il reste un long chemin à parcourir », constate le chef de cabinet.
Interrogé à ce sujet, un cadre de l’OBM a indiqué que l’Office a des antennes régionales qui « effectuent des visites sur le terrain » sans donner plus de détails.
Une réalité troublante
Quand on se rend sur le terrain, on est frappé par des images pour le moins spectaculaires à plus ou moins deux kilomètres du chef-lieu de la province de Cibitoke. Nous sommes par exemple dans le site minier Rugeregere dans la commune Rugombo, plus précisément dans le marais de la rivière Nyamagana.
Nous y voyons beaucoup de trous ouverts et de grosses pierres dégagées. C’est là où plusieurs coopératives dont la Coopérative minière Duterimbere Rugombo extraient de l’or. On y trouve des jeunes, des hommes âgés et quelques femmes ou jeunes filles. On y voit aussi des moins de 18 ans qui, normalement, devraient être à l’école.
Les uns creusent avec des mains nues. Ils n’ont aucun matériel de protection physique. Ils ont seulement dans leurs mains ou des pelles ou des houes. Ils n’ont ni gants ni bottines ni casques pour protéger leurs parties du corps. Ils sont pour la plupart torse-nu et pieds-nus. Dans cette période pluvieuse, les trous sont remplis d’eau. Des moteurs essaient vainement de repousser cette eau. Là, c’est une exploitation à ciel ouvert. Ils travaillent en plein air. Des accidents deviennent dès lors possibles chez ces orpailleurs.
Dur mais moins rentable
Les ouvriers rencontrés sur le site de Rugeregere déplorent que leur travail est très dur mais moins rentable pour le petit orpailleur. « Nous, les mineurs, on ne gagne rien. C’est un travail fatiguant. Ce sont nos chefs qui en bénéficient beaucoup », se lamente en effet Déo Habonimana, 23 ans, un jeune orpailleur natif de Bukinanyama, province de Cibitoke.
Ils disent que des fois, ils ne trouvent même pas de ration : « Quand on n’a pas eu de production, on rentre mains vides. On ne nous donne pas à manger. Aujourd’hui, j’ai envie de retourner dans ma commune si je parviens à avoir du ticket », déplore le jeune Habonimana.
En cas de maladies, ce jeune orpailleur confie que c’est le calvaire : « Tu peux dire à ton chef que tu es tombé malade. Tu lui demandes 5 000 francs burundais pour te faire soigner. Il te donne 2 000BIF alors que tu ne possèdes pas la carte mutuelle. Comment peux-tu te faire soigner avec cet argent et acheter des médicaments ? », s’interroge-t-il.
Un autre orpailleur abonde dans le même sens. S’exprimant sous anonymat, il confie que la plupart des fois, ils peuvent passer deux, trois voire quatre jours de travail dur sans avoir de production. A ce moment, il leur devient très difficile d’avoir à manger. « Car, le traitement dépend de la production », explique-t-il, tout en nuançant néanmoins que cela dépend des chefs. « Il y en a qui valorisent leurs ouvriers et d’autres qui mettent en avant le gain, la production. Si tu ne parviens pas à produire, c’est un calvaire.»
A Rusororo, un autre site minier de la commune Rugombo, situé dans une zone montagneuse, la situation n’est pas non plus reluisante en ce qui est de la protection de l’environnement ainsi que des orpailleurs et leurs rémunérations. Le déboisement y est intense. Avec les grosses pierres que nous y avons vues, on se croirait dans un site d’extraction du goudron et des carrières pour le bitumage des routes. La seule différence étant que sur place, il n’existe ni de machines ni de bennes pour le transport.
On voit des hommes, des jeunes gens ressurgir des trous. D’autres jeunes gens transportent sur leurs têtes des sacs remplis du sable, de la terre, … Destination : la rivière Nyamagana pour le tamisage avec l’espoir de récupérer quelques lignons d’or. Malheureusement la moisson n’est pas toujours au rendez-vous. Pire encore, les orpailleurs n’hésitent même pas à creuser à côté de leurs maisons. Ce qui augmente le risque de voir des maisons s’écrouler entraînant dans le sillage des morts et des blessés. « Oui. Il arrive souvent des accidents ici ou sur d’autres sites. Par chance, on échappe à la mort mais il y a aussi des cas où il y a des morts et des blessés », affirme Japhet Bukuru, un vétéran orpailleur de Rusororo.
Il indique qu’en cas d’effondrement d’une mine, les chances de survie sont maigres. Et pour cause, l’exploitation reste encore traditionnelle, artisanale et les mineurs n’ont pas du matériel adéquat de protection. « On se contente juste des houes, des pioches pour creuser. Pas de protection des mains, des pieds, de la tête. Mais, on n’a pas de choix. Car, c’est là qu’on cherche des moyens pour faire vivre nos familles, scolariser nos enfants, etc. »
Les investisseurs se défendent mais…
« En ce qui est de la remise en état des sites, après l’exploitation, nous bouchons tous ces trous. Regardez- là où se trouvent des bananeraies, du riz, ce sont des anciennes mines d’or. Mais, voilà, il y a des cultures. Même ici, si vous revenez une année après, vous constaterez que tout a été remis en état », se défend Samson Biragaba, président de la Coopérative minière Duterimbere Rugombo.
Dans certains cas, il indique, sans donner plus de détails, que la remise en état revient aux propriétaires des terres en ces termes : « Après notre travail, et selon les termes de contrat, ils reviennent ici pour cultiver. Et là, ils doivent d’abord réaménager le terrain »
Il fait savoir que dans les sites où on fait l’exploitation à ciel ouvert, les dégâts environnementaux ne sont pas fréquents.
Malgré que le constat sur le terrain soit tout autre, M. Biragaba affirme que la remise en état est faite juste après l’exploitation. Il soutient d’ailleurs que les anciennes mines sont productives.
Ce qui n’est pas vrai selon un agriculteur de la localité de Rugeregere qui s’’est exprimé sous couvert de l’anonymat. « Regardez, il ne reste que du sable. Qu’est-ce que tu peux cultiver sur ces tas de sable et espérer une bonne production ? », lâche-t-il.
D’après lui, même après le bouchage de ces trous, le sol ne se reconstitue pas facilement : « Il devient infertile. Pour espérer une production, il faut attendre des années et utiliser des quantités importantes de fertilisants.»
Il déplore que souvent, ces orpailleurs rentrent mains bredouilles avec comme explication qu’« ils n’ont pas des techniques de prospection. Ils sont donc obligés de tâtonner souvent. Ils creusent. Et quand ils ne trouvent pas de l’or, ils s’éclipsent sans remettre en état la partie creusée.» avant d’ajouter que ces exploitations menacent des canaux d’irrigation aménagés dans le marais de la rivière Nyamagana.
La loi est pourtant claire
Le nouveau code minier du 4 août 2023 est clair. Son article 133 stipule en effet que le titulaire d’un permis d’exploitation artisanale doit exploiter les substances minérales de façon rationnelle en respectant les normes de santé publique, de sécurité au travail, de protection de l’environnement et de commercialisation de la production.
Ce qui implique, selon l’article 192, une meilleure connaissance du gisement dans les périmètres d’exploitation ; la protection de gisement contre la dégradation et les pertes ; l’adoption des méthodes d’exploitation permettant la récupération intégrale des substances minérales contenues dans le gisement ; la récupération de tous les composants utiles du minerai extrait suivant les processus technologiques connus ainsi qu’une bonne gestion des rejets d’exploitation.
Et d’après l’article 193, tout demandeur d’un droit minier et de carrière doit s’engager à ne pas porter atteinte de manière irréversible à l’environnement ; à ne pas contribuer à provoquer les phénomènes d’érosion et à réhabiliter le périmètre faisant objet d’exploitation.
« Il s’engage en outre à accepter les obligations en matière de remise en état progressive et de réhabilitation des périmètres ouverts par le titre du demandeur ainsi que de tous les lieux affectés par les activités, les travaux ou les installations. »
Et dans son article 202, le code stipule que le titulaire de droit minier ou de carrière est tenu d’élaborer au préalable un règlement relatif à la sécurité, à l’hygiène et aux risques professionnels avant d’entreprendre les travaux de recherche ou d’exploitation.
Des punitions sont aussi prévues pour les contrevenants. A titre illustratif, l’article 249 signale qu’est puni d’une servitude pénale de 2 ans à 5 ans et d’une amende de 5 millions BIF à 10 millions BIF ou d’une de ces peines seulement, tout titulaire d’un droit minier ou toute autre autorisation qui se livre à des activités régies par le présent code sans se conformer aux règles relatives à la santé publique, à la sécurité au travail et à la préservation de l’environnement.
L’article 252 quant à lui stipule qu’est puni d’une amende d’1 million à 3 millions BIF, le fait pour un artisan minier ou carrier d’avoir contrevenu aux obligations en matière de remise en état des sites, telles qu’elles résultent des dispositions relatives au respect de l’environnement.
RENCONTRE
Dr Prudence Bararunyeretse : « L’exploitation minière est l’une des activités à haut risque sanitaire »
Au Burundi, on pratique l’exploitation minière et aurifère dans différents coins du pays. Est-ce que ces activités respectent l’environnement?
Dans le contexte d’évolution de l’activité minière au Burundi, il serait très difficile de répondre par l’affirmative. En effet, l’activité minière se pratique au Burundi depuis bientôt un siècle. Pendant des dizaines d’années, elle est restée dominée par une exploitation de type artisanal, informel et sans cadre approprié de planification et de gestion structurée et avec peu ou presque pas de soucis environnementaux.
Faute de connaissances, d’expériences et de moyens appropriés pour identifier, prévoir, évaluer et gérer les dommages socio-environnementaux y associés, le passage vers l’exploitation formelle et organisée en coopératives n’a pas apporté beaucoup d’engagement et de changement sur l’aspect environnemental et social.
L’évolution vers l’artisanat minier semi-mécanisée et encore timidement vers la petite mine ne manifeste pas non plus assez de succès et cela pourrait être de même de celle projetée vers la grande mine si des stratégies appropriées ne sont pas prises dorénavant.
Parlant des impacts, ils ne sont pas seulement environnementaux, mais aussi ils sont sociaux, économiques et culturels.
Les impacts environnementaux concernent principalement la dégradation des écosystèmes terrestres à tr vers notamment la déforestation, l’érosion du sol et la pollution par des substances toxiques.
Le déversement des déchets physiques et des substances chimiques et toxiques dans la nature entraine notamment la dégradation des écosystèmes aquatiques. Ce qui affecte dangereusement la qualité, la quantité et la disponibilité de l’eau. Il entraine aussi la perte de la biodiversité, incluant la faune et la flore terrestres et aquatiques. Il occasionne également la dégradation de la qualité de l’air par des substances polluantes et les effets sur le changement climatique.
Quid des impacts sociaux et économiques ?
En ce qui concerne les impacts sociaux, il faut dire directement que la santé humaine est affectée notamment par le contact direct avec les substances dangereuses ou via la bioaccumulation et la bioamplification le long de la chaine alimentaire. Il s’agit également des déplacements et de la perturbation des modes de vie des populations. Ce qui est souvent à l’origine des conflits et des tensions sociaux.
Du côté économie, les impacts sont notamment liés à la grande dépendance des populations vis-à-vis de l’exploitation minière ainsi que le manque d’anticipation ou de résilience économique face à l’épuisement de ressources minières qui sont non renouvelables.
On n’observe généralement pas non plus de réinvestissement des ressources issues de l’exploitation minière dans la production d’autres types de capitaux pouvant contribuer à l’amélioration du bien-être futur et à la croissance économique.
Cela se remarque aisément dans des zones de grande activité minière chaque fois que, pour des raisons diverses, il y a arrêt de l’exploitation minière. La chaine d’approvisionnement minière impliquant une multitude et diversité de personnes, les effets s’observent à plusieurs niveaux.
Enfin, l’impact peut aussi être culturel notamment lorsque l’activité minière affecte les sites culturels et récréatifs.
Est-ce que tous ces impacts se manifestent au Burundi ?
Ils existent ou ils ont existé au Burundi, particulièrement dans les zones de grande activité minière comme c’est le cas particulièrement dans les provinces de Cibitoke, Muyinga, Ngozi, et Kayanza.
Que faire pour éviter cela ?
L’une des solutions à ces défis est l’élaboration et l’exécution rigoureuse d’un plan d’impact environnemental et social ainsi que le plan de gestion des risques. Ces plans sont normalement une exigence légale et l’une des conditions requises pour obtenir l’autorisation d’exploitation des mines ou les contrats miniers.
Si les problèmes ci haut évoqués s’observent, cela peut être dû au fait que les études d’impact ne sont pas faites ou elles ne sont pas faites convenablement. Soit elles ne sont pas exécutées rigoureusement ou le contrôle de leur mise en œuvre ne se fait pas ou ne se fait pas convenablement.
Qu’est-ce qui le prouve ?
Par exemple, on remarque à travers le pays des sites ayant servi d’exploitation minière ou de carrière qui ont été abandonnés sans que leur réhabilitation s’en suive. Il est aussi anormal qu’après l’exploitation ou le traitement minier, les sites soient immédiatement exploités à des fins agricoles, récréatives et d’habitation sans qu’aucune étude de la qualité physique et chimique de ces milieux n’y soit conduite.
Il faut savoir qu’une étude d’impact environnemental est un instrument à la fois règlementaire, technique et scientifique. Si le côté technique peine à se faire bien remarquer, qu’en est-il de l’aspect scientifique consistant en une identification, une prédiction et un suivi-évaluation des impacts occasionnés ? Avec la conjugaison des efforts, on peut faire mieux.
N’est-ce pas aussi une menace sur la santé en général ?
Si. L’exploitation minière est l’une des activités à haut risque sanitaire. Les impacts les plus fréquents, observés actuellement et dans le passé au Burundi, sont ceux liés à l’exposition aux substances toxiques pouvant affecter négativement ou endommager les fonctions immunitaires, respiratoires, neurologiques, reproductrices et oculaires.
Cette exposition peut aussi conduire à d’autres problèmes mineurs ou graves comme les maladies cutanées, les cancers et bien d’autres maladies. Suivant le type de substances concernées, l’ampleur et la durée de l’exposition ainsi que les effets peuvent être aiguës ou chroniques, réversibles ou irréversibles, cumulatifs ou non.
Ils peuvent même conduire à la mort subite, à moyen ou à long termes. Ces problèmes de santé ne concernent pas seulement les employés dans les mines mais aussi les communautés environnantes des sites miniers.
Qu’en est-il de la santé des employés orpailleurs ?
Chez les employés orpailleurs, des accidents miniers sont possibles pouvant aller des blessures à la mort. Ils sont causés notamment par les glissements et les éboulements de terrain ; les effondrements des tunnels pour les mines souterraines ; les explosions de gaz toxiques ou asphyxiants ; le manque ou le déficit du système d’oxygénation dans les tunnels.
Le manque de mécanismes appropriés de sécurité et d’anticipation sur ces incidents ; le manque de secours d’urgence, de protection individuelle et d’assurance santé constituent les défis majeurs à relever.
L’effectif des victimes d’accidents miniers serait jusqu’ici alarmant, particulièrement dans les provinces de Cibitoke et Muyinga. Les incidents liés à la mauvaise conception et entretien des terrils miniers sont aussi dangereux. Les conditions de travail sont généralement dures. Ce qui conduit souvent à une fatigue et un épuisement extrême chez les mineurs. L’hygiène est aussi précaire dans les sites miniers.
Associées aux conditions de travail dures, le manque d’hygiène expose les mineurs et les communautés environnantes aux maladies comme le paludisme et à la tuberculose.
Au Burundi, existent-ils des produits chimiques utilisés dans l’exploitation minière qui sont nuisibles à la santé humaine et à l’environnement ? Si, oui, lesquels ?
Le mercure est un des produits chimiques qui a été longtemps largement utilisé par les orpailleurs. Il faut savoir que l’exposition au mercure peut conduire aux troubles divers, y compris les troubles immunitaires, nerveux, neurologiques, respiratoires, digestifs, rénaux et oculaires. Il peut provoquer aussi des lésions gastro-intestinales, des irritations et des ulcères cutanés et buccaux.
Avec les récentes restrictions de l’utilisation du mercure, à l’échelle nationale et internationale, surtout en lien avec la convention de Minamata sur le Mercure, l’usage du mercure a été officiellement interdit dans le secteur minier burundais. XXVII-17.fr.pdf (un.org)
Les exploitants du secteur minier respectent-ils scrupuleusement cette interdiction ?
Il peut subsister des cas isolés de l’usage illégal de ce produit. En outre, le mercure étant un des éléments non biodégradables et persistants, des cas d’accumulation dans l’environnement pourraient subsister et conduire toujours aux mêmes effets. A notre connaissance, il n’y a pas encore eu de projets de détoxification des milieux affectés ou des victimes.
Comme alternative à l’amalgamation, des exploitants miniers font recours au procédé de cyanuration.
Pas dangereux…
Au contraire. L’exposition au cyanure est aussi dangereuse. Elle peut affecter la respiration cellulaire en inhibant les enzymes mitochondriales catalysant la production d’énergie par les cellules. Le contact direct avec cette substance peut provoquer une irritation oculaire, cutanée et du tractus respiratoire.
Concrètement…
Des scientifiques indiquent qu’une concentration ou une dose de 0,5 et 3,5 milligrammes (mg) par kilogramme de poids corporel peut conduire à la mort.
Il faut savoir qu’il existe toute une gamme de produits pouvant être utilisés dans divers phases d’extraction, de concentration et de transformation des substances minérales dont les effets peuvent être aussi graves ou même plus graves que le mercure ou la cyanure.
L’utilisation des explosifs des roches, avec dégagement des gaz toxiques ainsi que l’exposition à des poussières contenant des substances comme la silice seraient notamment à l’origine d’intoxication avec des troubles respiratoires mortels qui s’observent dans les zones aurifères comme celles de la commune Butihinda (Muyinga) où plusieurs familles enregistrent des pertes des leurs. Ces morts sont ainsi une preuve de l’effet cumulatif et de l’apparition tardive des troubles dus à l’intoxication par ces substances. Les victimes se compteraient aujourd’hui en termes de dizaines ou de centaines selon des témoins.
Par ailleurs, ce sont pas seulement les substances utilisées dans l’exploitation des mines qui doivent faire l’objet des préoccupations environnementales et sanitaires. Les substances minérales recherchées elles-mêmes et d’autres qui leur sont associées doivent également l’être.
Ces substances qui existent naturellement dans la croute terrestre mais en quantités généralement tolérables au niveau de la couche supérieure ou de la surface du sol s’accumulent en effet progressivement sur la surface jusqu’à atteindre des concentrations excessives et dangereuses.
Quels sont ces éléments ?
Cela peut être le cas pour beaucoup d’éléments ou composés, y compris les métaux lourds comme le nickel (Ni), le cuivre (Cu), le cobalt (Co), l’arsenic (As), le vanadium (V), l’étain (Sn), le zinc (Zn), le plomb (Pb), l’antimoine (Sb), le cadmium (Cd), le chrome (Cr), le manganèse (Mg), le sélénium (Se), le tellure (Te) et le thallium (Tl).
Normalement, que dit la loi en ce qui est de la protection de l’environnement et de la santé des mineurs?
La loi prévoit des dispositions contraignantes en matière d’études d’impact environnemental et social. Le rapport validé d’études d’impacts environnemental et social et le plan de mise en œuvre y relatif est l’une des conditions exigées pour obtenir des droits miniers ou de carrière.
L’un des problèmes qui se posent au Burundi est que les dispositions légales et réglementaires ne donnent pas assez de détails ou de précisions sur les éléments devant faire l’objet d’analyse et d’évaluation d’impact.
Dans la pratique, il manque un référentiel pour la détermination et l’évaluation du degré d’impact, surtout en ce qui est de la pollution chimique ; l’intoxication ; les impacts sur les fonctions du sol ; la microflore du sol et de l’eau ; la gestion des terrils ; la pollution et la contamination des eaux souterraines ; les effets à long terme ; la pollution à distance pour ne citer que cela. La loi ne précise pas non plus les mécanismes de contre-expertise.
Que proposez-vous pour minimiser ces impacts environnementaux et sanitaires ?
Il faut une approche intégrée sur les aspects règlementaires, techniques et scientifiques. Il faut envisager des normes ou des protocoles de sécurité stricts ; renforcer les mesures visant l’amélioration des études d’impact environnemental et social ainsi que le respect de leur mise en œuvre effective.
La mise en place d’un mécanisme approprié de contre-expertise des études d’impact est aussi d’une grande nécessite. La réhabilitation des sites dégradés doit en outre tenir compte des particularités écologiques, des substances toxiques en causes, et de l’usage projetée du site concerné. La détoxification des sites pollués est également à tenir en considération.
Il faut en outre adopter des techniques minières à faible impact environnemental et social ainsi que des équipements appropriés et des pratiques respectueuses de l’environnement. Cela est d’autant plus important que le pays envisage une industrialisation de l’exploitation minière (petite et grande mine).
Aussi, il est important d’envisager une réutilisation des déchets miniers ; de poursuivre les mesures de lutte contre l’exploitions minière illégale ; de former les acteurs impliqués directement ou indirectement ; de doter les travailleurs miniers d’outils de protection individuelle et de se rassurer de leur niveau de connaissance des risques.
Il faut également un engagement ferme de la part des entreprises ou sociétés minières en matière de responsabilité sociale, y compris le respect des exigences ou normes environnementales et sanitaires ainsi que l’implication communautaire locale.
Ce reportage a été réalisé avec le soutien de Rainforest Journalism Fund et le Pulitzer Center.