Les professionnels des médias ont réservé un accueil mitigé à la récente décision du conseil national de la communication(CNC) de suspendre la diffusion des éditoriaux, analyses et commentaires sur les antennes de la radio Rema FM, suite à une plainte en diffamation de trois associations de la société civile locale.
Le CNC a, par la même occasion, décidé de transférer le dossier au ministère public pour les aspects contenus dans l’article 50 de la loi régissant la presse au Burundi.
L’organe de régulation des médias reconnaît que les propos diffamatoires et injurieux en cause se retrouvent à l’article 50 de ladite loi et le tribunal de grande instance est l’instance habilitée à qualifier et statuer sur les délits visés par l’article en question.
Pour Innocent Muhozi, directeur général de la radiotélévision Renaissance, le CNC a joué son rôle en désapprouvant ce qui s’est passé. Quant au fond de l’affaire, accuser des gens de vouloir renverser le gouvernement, ce n’est pas une blague. Prétendre qu’on en a des preuves, c’est un pari risqué. Les propriétaires de la radio sont des personnalités importantes dans le système politique de ce pays. Ce n’est pas interdit par la loi d’être un organe d’information d’un parti politique. Même dans ce cas de figure, il y a des choses qu’on ne s’autorise pas.
De l’avis d’Alexandre Niyungeko, président de l’union burundaise des journalistes(UBJ), les propos qui ont été diffusés par Rema FM étaient tout sauf du journalisme. Que le CNC ait le courage de sanctionner, c’est le principal. Ce qu’on n’a pas compris, c’est de transférer le dossier devant la justice. Le CNC était lui-même épinglé dans l’éditorial. Le CNC aurait mieux fait de conseiller les plaignants de porter plainte devant la justice. Si ce genre de dérapage pouvait être réglé devant les instances de régulation, cela serait une bonne chose. Surtout que nous militons en faveur de la dépénalisation des délits de presse. Quant à la directrice de la radio Rema FM, elle annonce qu’elle n’appliquera pas la sanction du CNC, après avoir exprimé son étonnement. Quoi qu’il en soit, on peut commettre des erreurs. L’humilité commande de les reconnaître. « D’un autre côté, affirme-t-il, je plains les confrères qui se laissent manipuler, car c’est sur eux que les conséquences vont retomber. Et d’ajouter qu’il n’a jamais entendu une autre radio de par le monde agir de la sorte. « Quelle autre radio se comporterait de la sorte et continuerait à émettre ? Si Rema FM ne s’exécute pas, je demanderai au président du CNC de démissionner », conclut-il.
Gilbert Bukeyeneza, journaliste au groupe Iwacu, a également salué la décision du CNC. En ce qui concerne la réaction de la directrice de Rema, il faut une prise de conscience par rapport à un passé récent où les médias ont eu une influence négative sur la vie des nations. Pour lui, même si elle n’a pas voulu l’avouer, elle sait que ce qui a été diffusé n’est pas du journalisme. Appeler des gens « menteurs invétérés », c’est fort. Il estime que s’il advenait, par après, des crises, cela retomberait sur la directrice.