Dans un communiqué sorti à la veille de la 56ème commémoration de l’assassinat du héros national, Bujumbura accuse ouvertement la Belgique d’être le commanditaire. Une sortie qui risque d’exacerber les tensions existantes.
Le gouvernement du Burundi épingle ouvertement la Belgique d’avoir une grande responsabilité dans l’assassinat du prince Louis Rwagasore et de sa famille. En outre, il déplore que jusqu’à maintenant, l’ancienne puissance coloniale n’a pas encore rendu ses comptes .Bujumbura va même à affirmer que la Belgique est derrière les différentes crises politico ethniques qui ont endeuillé le Burundi. Et cela, suite à l’ancienne politique coloniale de diviser pour régner.
Bien que sa responsabilité n’ait pas encore été clairement prouvée dans l’assassinat de Rwagasore, la thèse d’un complot ourdi par la Belgique reste vivace dans l’opinion. Guy Poppe, auteur de Rwagasore le Lumumba Burundais, explique comment la Belgique a tenté de manipuler le procès. En effet, le ministère des Affaires étrangères a envisagé des démarches pour couvrir ceux qui étaient responsables au Burundi au moment de l’attentat.
De son côté, le prince Charles Baranyanka, frère de Ntidendereza et Birori (condamnés à mort pour l’assassinat de Rwagasore) dans son livre le Burundi, face à la croix et la bannière, impute de façon « déguisée » mais « incontestable », la responsabilité de l’attentat à l’autorité de tutelle. Il ne pointe pas du doigt la Belgique en tant que telle. Pour lui, elle avait d’autres chats à fouetter.
Quant à Kageorgis, bourreau du prince, dans la lettre envoyée à ses parents, affirme qu’il n’a pas agi en solo. « Je proclame solennellement que je ne suis pas le seul coupable. Ce crime fut perpétré par la tutelle », écrit-il. Dans cette même correspondance, il souligne que son exécution va peser sur la conscience de la Belgique. Cet «assassin» accuse l’ancienne puissance coloniale de vouloir «étouffer» sa culpabilité.
Pourquoi, maintenant ?
Ludo de Witte, journaliste belge, affirme que le gouvernement burundais aurait «couvert» les Belges. S’appuyant sur les archives britanniques, il indique que la Belgique ne voulait pas que le procès soit refait afin que son rôle ne soit rendu public. Elle a même menacé de couper l’aide si Bujumbura contrevenait à ça. L’historien belge indique que selon l’ambassadeur britannique de l’époque un « deal »aurait été fait. L’opinion burundaise ne pouvait pas supporter un verdict belge vu que certains responsables de la puissance coloniale étaient mouillés.
Le premier ministre André Muhirwa, ne pouvant se passer de l’aide de l’ancienne puissance coloniale, a choisi la voie du compromis : Le gouvernement fera exécuter les assassins de Rwagasore sans être sanctionné par Bruxelles et en échange, au cours de l’enquête, il n’y aura aucune investigation à propos des Belges.
Une certaine ’opinion s’interroge sur le motif derrière les déclarations de Bujumbura. Est-ce lié aux relations de plus en plus froides entre les deux pays ? Une piste plus plausible au regard de la situation mais qui n’explique pas tout. Selon un observateur avisé, que le Burundi relance les débats est plus que normal. Il estime que l’implication belge dans l’assassinat de Rwagasore n’est pas anodine.
Il rappelle que la Belgique a reconnu son rôle dans l’assassinat de Lumumba. Idem pour la France, dans les crimes commis pendant la guerre d’Algérie. Rien n’exclut qu’elle puisse faire de même pour le Burundi. «Il devrait aussi reconnaître sa responsabilité d’autant plus que les dirigeants belges d’aujourd’hui n’ont pas connu la colonisation et qu’ils n’ont pas de responsabilité personnelle dans ce qui s’est passé dans les années 1960 », conclut-il.