Cette semaine, j’ai décidé de parler d’une jeune albinos. Ce qui lui est arrivé n’est pas un simple « fait divers ». Non. Ceci devrait nous interroger tous. « J’ai décidé d’amener ma fillette chez sa grand-mère qui habite dans la commune Nyabihanga, province Mwaro », dit Joselyne Kwizera, cette veuve de la colline Kirekura, commune Mutimbuzi. Le seul péché de la fillette : être née albinos.
Les termes « Iboro ou Imari », c’est-à-dire « objets précieux ou porteurs de fortunes » ont été utilisés, il y a quelques années, pour désigner des albinos. On leur attribuait des pouvoirs magiques : ils étaient tantôt vus comme des démons, tantôt des êtres bénis qui apportent chance et fortune.
On se souvient, dans les années 2008-2012, des albinos qui ont été chassés, mutilés et tués surtout dans les provinces frontalières de la Tanzanie. Le meurtre rituel de personnes atteintes d’albinisme était commis pour s’emparer des organes de leur corps « transformés par des sorciers en potions magiques ». On pensait que ce phénomène était d’une autre époque. Le gouvernement et d’autres organisations humanitaires avaient mis tout le paquet pour décourager cette pratique macabre.
Joselyne Kwizera et sa fille sont des fugitives, dans leur propre pays. Cette fille a besoin de l’affection maternelle, a le droit de vivre et d’être aimée comme les autres enfants. Comme tout être humain, elle est porteuse de rêves, de projets, d’ambitions. Sa sécurité doit être assurée par l’administration locale, la police et la population.
Les personnes affectées d’albinisme souffrent naturellement assez. Outre leur vulnérabilité à l’exposition au soleil, le problème de vision, une profonde méconnaissance sociale et médicale de l’albinisme est aussi à l’origine de stigmatisations, de discriminations et de violences profondément ancrées.
Selon une enquête menée par RCN Justice et Démocratie, il est très difficile pour les individus albinos de trouver une place au sein de la société, notamment en matière d’insertion professionnelle. « Sur 836 albinos recensés, 56.1% n’ont aucune formation scolaire. Ceux qui en ont reçu n’ont généralement dépassé le niveau primaire (36.6%), 3 % ont pu poursuivre des études secondaires, 0.5% ont fréquenté l’université ».
En un mot comme en mille, une action qui vise la protection, la reconnaissance des droits et l’intégration socio-économique des personnes albinos au Burundi doit être mise en œuvre. Cela permettra de parer à leur stigmatisation, discrimination, violation de certains de leurs droits. En attendant, Joselyne Kwizera et sa fille doivent être réhabilitées. Elles auront ainsi recouvré l’estime, la considération qu’elles ont perdues…
Pour ce cas précis, que font l’administration et la police? Nous avons le chef de colline, les notables « abahuza », la police. Est-ce que personne ne peut se saisir de ce cas et traduire ce jeune devant la justice? Un silence qui trahit.