Dans la commune rurale de Makebuko, en province de Gitega, une révolution est en marche. Les agriculteurs confrontés à la flambée des prix des engrais chimiques et à leur disponibilité intermittente, se tournent en effet vers le compost fabriqué localement qu’il soit liquide ou produit à l’air libre.
Face aux défis agricoles, Makebuko prend les devants. Une solution locale avec des ingrédients locaux à portée de main vient supplanter les engrais industriels dans la plupart des cas chers et insuffisants.
Pour bon nombre de cultivateurs de Makebuko, la fabrication du compost biologique à l’air libre dans quinze jours et la fumure liquide appelée communément l’urée commencent à donner des résultats.
D’après eux, l’usage du compost biologique est bien plus qu’une solution de substitution. Alors que les engrais chimiques importés arrivent au compte-goutte ou n’arrivent pas du tout dans les campagnes, cette alternative, basée sur l’utilisation des végétaux locaux, fait le consensus.
Dans les champs, cette technique, accessible et écologique, s’impose comme une solution adaptée aux défis de l’agriculture locale et nationale. Aujourd’hui, même les intellectuels s’y mettent assidûment. Dans un centre d’enseignement des métiers tenu par l’Association Agakura où on apprend notamment cette technique, il n’est pas rare en effet d’y croiser les lauréats des universités ou des instituts d’agriculture.
« C’est par curiosité que j’ai commencé la formation en agriculture biologique. Mais, aujourd’hui, je constate que je gagne beaucoup. Le compost biologique est de loin moins cher par rapport aux autres engrais.», raconte Francine Ndayisenga qui sort fraichement de l’Université du Burundi. Selon elle, non seulement le compost biologique de quinze jours est facile à faire mais aussi on fabrique la quantité d’engrais qu’on souhaite suivant la superficie du champ.
« Que ce soit pendant la saison des pluies ou la saison sèche, ce compost reste facile à faire et dans un petit laps de temps. Inutile donc d’attendre des mois et des mois pour avoir ses engrais. Quinze jours suffisent pour fertiliser le champ comme on veut sans dépenser un seul centime », indique Gratien Sabokwigura diplômé de l’Itabu Kanyinya en commune Itaba.
Ce constat, partagé par de nombreux agriculteurs, illustre les bénéfices pratiques de cette nouvelle approche. Les feuilles mortes et les cendres deviennent des trésors agronomiques.
Il en est de même pour la fumure liquide (urée) obtenue par fermentation contrôlée des feuilles riches en azote qui est notamment prisée pour sa facilité d’application et ses résultats rapides.
« C’est facile d’obtenir l’urée. Il suffit de mettre les feuilles de tithonia diversifolia, leucaena ou calliandra dans l’eau pendant quinze jours. On obtient de l’urée et de l’insecticide en même temps », explique Marie Grâce Tuyikeze, elle aussi diplômée en agriculture.
Des atouts environnementaux
D’après les formateurs du Centre d’enseignement des métiers de l’Association Agakiza de Makebuko, contrairement aux engrais chimiques, le compost biologique enrichit les sols sur le long terme tandis que les engrais chimiques donnent des résultats immédiats.
Mais, ces derniers appauvrissent la terre avec le temps. Les engrais organiques sont obtenus naturellement à partir des sources végétales ou animales.
« Ils nourrissent les plantes et fait non seulement vivre le sol mais aussi les vers et les microorganismes essentiels », explique Félicien Ndayisenga, formateur en agronomie. Selon lui, ce virage vers l’agriculture écologique présente également des atouts environnementaux.
Et pour preuve, le compost biologique réduit la dépendance aux intrants importés et limite les résidus chimiques. Il contribue aussi à atténuer la pollution des eaux souterraines et à diminuer l’empreinte carbone de l’agriculture burundaise. Ce formateur voit en cette pratique une opportunité pour transformer non seulement l’agriculture locale mais aussi celle de tout le pays.
« Si les agriculteurs de toutes les provinces adoptent la technique de compost que nous promouvons ici, nous pourrons réduire les importations d’engrais de 50% dans les cinq prochaines années. Cela rendrait notre agriculture plus autonome et plus résiliente face aux crises mondiales », a-t-il affirmé. Et d’ajouter que cette autonomisation est cruciale dans un contexte où les aléas climatiques et économiques frappent durement les chaînes d’approvisionnement au Burundi. Cependant, la généralisation de cette pratique sur l’ensemble du Burundi repose sur un enjeu clé : la vulgarisation.
« Si le gouvernement ou les ONG agricoles nous appuient, nous pouvons atteindre bien plus de communes », plaide-t-il. Les formations sur la préparation du compost liquide ou la transformation des déchets organiques sont essentielles pour améliorer encore davantage les rendements et garantir une application optimale.
« Je ne dirais pas qu’on doit rejeter en bloc l’utilisation des engrais industriels mais c’est un choix personnel. Si tu veux produire beaucoup mais avec peu de qualité tu optes pour ces engrais importés »
Félicien Ndayisenga fait observer que le succès de cette méthode pourrait même dépasser les frontières burundaises. En mettant l’accent sur une production bio, l’agriculture burundaise aurait une occasion unique de se positionner sur des marchés exigeants, particulièrement à l’étranger, où les consommateurs valorisent les produits issus de l’agriculture.
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