Vendredi 25 avril 2025

Société

Région Centre/Karusi : Une expropriation silencieuse à Cicura ?

Région Centre/Karusi : Une expropriation silencieuse à Cicura ?
Marceline Barakana : « Feu mon époux et père de mes enfants vivait ici depuis 1964.»

A Buhiga, une commune enclavée de la province de Karusi, des familles entières de la colline Cicura vivent aujourd’hui dans l’angoisse. Leurs terres, héritées de leurs ancêtres et dûment enregistrées, seraient sur le point de leur être arrachées au profit d’un groupe de dignitaires. Le ministère ayant en charge la gestion des terres tranquillise.

C’était un matin du vendredi 18 avril 2025 sur la colline verdoyante de Cicura en commune Buhiga. Une veuve retraitée de la Fonction publique montre un vieux dossier jauni par le temps. Ce sont ses titre foncier, taxe foncière, plan cadastral de plusieurs hectares obtenus dans les années 1960. Une goutte de larme descend sur ses joues. Marcelline Barakana, la veuve de Laurent Miburo, parle avec une voie entrecoupée de soupirs. Elle n’arrête pas de se demander ce qui arrive maintenant dans sa famille après des années et des années de tranquillité et de bonheur.

« Feu mon époux et père de mes enfants vivait ici depuis 1964. Il a demandé cette terre aux autorités de l’époque et a payé tout le nécessaire pour être propriétaire. Aujourd’hui, ils viennent s’approprier de ma terre sans aucune explication ni plainte de qui que ce soit ».
D’après cette mère de famille de neuf enfants, un groupe de personnes se présentant comme des agents de l’Etat est venu sur cette colline, il y’a un mois, avec des instruments de mesure. Il a rassemblé certaines personnes pour leur demander des documents attestant qu’ils sont propriétaires des terrains qu’elles occupent. Et depuis ce jour-là, des poteaux marqués à la couleur rouge sont plantés ici et là dans leurs champs.

Sur cette colline, d’autres familles seraient aussi dans le viseur. Elles dénoncent une injustice sans nom. « On nous chante que nous sommes en démocratie alors que les puissants veulent avaler les petits. J’ai entendu que ce sont les députés qui viennent s’approprier de nos terres. Que le président de la République intervienne ! Lui seul peut stopper cette barbarie », appelle Pascal Rubani propriétaire de quelques hectares.

Un fond ethnique

Face à cette situation ambiguë, le désespoir alimente les rumeurs. Les familles dont l’épée de Damoclès est suspendue au-dessus de leurs têtes confient que des manœuvres ethnico-politiques pourraient avoir joué dans cette démarche de les exproprier sans management.

Plusieurs d’entre elles pointent une opération de spoliation ciblée visant les Tutsi minoritaires et non membres du parti au pouvoir. Elles seraient accusées de posséder trop de terres qu’elles n’exploitent pas.
« Cela se voit comme le nez au milieu du visage. Les familles qui sont visées sont de la même ethnie et ont des terres fertiles. Mais, ce qu’ils oublient, c’est que nous les avons héritées il y a très longtemps et c’était de la brousse. Nous avons fourni beaucoup d’efforts pour qu’elles attirent l’appétit des dignitaires d’aujourd’hui », charge un père de famille très remonté. Selon lui, certains chercheraient à associer leurs terres avec celles de l’Isabu (Institut des Sciences agronomiques du Burundi) sauf que les documents disponibles indiquent que l’Isabu ne s’est installé à Karusi qu’en 1984 soit plus de vingt ans après l’arrivée des familles concernées.

Aucune famille n’est visée

Dans cette localité, les familles accusent l’administration de rouler au profit d’une coopérative des personnes influentes. Sans pour autant les citer, beaucoup soupçonnent une certaine coopérative appartenant aux députés de l’Assemblée nationale.

Face aux protestations, l’administration provinciale botte en touche. La gouverneure de Karusi, Dévote Nizigiyimana contactée par téléphone, affirme ne pas être impliquée expliquant que la gestion des terres relève exclusivement du ministère ayant l’agriculture dans ses attributions qui a la prérogative d’attribuer les terres agricoles aux gens ou de les exproprier.

Le porte-parole du ministère cité, Clément Ndikumasabo, rejette quant à lui les accusations des familles de Cicura. Il affirme en outre qu’aucune famille n’est visée ; que le travail de faire l’éventaire des terres disponibles pour tel ou tel autre projet agro pastoral revient au ministère.
« Ces familles ne doivent pas être inquiètes. Seulement, elles doivent attendre le rapport final de la commission mandatée pour inventorier les terres domaniales exploitées par les squatters. Si elles sont en ordre avec des documents authentiques, sans douter que personne ne sera expulsée », assure-t-il.

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