Dans les quartiers populaires de Gitega, une boisson locale fait parler d’elle. Fabriquée à base de grains de maïs, umugorigori coule à flot et cause assez de dégâts. Beaucoup commencent à demander son interdiction dans les bistrots.
Assimilée aux boissons locales comme la bière de sorgho, ce liquide est servi du matin au soir dans les bistrots des quartiers populaires comme Yoba, Magarama et Nyabututsi. Femmes et hommes y sortent en titubant et souvent des bagarres éclatent pour un oui ou pour un non. Un dénominateur commun pour ces lieux toujours fréquentés : une musique forte et une saleté repoussante.
Vendue et consommée timidement au début par des personnes qui ont séjourné dans les camps de réfugiés tanzaniens, l’umugorigori a aujourd’hui supplanté le vin de bananes et les boissons de la Brarudi souvent indisponibles et plus chères. Elle est fabriquée à partir des graines de maïs fermentées. Cette boisson artisanale est prisée par les habitants aux revenus modestes. Ils sont attirés par son coût abordable et sa disponibilité dans les petits bistrots de fortune.
« Une bouteille de vin de banane est à 3 000 FBu. Celle d’umugorigori est à 1 000 FBu. On n’a pas besoin de manger avant de le prendre. Il s’agit à la fois du thé, d’une bière et de la nourriture. Umugorigori se suffit d’elle-même », raconte Aloys Gahungu, un veilleur de nuit au quartier Yoba. D’après lui, cette boisson n’a pas d’effets secondaires comme les autres bières ou alcools fabriqués au Burundi.
Il indique en outre qu’il l’a bue pour la première fois en Tanzanie et qu’il n’a jamais eu des conséquences sur sa santé. Même son de cloche chez Pontien Nduwimana, un taxi-vélo trouvé dans l’un des bistrots d’umugorigori au quartier Magarama. Il fait savoir que dans cette période où les bières classiques coûtent chères, il est difficile de se passer d’umugorigori, son prix étant abordable pour tout le monde.
« Elle est très délicieuse et sans conséquence quel que soit l’heure à laquelle on la consomme. Tu peux la prendre le matin avant d’aller au travail mais elle ne t’empêche pas de vaquer à tes occupations quotidiennes comme les autres bières »
Quant aux vendeurs, ils défendent leur activité en mettant en avant ses bienfaits économiques. D’après eux, dans un contexte marqué par le chômage et la pauvreté croissante, ce genre de petits commerces sont souvent le seul moyen de subsistance pour de nombreuses familles.
Marthe Nihorimbona, propriétaire d’un bistrot, explique : « Ce n’est pas la boisson qui pose problème, mais celui de ceux qui la mélangent avec des alcools très forts. Nous, nous essayons juste de gagner notre vie. Si on ferme nos bistrots, comment allons-nous nourrir nos enfants ? »
Un fléau sanitaire et sécuritaire
Malgré les hautes vertus que les consommateurs invétérés lui accordent, l’umugorigori reste un sujet de débat dans la ville de Gitega. Une visite dans ces bistrots de fortune a permis de constater que cette bière locale n’est jamais consommée seule. Elle est mélangée avec du kick et d’autres alcools à forte concentration. Pour tromper la vigilance de la police, les clients achètent une bouteille d’umugorigori et y versent du kick. Ce cocktail devient explosif.
La population qui vit tout autour de ces bistrots estime que trop c’est trop. Même si cette boisson est une alternative économique aux bières classiques, elle suscite également de vives inquiétudes en raison de ses conséquences sanitaires et sociales. La cohabitation avec ces maisons est devenue difficile et inquiétante. Les gens soulignent que ces lieux sont souvent réputés pour être des repères de bandits et de femmes à comportement léger.
« Les bagarres éclatent presque tous les soirs. Ils ne se gênent pas de dire des obscénités devant les enfants. Du matin au soir, c’est le désordre. Certains clients deviennent incontrôlables et troublent notre tranquillité. Nos enfants grandissent dans un environnement dangereux», déplore le prénommé Issa qui soutient l’idée d’interdire purement et simplement ce genre de bistrots au milieu des habitations.
Et à la prénommée Espérance d’ajouter : « Je ne sais pas si l’administration voit ce qui se passe ici. Ils urinent et défèquent partout comme des animaux. La puanteur entraine des essaims de mouches jusque chez nous. Nous sommes exposés à des maladies des mains sales »
Tandis que certains habitants plaident pour une fermeture pure et simple des bistrots d’umugorigori, d’autres proposent que ces établissements soient réglementés comme les bars classiques, avec des heures d’ouverture limitées et des contrôles sanitaires stricts.
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