Vendredi 22 novembre 2024

Société

Région centre/Gitega : Quand la campagne se vide de ses jeunes

Région centre/Gitega : Quand la campagne se vide de ses jeunes
Steve et son copain devant un restaurant pendant la nuit

Depuis des années, les jeunes filles et garçons abandonnent l’école pour venir dans la ville de Gitega et Bujumbura. Aujourd’hui, la population de Gitega commence à s’inquiéter de cette ruée vers la ville. Elle n’hésite plus à condamner publiquement le travail domestique des mineurs.

Le travail des enfants est une triste réalité en province Gitega. D’après nos sources, la pauvreté des parents contraint bon nombre d’enfants à travailler pour la survie au lieu d’aller à l’école. Leur âge moyen est entre 12 et 15ans et travaille dans des ménages de Gitega. Les jeunes filles sont engagées comme nounous, les petits garçons vendent des arachides, la bouillie, le thé et des beignets. Arrivés en ville, ils sont corvéables à merci.

Ces vendeurs ambulants se lèvent très tôt et rentrent tard dans la nuit. Ils parcourent toute la ville et quartiers pour vendre le maximum possible. Comme toujours, ce sont les enfants des pauvres du milieu rural qui viennent travailler et souvent sont payés une misère. Tout cela au grand dam de ceux qui contestent cette exploitation des mineurs mais à la grande joie de ceux qui les engagent.

Selon les témoignages de ces enfants, la plupart d’entre eux quittent le banc de l’école et viennent en ville en commun accord avec leurs parents mais il y’a d’autres qui prennent leurs décisions seuls sans concertation avec la famille.

« Ceux qui les engagent sont responsables des abandons scolaires ! »

« J’avais fait trois ans dans la classe de 5ème et mon père a refusé de me payer les cahiers et l’uniforme. J’ai décidé de venir ici. Avant, je voulais aller à Bujumbura mais mes amis m’ont persuadé de rester à Gitega », indique Gérard, 14 ans et vendeur d’arachides. D’après lui, son patron lui paie 10.000 BIF mensuellement car c’était le premier job qu’il a eu en arrivant en ville. Ce qui n’a pas été facile pour Steve et son camarade de Karusi. Depuis 3 mois, ils errent dans la rue et ne vivent que par la pitié des uns et des autres.

« Nous ne pouvons pas retourner sur la colline. Nos parents nous ont fermement interdit de revenir sans apporter de l’argent. Ils nous ont dit que même les plus petits parviennent à travailler et font vivre leurs parents », soulignent-ils. Pour Gérard, il a eu de la chance en trouvant vite du travail mais pour les autres venus ensemble, le calvaire continue. Ils n’ont ni toit ni travail. Ils déambulent dans les quartiers et font du porte-à-porte en demandant du travail. Tout ce qu’ils veulent, c’est un emploi et un logement.

Selon certains habitants de Gitega, il faut que cette habitude s’arrête. « Les familles qui poussent leurs enfants de venir chercher du travail en ville doivent être poursuivies comme ceux qui engagent les mineurs », s’insurge un habitant de la ville de Gitega. Pour lui, accepter de donner du travail à un enfant est synonyme d’encourager les autres familles irresponsables qui veulent gagner de l’argent à travers l’exploitation des enfants.

« Un papa ou une maman soi-disant pauvre ne fait pas d’effort pour faire étudier son enfant quand il constate que l’enfant du voisin lui envoie quelques billets d’argent. Il préfère qu’il travaille au lieu de l’envoyer à l’école et à la fin cette habitude devient générale pour tout le monde », déplore Eustache. Il propose de combattre ce fléau à la racine c’est-à-dire à partir des campagnes.

Même sentiment de désolation chez Anne Marie de Gahera à Gitega. D’après cette mère de famille, il est inconcevable que quelqu’un engage un mineur qui a le même âge que celui qu’il est censé garder. Elle fustige le comportement de ses voisines qui choisissent une nounou de 14 ans parce qu’elles vont la payer moins chère. « Imaginez quelqu’un qui veut que sa domestique se lève tôt pour préparer les enfants à aller à l’école alors qu’elle est la plus petite d’entre eux. C’est elle qui prépare le repas, fait la vaisselle et lave les linges. Le soir, ils ne trouvent aucune pitié d’elle et l’obligent à dormir après que toute la famille est allée au lit. Je trouve ça comme un crime !»

Quant à Révérend Pasteur Donatien Mbazumutima de l’Action des Chrétiens pour la Protection des Mineurs (ACPM), la lutte contre ce fléau doit se faire en synergie. L’administration, les organisations qui luttent en faveur des droits des enfants, les Eglises, … devaient travailler ensemble pour que ces enfants ne soient pas exploités. « C’est leur avenir qui est en jeux. S’ils sont renvoyés par les employeurs, ils ne trouvent aucune voie de sortie à part la rue pour les garçons et la prostitution pour les filles », clame-t-il.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Kanda

    Beaucoup d’ONGs + l’UNICEF + les Ministères qui disent oeuvre pour la protection de l’enfant mais qui n’enrichissent que leurs fonctionnaires… C’est déplorable ! La pauvreté ou la précarité est patente dans beaucoup de familles, il faut que chaque bouche ait vraiment à manger et de l’argent pour sortir de ce cycle infernal. Il faut vraiment traduire ces paroles en actions concrètes.

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