Pour la plupart des prisonniers, surtout ceux du milieu rural, vulnérables et indigents, une mauvaise connaissance de la loi et des procédures judiciaires les ont mis sous les verrous. Certains affirment qu’ils ont été condamnés par manque d’assistance judiciaire.
Certains sont condamnés, d’autres ne le sont pas encore ou sont déjà libérés. Pour tout ce monde, l’assistance judiciaire a fait défaut dans la plupart des procès. Selon eux, que ce soit devant l’OPJ, le procureur ou sur la barre dans les tribunaux, il fallait la présence d’un avocat.
Mais comme cette assistance demande des moyens financiers, ils succombent aux attaques et aux accusations du ministère public. Ils soulignent qu’il est rare de gagner le procès sans un avocat car la partie accusatrice pèse de tout son poids sur le tribunal et l’accusé.
« Si c’est la première comparution au tribunal, beaucoup ne comprennent pas encore le travail d’un avocat. C’est après la condamnation qu’on se rend compte que l’assistance judiciaire est primordiale », indique Mathias, un ancien condamné aujourd’hui libéré après 3 ans de prison ferme. Comme il le fait savoir, il croyait que les accusations dont il faisait objet étaient non fondées, mais il a trouvé au parquet son dossier long comme le bras.
« Devant l’acharnement du ministère du public, le siège a cédé comme s’ils travaillent de concert. Tout le monde m’affirmait que si j’avais été assisté par un avocat, cette condamnation n’aurait pas eu lieu », a-t-il ajouté. Lui comme les autres qui ont séjourné dans les cachots et les prisons de Gitega, Ngozi et Ruyigi, seules les personnes sans ressources juridiques et financières ont la malchance d’être condamnés alors que les autres s’en sortent bien.
« Dans les prisons burundaises, la majorité des condamnés n’ont pas eu une assistance judiciaire pendant leurs procès. Si vous êtes pauvres et illettrés, les histoires des avocats ne signifient rien. Il faut une campagne de sensibilisation sur l’assistance judiciaire », explique Irène accusée injustement selon elle d’avoir volé son patron.
En plus d’être ignorants sur le rôle des avocats, cette assistance reste difficilement accessible aux populations, particulièrement aux populations vulnérables et indigentes en raison du coût élevé de leurs honoraires et de leur faible couverture géographique.
« Nul n’est censé ignorer la loi, un terme qui fait sourire plus d’un »
A la barre, les accusés sont souvent surpris d’attendre cet adage juridique alors que la majorité ne comprend rien en matière de droit. Certes, ils connaissent le bien et le mal, mais prétendre connaître l’ensemble des textes législatifs et réglementaires relève de la fiction même pour les juges et les magistrats, selon eux. Ce que ne nie pas Me Christelle Mutimukeye du barreau de Gitega.
Selon cette dame avocate, beaucoup sont condamnés parce qu’ils ne connaissent pas la loi. Dans ce cas, l’assistance d’un avocat est indispensable dans certains litiges. Elle affirme que dans la période de 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, les femmes avocates ont aidé dans 58 dont 22 ont été pris en délibéré.
Ces dossiers sont dans la Cour d’appel Ngozi, Cour d’Appel Gitega, Tribunal de Grande Instance de Gitega, Tribunal de Grande Instance de Ngozi et Tribunal de Grande Instance de Ruyigi.
« C’est un constat de tous les jours. Beaucoup de personne sont victimes de leur ignorance ou de leur pauvreté. Si nous avions des moyens, nous aurions pu assister tous ceux qui le désirent. Mais faute de temps et d’indépendance financière des barreaux, il y aura toujours des hauts et des bas de notre travail », a-t-elle reconnu tout en précisant que les 453 avocats installés ne peuvent pas faire le poids devant tous les justiciables qui croupissent derrière les barreaux de 4 régions judiciaires (Ouest, Centre-Est, Région sud, et Région Nord).
Elle appelle à un vaste programme de réforme et de modernisation du système judiciaire en matière d’accès au droit pour résorber les dossiers pendants devant les juridictions. Notons qu’en matière civile, les affaires non évaluables en argent, les honoraires minima vont de 50 mille francs de consultation, 600 mille BIF dans le tribunal de résidence, un million au Tribunal de Grande Instance jusqu’ à 2 millions francs en pourvoi en cassation. Et en matière pénale, les honoraires vont de 500 mille jusqu’à 1 million de nos francs.