Il y’a des mois, dans la ville de Gitega et ses environs, les boissons Brarudi sont insuffisantes et chères. Les vendeurs et consommateurs se retrouvent pris dans une spirale où l’offre, la demande et la spéculation se croisent et s’entrechoquent. Nombreux sont ceux qui pensent que tout cela risque de conduire à une énième hausse des prix des boissons Brarudi.
Depuis quelques semaines, une pénurie de boissons alcoolisées et non alcoolisées produites par la Brasserie et Limonaderie du Burundi (Brarudi) frappe les cabarets, les bistrots et les dépôts de la ville de Gitega.
Tous les soirs, dans toute la ville, les buveurs invétérés passent de cabaret en cabaret pour chercher avec quoi étancher la soif.
Mais comme on l’a constaté, les gens ne sont pas toujours servis comme ils le souhaiteraient. Si ici il y’a quelques bouteilles de Primus, on n’y trouve pas de l’Amstel ou vice versa. Certains prennent ce qu’ils trouvent sur place mais avec regret. « Que faire ? On n’a pas de choix. Aujourd’hui, même le Sapor nous l’adopterons s’il revenait », glisse le prénommé Léonard.
Par contre, des irréductibles amateurs d’Amstel ou de Primus poursuivent leur chasse qui, parfois, ne se termine qu’aux heures de dormir.
Les consommateurs trouvent que la situation est assez préoccupante du fait que, pour beaucoup, notamment dans les quartiers populaires, la bière est non seulement un produit de loisir mais aussi un élément de convivialité sociale.
La rareté de ces produits sur le marché local alimente alors de nombreuses spéculations, allant jusqu’au soupçon de rétention volontaire par les vendeurs. En conséquence, le mécontentement grandit parmi les consommateurs qui accusent non seulement les commerçants mais aussi la Brarudi d’entretenir cette situation pour justifier une nouvelle hausse des prix sous prétexte de la montée du coût des matières premières, en particulier le sucre.
« Nous ne sommes pas dupes pour comprendre toutes ces manœuvres. Certes les commerçants peuvent se cacher derrière cette pénurie mais, l’objectif est simple et clair. La Brarudi veut hausser encore une fois les prix », soupçonne le prénommé Isaac rencontré à Magarama le lundi soir. D’après lui, quand la Brarudi veut revoir ses prix à la hausse, elle crée des pénuries artificielles.
Quelques jours après, un communiqué qui annonce la hausse des prix sort et les boissons coulent de nouveau à flot. Il indique en outre que rien ne le surprendra dans la mesure où le sucre, l’un des composants essentiels dans la production de ces boissons, coûte de plus en plus cher au Burundi.
« Hier c’était le malt et le carburant pour expliquer la hausse des prix des boissons Brarudi. Demain, cela pourra être la hausse du prix du sucre », ajoute-t-il.
Tu paies et tu bois
Actuellement, dans les cabarets et bistrots de la ville de Gitega, les consommateurs témoignent de la rapidité avec laquelle les stocks de boissons disparaissent. Après quelques minutes seulement, les serveurs vous disent qu’il n’y a plus de Primus ni d’Amstel.
Ce qui crée une tension entre cabaretiers et consommateurs. Il s’agit d’une spéculation de la part des vendeurs qui cachent les boissons pour les vendre plus chères, disent les clients. Ils augmentent ainsi temporement leurs marges bénéficiaires.
A Gitega, le prix officiel ou normal n’existe donc plus. Dans plusieurs bistrots, les cabaretiers ne veulent pas reconnaitre qu’ils ont été servis au dépôt. Chaque fois, ils vous donnent la même explication pour justifier pourquoi ils ont haussé les prix : « je les ai achetées par bouteille ».
Et attention ! Il ne faut pas contrarier le serveur en lui posant beaucoup de questions sur la provenance de ces boissons car tu risques de repartir avec ta soif. Le seul principe qui vaille aujourd’hui, tu paies et tu bois Les habitués ne demandent plus par ailleurs les prix car ce serait peine perdue et ils s’attireraient des embrouilles pour rien.
« Ils doivent se débrouiller pour ne pas fermer. Seuls les grands cabarets dits V.I.P ont le privilège d’être servis les premiers », explique une prénommée Aline rencontrée au quartier Yoba avec une bouteille d’Amstel de 7 000 FBu dans la main.
Selon cette dame, ce sont ces mêmes établissements qui viennent rafler tout ce qui est dans les petits bistrots pour aller le revendre chez eux à un prix exorbitant. Ce qui incite les petits commerçants à prendre goût à des bénéfices faciles et rapides jusqu’à ignorer les clients réguliers et permanents qui risquent pourtant de les dénoncer à la police.
« Ce que je cherche, c’est de l’argent. A quoi bon attendre des heures et des heures alors que quelqu’un me propose d’acheter mes cinq casiers en une fois », lance une vendeuse de boissons du quartier Shatanya.
Pour de nombreux consommateurs, cette stratégie pourrait s’avérer contre-productive à long terme. D’une part, elle risque de détériorer la relation de confiance entre les commerçants et leurs clients, déjà affectée par l’insatisfaction croissante des consommateurs face à des prix jugés excessifs. D’autre part, la flambée des prix pourrait réduire le nombre de clients réguliers, particulièrement dans les milieux où on vend aussi des grillades.
Certains consommateurs pourraient en effet décider de changer de cabarets et laisser ainsi la viande de chèvre ou de bœuf pourrir dans les congélateurs. Ce qui pourrait affecter directement le chiffre d’affaires des établissements concernés.
Pour le moment, beaucoup de cabarets et bistrots sans grand capital sont déjà fermés. Ceux qui y travaillaient ont été renvoyés à la maison.