Malgré de fortes amendes qu’on leur inflige, les transporteurs de Gitega ne veulent pas entendre la tarification du transport exigée par le ministère ayant le transport dans ses attributions. Pour échapper aux amendes, ils sélectionnent les passagers qu’ils connaissent et qui ne peuvent pas les dénoncer à la Police. Et tant pis pour les personnes aux allures de fonctionnaire.
Depuis plusieurs mois, le secteur du transport à Gitega fait face à des tensions persistantes. Malgré la disponibilité du carburant aujourd’hui, les transporteurs continuent de maintenir des tarifs élevés.
Alors qu’auparavant ils justifiaient l’augmentation des prix par la rareté et la cherté du carburant, aujourd’hui, ils avancent que le coût des pièces de rechange et les frais des documents exigés pour les véhicules ont considérablement augmenté.
Ils doivent donc maintenir les prix de transport élevés pour éviter de travailler à perte. Si on prend par exemple le trajet Gitega-Bujumbura, le prix reste de 15 000 FBu voire plus dans le taxi-voiture tandis que dans les minibus type Hiace, il est négociable entre 12 000 et 10 000 FBu.
« Nous ne pouvons pas revenir aux anciens tarifs car cela mettrait en péril la rentabilité de notre activité », explique un conducteur de taxi voiture à Gitega. Il estime que la disponibilité du carburant n’explique pas nécessairement la baisse du ticket de transport. Pour lui, d’autres paramètres entrent en effet en jeux.
Ils soulignent que les réalités économiques actuelles les contraignent à ce comportement. Il donne l’exemple des voitures ou des motos qui deviennent de plus en plus chères ces dernières années. Ce qui est une conséquence directe de la dépréciation de la monnaie burundaise.
« C’est ridicule qu’on nous oblige de retourner aux anciens tarifs alors qu’ils sont au courant que tout a monté de prix plus de deux fois sur le marché. Il suffit de voir comment les véhicules sont chers aujourd’hui pour comprendre que ce n’est pas de notre faute », avance le nommé Hassan, un chauffeur de Gitega.
Ces chauffeurs indiquent qu’il n’est pas normal qu’on leur exige de faire le trajet Bujumbura-Gitega pour un prix d’un kilogramme de sucre. Beaucoup ne craignent même pas de dire à haute voix qu’on veut supprimer leur activité en voulant jeter sur eux tous les maux de ce pays.
« Il y’a une semaine, j’ai payé une amende de 50 0000 FBu sous prétexte d’avoir haussé le prix du ticket de transport. Mais, certains oublient que les transporteurs n’ont pas de marché à eux seuls où ils font des achats », déplore le prénommé Innocent.
Même son de cloche chez les taxis motards. Selon eux, c’est tellement injuste de prendre une décision de baisser le prix du transport alors que tout est devenu cher. Ils parlent de la hausse du prix des mots. Ils font savoir par exemple qu’une moto qui était à 5 millions il y’a moins de 4 mois coûte aujourd’hui 7 200 000 FBu.
« Ce qui tranquillise, c’est que la police ne viendra pas m’exiger un prix. Les motos, c’est différent des voitures et des bus car, avant de démarrer, je négocie avec le client. S’il est d’accord c’est bien et le client me paie avant. S’il refuse, je le laisse », a reconnu le prénommé Claver, un taxi-motard du quartier Magarama.
Le consommateur en paie les frais
Cependant, cette attitude des transporteurs crée un sentiment de frustration parmi les passagers qui s’attendaient à une réduction des prix avec la stabilisation du marché du carburant. Avant, l’argument des transporteurs paraissait légitime aux yeux de la population, mais, aujourd’hui, la situation semble différente.
Face à des amendes fortes, les transporteurs ont adopté une nouvelle tactique. Ils préfèrent prendre des clients dociles, à savoir ceux qui acceptent facilement les tarifs du jour. Au moment où les uns négocient avec les passagers de ne pas dévoiler à la police l’argent payé, les autres préfèrent prendre ceux qu’ils voient souvent voyager.
« Il suffit qu’on te soupçonne d’être un fonctionnaire ou une autre personne qui représente une menace, tu passeras des heures et des heures sur le parking. A chaque fois que tu veux monter, ils te font descendre arguant que les places sont déjà prises », raconte le prénommé Ignace, un directeur d’une école primaire à Gitega. Actuellement, la résistance des transporteurs à réduire les prix continue de produire des impacts profonds sur le quotidien de la population de Gitega, en particulier pour les ménages à faible revenu.
« On peut fermer les yeux quand il s’agit de se déplacer mais beaucoup ne savent pas que le transport des marchandises s’est multiplié par deux voire trois. Il suffit d’aller chercher des matériaux de construction et là tu constateras que tout à changer », s’indigne le prénommé Yves, un habitant de Karera qui affirme avoir déboursé 200 000 FBu pour une benne de sable. Pour lui, le maintien des prix de transport élevés a donc des répercussions directes sur leur pouvoir d’achat. Ce qui limite l’accès à d’autres biens et services essentiels. Cela laisse en effet peu d’argent pour l’alimentation, l’éducation et d’autres besoins primaires.
Les habitants des zones rurales qui doivent régulièrement se déplacer vers les centres urbains pour vendre leurs produits agricoles sont particulièrement touchés.
Et Béatrice, une commerçante de renchérir : « Les coûts de transport plus élevés augmentent les dépenses opérationnelles. Ce qui rend plus difficile la rentabilité de nos affaires et augmente exponentiellement le prix des biens chez les consommateurs. »
Pour beaucoup, la persistance de cette situation nécessite une négociation entre le gouvernement et les acteurs du secteur des transports. Il est essentiel de trouver un équilibre entre les réalités économiques des transporteurs et les besoins de la population.